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Encycl. 5 la sonnerie de l'agonie. On sonne encore plusieurs fois jusqu'à ce que le corps soit rendu à la terre. En pays protestant, il n'y a pas ou peu de sonnerie. Certaines contrées ont tenu à conserver aux cloches une partie de leur langage symbolique d'autrefois. Dans plusieurs endroits, on sonne pendant que le cortège funèbre se rend au cimetière; à Plagne (B) en outre, quand la fosse est creusée. En pays catholique, les cloches sont plus éloquentes. La sonnerie varie assez selon les lieux et selon les cloches que la paroisse possède. On sonne ou peut sonner le lendemain du décès, le matin (sonnerie de la mort, trois « couplets » avec les trois cloches, précédés ou suivis de tintements avec l'une d'elles, selon que c'est un homme, une femme ou un enfant), en commençant ou en achevant de creuser la tombe, la veille de l'enterrement, pendant celui-ci, au moment où le prêtre quitte l'église, où il fait la levée du corps », avant et pendant le cortège, au moment où l'on chante à l'église le Libera me, lorsqu'on quitte l'église pour s'approcher de la fosse.

10. Au cimetière et à l'église. Les protestants se rendent généralement directement au cimetière, où a lieu un deuxième culte plus bref qu'à la maison, une prière et, selon les lieux et circonstances, une allocution. Après que le fossoyeur (ou un parent) a jeté les trois premières pelletées de terre dans la tombe, le pasteur prononce la bénédiction. Anciennement, il y avait encore le « remerciement » aux assistants, dit par un membre de la famille (Vd). « Dans les enterrements, écrit le doyen Bridel à propos des Ormonnens, il y a toujours quelque parent ou ami qui fait devant la fosse une petite oraison funèbre... et qui les (les assistants) remercie de l'amitié qu'ils ont portée au défunt» (Coup d'œil sur les Alpes du canton de Vaud, Cons. VI, p. 288). Dans quelques villages, on va d'abord au cimetière, puis à l'église, où se font l'oraison et la prière. Les catholiques entrent à l'église, à moins qu'on ne s'arrête d'abord devant elle pour procéder à la cérémonie de la « levée du corps ». A l'église, la messe est accompagnée de l'office

des morts. La liturgie varie quelque peu de canton à canton. Nous faisons suivre deux descriptions, pour en donner une idée. Environs de Romont (F): le cercueil est placé au choeur, sur un soubassement, et les cierges portés par les parents sont disposés, allumés, sur six guéridons autour de la bière (ils deviennent la propriété du curé ou de l'église). On chante le requiem (Obit) et le Libera me. Ensuite le cercueil est porté au cimetière où se font les dernières prières liturgiques. Le curé jette la première (ou les trois premières) pelletées. La tombe est aspergée d'eau bénite. Pas de discours. District de Delémont le cercueil est déposé à l'entrée du chœur et les assistants prennent place dans les bancs, les proches parents en avant; le curé chante l'office des morts et la messe pour le défunt. La messe finie, on chante auprès du cadavre le Libera me; puis le cortège se forme de nouveau pour se rendre au cimetière, où l'inhumation se fait avec les prières prescrites par le Rituel. Si l'enterrement a lieu l'après-midi, la messe est remplacée par le chant des vêpres des morts.

Aussitôt que les participants se retirent, la tombe est remplie par le fossoyeur et ses aides, ailleurs par les porteurs. A la sortie du cimetière (ou en revenant à la maison mortuaire) a lieu dans les cantons protestants, aussi chez les catholiques genevois, la cérémonie de l'honneur, qui consiste à défiler devant les membres de la famille du défunt, avec ou sans poignées de main. La coutume est en train de se perdre. Les femmes n'y prennent pas part. A Neuchâtel, c'est au domicile du défunt que les parents, réunis dans une chambre, reçoivent la poignée de main des assistants, avant le départ du convoi, à moins que la lettre de faire part n'avise qu'« on ne touchera pas. >>

11. Costume de deuil. Le brassard d'étoffe noire que les hommes portent au bras gauche, le ruban noir autour du chapeau, le voile long dont se couvrent les femmes ont été introduits il n'y a pas longtemps. Autrefois les femmes portaient une espèce de mantille noire, restée traditionnelle dans cer

taines parties de Fribourg et du Valais. Les hommes avaient à leurs chapeaux (le haut de forme était de rigueur) un long crêpe dont les deux bouts pendaient sur le dos. Cela s'appelait le manti (manteau), nom qui rappelle une coutume encore plus

