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ment, st est changé en ou h, dans le canton de Fribourg, à Montreux, à Blonay. Il serait intéressant de vérifier si les consonnes initiales de quelques noms de lieu y ont été affectées par ces modifications de la même façon qu'en Valais. Ni à Blonay, ni à Montreux, ni dans les communes fribourgeoises que j'ai visitées, mes enquêtes ne m'ont révélé rien de pareil. Nulle part, dans les noms de lieu valaisans, je n'ai observé de variations syntaxiques résultant du traitement différent de certaines consonnes, notamment / et v, entre voyelles ou après d'autres consonnes, sinon dans une aire très restreinte ou coïncident, au centre du Valais, l'amuïssement du v intervocalique et ces modifications des groupes sp, st, sc désormais connues de mes lecteurs. Aux confins des communes d'Ayent et d'Arbaz, il y a un lieu dit i valeta (Velettes ou Villettes, 1880, 1858), tandis qu'un des villages ayentots s'appelle la ela (Vellaz, 1906; Laëlaz, 1880, 1858). A Hérémence, on dit en vela 1 (in Villa, 1878, 1851; Vella, 1851), en parlant du chef-lieu de la commune, et dəri èla pour désigner des champs situés « derrière le village d'Euseigne. Dans ces très rares exemples, dans ces cas exceptionnels, nous retrouvons en germe cette variabilité de l'initiale caractéristique des parlers sardes et italiens et des langues celtiques.

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Les noms de lieu qui vont suivre sont répartis, selon les effets différents produits par la liaison de l's finale avec les consonnes initiales, en cinq groupes, sous les rubriques sp, spl, st, sch), sk, skl. Quelques noms dont je n'ai pas réussi à déchiffrer l'énigme sont rangés tout à la fin, sous la rubrique Cas douteux. A chaque nom j'ai joint la plupart des mentions parvenues à ma connaissance. Ces mentions datées sont tirées d'anciens documents, imprimés ou manuscrits, notamment de la collection des Mémoires et Documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande [M. R.]; des cartes nos 481,

1 Pour la transcription du patois, voir ci-dessous, p. 59.

482, 486, 487 et 527 (au 50 000 e) de l'Atlas topographique de la Suisse, connu sous le nom d'atlas Siegfried S.]; des plans cadastraux récemment établis dans la plupart des commune's valaisannes; des registres de la propriété foncière, qui sont tenus à jour dans chaque commune par un « teneur des rôles » et renouvelés quand le besoin s'en fait sentir; enfin (pour quelques communes de langue allemande), des rôles de classification des immeubles dressés chaque année pour la fixation de l'impôt. Je n'ai spécifié la nature et la culture des lieux dits que lorsque j'ai pu le faire très brièvement ou que cela importait pour l'explication du nom. On verra par ces indications que la région des hauts pâturages, des montagnes, offre (généralement parlant) moins d'exemples de consonnes initiales modifiées par l'effet de la liaison que la région des cultures et des habitations permanentes.

Pour l'éclaircissement des noms, j'ai eu parfois recours au Glossaire du doyen Bridel ou au Dictionnaire de l'ancienne langue française de Godefroy, et j'ai souvent renvoyé le lecteur à l'Essai de toponymie de M. Henri Jaccard, qui fournit des matériaux de comparaison très abondants. L'amicale complaisance de M. Gauchat m'a largement ouvert l'accès des trésors du Glossaire des patois, et sa sagacité m'a aidé à résoudre plus d'une difficulté. Grâce aux relevés phonétiques faits par M. Jeanjaquet J.], en 1899, dans un grand nombre de localités du Valais, j'ai pu contrôler et compléter les informations que me fournissaient mes propres enquêtes et celles d'autrui concernant les modifications subies par les groupes sp, st, sc, soit dans le corps des mots, soit par l'effet de la liaison d'une consonne initiale avec s finale. Sous chacune des rubriques sp, spl, st, sc(h), sk, skl, sont résumées les données géné

1 Il me manque les dates de Varonne et de Louèche-la-Ville. 2 MM. Séraphin Bétrisey, à Ayent, et Pierre Gaudin, à Evolène, m'ont fourni par lettres quelques renseignements, dont je les remercie.

rales ou particulières sur lesquelles se fonde l'interprétation des noms de lieu. Mes principales sources d'information sont énumérées ci-après:

Gilliéron, Petit Atlas phonétique du Valais romand (sud du Rhône), planche 30: exemples recueillis à Hérémence, SaintMartin, Evolènaz, Ayer, Saint-Luc, Chippis et au village de Reschy, de la commune de Chalais.

Le même, Glossaire du patois de Vissoie, manuscrit au Bureau du Glossaire des patois. A ceux de Vissoie, l'auteur a joint d'autres mots recueillis à Luc et à Chandolin, ou encore de la bouche de passants originaires d'autres villages du Valais: << simples matériaux de comparaison, dit-il, que je n'aurais pas publiés. » La mention « Vissoie » ou, suivant l'occurrence, un G. entre parenthèses renvoient à ce précieux glossaire. Le même, Notes dialectologiques, au tome XXV de la Romania (1896), pp. 425 ss.

