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brève? Les formes latines Jorensia (Sid. Apoll., Epist. 4, 25, 5, Jorenses heremi (Greg. Tur., Vit. patrum, cap. 1, 1), ultraiorani (Fred., Chron. 4, 13), qui alternent avec les formes en u, prouvent qu'il s'agit d'un й, c'est-à-dire d'un son qui s'est confondu avec ō dans l'histoire des langues romanes. Cette manière de voir est confirmée par les formes qu'emploient les auteurs grecs, où nous voyons également alterner o et ou (loupários, Strabon 4, 3, 4; 1ópa opous, 6, 11, etc.).

L'u bref que nous venons de constater rend impossible toute parenté de notre mot avec le latin jūs, jūris. D'autre part, la racine jur, que reflète encore notre prononciation Jorat1, nous fait penser à un mot très répandu dans nos patois romands et qui doit avoir la même origine. C'est le mot qui signifie forêt de montagne ou simplement forêt 2, par extension, et qui apparaît sous les formes suivantes (je place à côté des formes de ce mot celles du mot JUGUM, le joug, pour bien montrer l'identité du développement phonétique) 3:

Berne: djou (djou); Neuchâtel, Montagne: dju (dju), Val-deRuz: djær (djà et dju); Fribourg: dzão (dzāo, où le mot est conservé); Vaud, Alpes: dzer, dzór, dzao, dzœu (dzao, dzau, etc.); Valais: dzæu, zòou, zour, etc. (joug n'est guère usité).

Dans les patois qui ont laissé tomber l'r finale, les dérivés : dzorèta, etc., font connaître le radical à un état plus archaïque. Les bois de la plaine sont désignés par les mots bou, fòrè, avec lesquels rivalise kót = côte dans les cantons de Neuchâtel et de Berne. Dans ces deux derniers cantons, le terme djou, dju, djær n'est plus employé que comme nom propre. Une foule innombrable de lieux-dits de toute la Suisse romande, correspondant au mot simple ou à un de ses dérivés, remontent à la même source. Nous rencontrons des quantités de Joux, Jeur,

1 La forme Jura, avec u, est influencée par les formes patoises de la Montagne neuchâteloise, voir plus loin.

* Kuenlin, Helv. Almanach, 1810, écrit « zau = bergigte waldweide. » 3 Je ne cite que quelques variantes caractéristiques.

Jor, Jorat, Joratel, Jorattaz, Joratys, Jorasse, Jorassaz, etc. Il est donc permis de dire que le mot Jura signifie forêt, ce qui cadre très bien avec les noms de Forêt Noire, Forêt des Ardennes, Bregenzer Wald, Thüringer Wald, etc., que portent les chaînes de montagnes de même configuration situées plus au Nord. Cette interprétation précise celle de montagne, à laquelle se sont arrêtés les celtistes. Le mot lui-même, n'étant ni latin ni germanique, doit être celtique, ou peut-être ligurien, comme le voudrait M. d'Arbois de Jubainville (voir Holder, Altceltischer Sprachschatz sous Jura). La voyelle a de Jura provient probablement d'un suffixe1. Notre mot a laissé des traces comme appellatif dans les documents du moyen âge: je trouve dans Du Cange, sous jarria, la citation suivante, empruntée à une charte de 1157 provenant de la région des Alpes: pratis, pascuis, silvis, joriis, montibus, vallibus, où joriis désigne probablement les forêts de montagnes par opposition à silvis bois de la plaine2; nos vieux parchemins contiennent fréquemment l'expression Jures nigra = les joux noires dans le sens de « grande forêt de montagne. »

La chaîne du Jura n'aurait donc pas été baptisée d'après sa nature de montagne ni d'après ses formes extérieures, mais d'après son utilité, comme c'est aussi le cas des Alpes.

L. GAUCHAT.

1 Cf. les formes grecques Ιόρας, Ιουράσιος, Ἰουράσσος et nos lieuxdits Jorasse, Jorassaz.

2 Le même mot joria se retrouve dans des documents valaisans bien postérieurs (jusqu'au XVIIe siècle), comme équivalent du patois dzer, dzor.

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=æ fermé (feu [ƒœ]).

a (e renversé) = e sourd (brebis [brabi]).

an, in, on, un, sont les voyelles nasales des mots français temps

[tan], main [min], rond [ron], lundi [lundi].

in, ün, oun désignent les nasales de i, u, ou, qui ne se trouvent que dans certains patois du Jura bernois et du Valais.

å, voyelle intermédiaire entre a et ò.

ä è très ouvert.

Les diphtongues sont notées ay, èy, òy, aou, àu, etc., ou ya, yè, yò, oua, ua, etc., suivant la nature et le mode de combinaison des éléments qui les composent.

B. CONSONNES

b, p, d, t, j, ch, v, f, s, z, l, m, n, r ont le même son qu'en français.

g représente partout le son dur de goût [gou].

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ly mouillée dans l'ancienne prononciation taille [taly'].

nyn mouillée comme dans vigne [viny'].

y s'emploie comme dans le français yeux [y], fusion [fuzyon], pied [pye].

h = aspiration semblable à celle de l'allemand hoch.

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Les voyelles particulièrement longues sont surmontées d'un trait horizontal: ā, etc.

Les sons faiblement articulés sont notés en caractères plus petits, par exemple ai, ao, our, etc.

Un petit trait sous une voyelle (a) indique qu'elle porte l'accent tonique.

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