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ancienne : c'était un véritable manteau de toile noire et légère qu'on mettait sur ses habits. Nous supposons que c'était une réminiscence de l'habit de pénitent (blanc ou d'autre couleur) que portaient lors des funérailles les membres des confréries à l'époque catholique. Dans plusieurs vallées valaisannes, les porteurs du cercueil ou même les membres de la famille revêtent encore cette « robe de fraternité ou abè. Dans le canton de Vaud (première moitié du XIXe siècle), on mettait le long

crêpe aussi pour aller annoncer le décès chez le pasteur et pour commander la fosse (Vallée de Joux). D'anciens règlements du XVIIIe siècle prescrivaient combien de temps ce crêpe devait être porté selon le degré de parenté du défunt (Musée neuch. 1896, p. 47). A Evolène, les hommes ne se rasent pas pendant quelque temps, en signe de deuil. Dans cette vallée, comme dans celle d'Anniviers, les femmes portent, pour un grand deuil, la barbette (coutume autrefois plus répandue), c'est-à-dire une longue bande de toile blanche, attachée autour du cou et flottant jusqu'aux pieds ou fixée à la robe. Le temps pendant lequel cela devait se faire était prescrit (trois semaines pour père et mère); maintenant cela a lieu à l'enterrement et en allant à l'offrande. Fischer, Die Hunnen, p. 371 ss., qui décrit tout au long un ensevelissement auquel il a assisté dans l'Anniviers, parle encore d'un linge blanc que les hommes et les femmes mettent sur la tête. Le noir et le blanc sont ainsi les couleurs du deuil. Bridel a encore vu un « couvre-chef blanc » chez les femmes qui assistaient à l'enterrement (op. cit.). Dans plusieurs localités de la Gruyère, les hommes portaient naguère un pantalon blanc (gilet et redingote noirs) à l'enterrement d'un célibataire. Comp. le tablier blanc que mettent les filles en accompagnant le cercueil d'une célibataire dans le Prättigau (Arch. s. d. trad. pep. I, p. 46)1. Dans le Vully, on rencontre encore des enfants auxquels on attache un tablier noir aux épaules, souvenir de l'ancien manti. Dans le Jura bernois, les femmes mettaient autrefois un mouchoir de tête blanc (ou bleu), nommé bouèyat', doubya, voir ces mots,. comme le portent encore les femmes anabaptistes. Plus tard, elles endossaient les bagnolets, sorte d'énorme capuce ronde avec mantille.

On observait le grand deuil (pour mari ou femme, père ou mère, enfants) pendant un an et six semaines, le demi-deuil

1 Voir aussi Rochholz, Die Leidfarbe Weiss, dans le volume mentionné plus haut, p. 133 ss.

(étoffes grises ou autres couleurs sombres) une seconde année. Le petit deuil (pour d'autres parents) durait trois à six mois. Actuellement toutes ces usances tendent à devenir moins rigoureuses.

12. Il y a une cinquantaine d'années régnait encore, presque indiscutée, la coutume de grands repas d'enterrement, auxquels prenaient part tous ceux qui assistaient aux cérémonies funèbres. On improvisait de longues tables dans la grange ou ailleurs, afin de pouvoir placer tout ce monde. Rien n'était épargné, on mangeait force bouillis et rôtis et le bon vin vieux pétillait dans les verres, comme le décrit Schiner dans sa Description du Dép. du Simplon (1812; voir aussi Mario, Génie des Alpes val., p. 149). Les paysans mettaient de côté une bonne pièce de fromage et surtout un tonneau de vin, afin que rien ne manquât à leur fête, car c'est ainsi que ces repas, y compris les funérailles, se nommaient dans les Alpes vaudoises et dans le Bas-Valais. On les appelait aussi dîner ou goûter d'enterrement, dèdzon-non, non-n, trantó (B Malleray) et satamo (nom qui signifie proprement septième et a désigné à l'origine la fin d'une série d'offices liturgiques, voir J. Jeanjaquet, Bull. du Gloss. V, p. 47, et ci-dessous no 14). On disait méme baire lo co, << boire le cadavre » (Bridel). Ces véritables banquets avaient lieu avant le convoi funèbre, ce qui était particulièrement choquant, ou au retour du cimetière. Après avoir commencé avec dignité, ils dégénéraient facilement en beuveries et en festins pantagruéliques. Nous lisons dans l'Agace la phrase: lous autre iadzo on molavè sous queuté por alá is enterrèmen, autrefois on aiguisait ses couteaux pour aller aux enterrements (no 20, p. 3). En 1678, un communier de Travers convia jusqu'à 112 personnes à un repas funéraire (J. de Sandoz Travers, Notice hist., p. 75). Mais ces repas étaient surtout onéreux, et un de nos correspondants affirme connaître des familles qui ont été plusieurs années avant de pouvoir se libérer de la dette contractée à une telle occasion. Aussi les autorités ont-elles trouvé bon

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