Zimmerli, Die deutsch-französische Sprachgrenze in der Schweiz, III (1899), Lauttabellen: exemples recueillis à Evolène, Pinsec, Saint-Luc, Chalais, Montana et Ayent [Z.].

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L. de Lavallaz, Essai sur le patois d'Hérémence (Paris, 1899). Gilliéron et Edmont, Atlas linguistique de la France, points 979 (Lens), 988 (Evolène) et 989 (Vissoie). Les exemples cités ayant été recueillis par M. Edmont, je renvoie à ce monumental répertoire, tantôt par l'abréviation A. L., tantôt par la seule lettre E., entre parenthèses.

Comme la plupart de mes prédécesseurs n'ont pas marqué ou n'ont marqué que très irrégulièrement l'accent des mots, je ne l'ai noté que dans les formes que j'ai recueillies moi-même. Dans les noms de lieu du pays allemand, il n'est indiqué que lorsqu'il a surpris mon oreille par sa coïncidence avec l'accent des langues romanes. Je me suis un peu écarté du système de transcription en usage dans le Bulletin du Glossaire des patois de la Suisse romande, en notant par en l'e nasalisé qu'on prononce dans les mots français Benjamin ou maintien; par en læ nasalisé des mots brun, chacun, jeun ou Meung; par le w

anglais l'ou consonne articulé dans oui, ouais et fouet; par ā, non seulement un a particulièrement long, mais tout a vélaire, ou « fermé », comme on dit improprement en français. Trois consonnes rares dans nos dialectes ont exigé l'emploi de signes nouveaux. Par ǹ je représente l'n vélaire, notée en allemand par ng dans Nibelungen et les noms de lieu en -ingen; par le grec 17 vélaire russe et polonaise; par une h barrée la prononciation du ch allemand après a, o, u, dans bach, hoch, suchen ou kuchen.

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Gilliéron, Petit Atlas: vespam, spinam.

Le même, Romania, XXV, pp. 429, 436 et 437.
Zimmerli: sponsum (VII), spinam, vespam (XV).
Lavallaz, § 235.

Atlas linguistique, cartes 471, 474B, 476, 477, 483, 493, 672, 1238, 1553, 1711.

L'f, presque constante dans tous ces exemples, est encore attestée, grâce aux enquêtes de M. Jeanjaquet, à Miège et Venthône, dans les mots spina et vespa; à Hérémence, Saint-Martin, Evolène, Grimentz, Painsec, Ayer, Saint-Luc, Chandolin et Chalais, dans la formule de salutation bonum vesperum, «bonsoir ». L'enquête sur les noms de lieu me fournit deux autres exemples du changement de sp en ƒ dans le corps d'un mot :

B. lat. raspa, « râpe»: rāfa, « mauvais terrain », à Randogne; 1. d. i rặƒè, à Saint-Jean et Ayer.

Raspille (la), torrent formant limite entre les communes de Sierre et de Sarquène, les districts de Sierre et de Louèche (S. 482): aqua que dicitur Raspilly, 1299 (M. R., XXX, P. 535); li rafily (Veyras). Lieux dits en la rafi̟lə (Anniviards), all. rāfili, à Sierre; en rafilyi, à Miège, en rafily, à Mollens, a la rafilyè, à Lens; rāfilyè, à Sarquène, rāfilyi, à Louèche.

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i fachon, prés à Ayer.

De pachon ou passon (Bridel), « petit échalas, piquet, jalon » ? La comparaison avec le 1. d. i plan pachon, à Saint-Jean, rend cette étymologie douteuse.

i faleta, prés à Ayent: Falettes, 1906, 25.

De palèta,« palette » (Vissoie). Cf. les lieux dits i palètè, à Montana, et Palettes, all. palètè, à Bramois.

i falouk, 1. d. à Ayer: Falouc, 1902, 1873, 1859; Faluc, 1873, 1859.

i falous, prés à Chermignon: Phalux, 1856.

De paludem marais ». Cf. le 1. d. a la palaup, à Montana, et la place de la Palud, à Lausanne.

i far, prés à Luc: y Fards, 1880; Pfards, 1863, 1851. De par, « parc à bestiaux ».

Dans le 1. d. farchonk, pâturage de la montagne de Varonne (Varneralp), je crois pouvoir reconnaître le diminutif fréquent partson1. La forme romane en farchon, que j'ai recueillie de la bouche d'un pâtre de Venthône, peut être influencée par l'allemand.

u fazer, 1. d. à Arbaz: Fahier, 1908, 31, 32.

De pascuarium, « pâquier » (Bull., X, p. 21). Cf. les lieux dits au pazer, à Montana, ai pazèr dai bis, à Icogne.

i fèjelis, prés à Ayer: Fégeris, 1902, 1873, 1859.

i fèjèrį, champs à Vercorin: Fegeri, 1904; Fegery, 1880. Cf. le 1. d. ou pèjərik, à Ayer, identique à l'afr. peseril, champ où l'on a récolté des pois (Romania, XXXVII, pp. 439 ss.). La prononciation fèjelis résulte sans doute d'une

métathèse.

i fourta, 1. d. à Ayent.

De porta, « porte », prononcé parta à Lens, Montana et Ayent.

Lieux-dits à Grimentz, Mollens, Randogne, Ayent, Finhaut, Dorénaz et Lavey (au Parchon, 1816).

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