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NOTES

Il est facile de reconnaître dans le conte reproduit ci-dessus une variante populaire, strictement localisée, d'un motif de l'antique légende de Polyphème, dont on a déjà relevé de nombreuses versions dans les pays les plus divers. Comme nous nous proposons de signaler ailleurs l'intérêt qu'offre à ce point de vue notre récit, nous ne nous y arrêterons pas ici et nous nous bornerons à mentionner qu'une variante de la même légende a été recueillie dans la vallée voisine d'Anniviers. (V. Archives suisses des Traditions populaires, V, 1901, p. 288). La version que nous donnons nous a été contée en 1900 par M. Jean Pralong, d'Evolène, telle qu'il l'avait entendue luimême dans les veillées. Grâce à l'obligeance de M. P. Gaudin, député, également d'Evolène, nous avons pu contrôler récemment notre première transcription.

Le patois d'Evolène est un des plus archaïques et des plus originaux du Valais. Son système phonique diffère notablement de celui du français. La simplicité de la transcription adoptée pour le Bulletin ne nous permet pas d'en rendre toutes les nuances délicates et nous oblige à nous contenter d'une exactitude approximative. Nous attirons l'attention sur les particularités suivantes :

Le son noté à désigne un i d'un timbre particulier, guttural, dont l'impression acoustique oscille entre i et e. Le même son plus réduit a été noté par 2, qui n'est donc pas l'équivalent exact de l'e sourd français.

Le timbre guttural de è, qui donne à la voyelle un caractère mal déterminé, affecte aussi d'autres voyelles. ou bref ou atone est toujours ouvert. Il se rapproche parfois de u et nous l'avons dans ce cas transcrit par ù; è atone tend à un son voisin de l'e sourd français.

ei et dou sont des diphtongues dont le second élément est faible.

Les voyelles nasales an, ein, on, in, oun sont suivies d'un élément consonantique vélaire plus ou moins marqué, sensible surtout dans les voyelles extrêmes in et oun; ein désigne un son plus fermé que le français in.

Les notations an', on', oun', etc., indiquent que l'n doit être

prononcée. Il faut toutefois remarquer que dans ce cas, qui se se présente lorsque l'n était suivie en latin d'une seconde consonne, la nasalisation est en voie de se produire actuellement et qu'on rencontre toute la série des phases intermédiaires, suivant l'intensité plus ou moins grande de la syllabe.

Le v intervocal est en général faible et parfois à peine perceptible. Il est bilabial.

Le k parasite et les consonnes finales autres que et ʼn ne sont articulées distinctement qu'en pause ou devant voyelle. Dans la prononciation rapide devant consonne, ils s'affaiblissent ou disparaissent complètement.

1 chès, pluriel de ché, rocher, du latin saxum. Les nombreuses formes spéciales de pluriels en s ou ch constituent une des particularités les plus caractéristiques du patois d'Evolène. Sans entrer dans les développements que réclamerait l'étude de cette question, constatons seulement que l's de flexion s'est maintenue toutes les fois qu'elle était appuyée par une consonne précédente. Après les voyelles nasales ou r, elle se présente sous la forme ch: la man, ' la main', plur. lè manch; la tòr, la tour', pl. lè toch; après les consonnes t, n, 1, 1 mouillée, on a en revanches; la pra, ‘le pré', pl. la pras; lǝ moulèt, ‘le mulet', pl. la moulès; la dèn', 'la dent', pl. lè dins; l'óoujé, 'l'oiseau', pl. la-j-óoujès; l'ouèl, 'l'œil', pl. la-j-ouès. Ces faits ne sont que l'application des lois générales de conservation des consonnes finales dans le patois d'Evolène; mais il existe aussi bon nombre de cas spéciaux, parmi lesquels il faut faire rentrer le couple ché, chès, où l'état de choses primitif a été troublé par l'action de l'analogie.

2 mouro dè rùvina, amas de terre et de pierres formé par un éboulement.

3 èn Òlein-na, forme réduite, plus courante que la forme pleine èn Eouòlein-na.

pareis dè ché, la forme isolée du mot est parik, mais dans la prononciation liée, le k s'efface et on perçoit la diphtongue. 5 lò tsātein, forme du cas régime, de règle pour les déterminations de temps. On sait qu'un assez grand nombre de patois valaisans ont conservé pour l'article défini la distinction de

l'ancien français entre cas sujet et cas régime. A Evolène, les formes de l'article défini sont les suivantes :

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On dit donc lǝ moulèt y è vèn'douk, lə vats' l'è vèn'doucha, mais ìfó vèn'drè lò moulèt, la vats.

6 daoue dè lóou lè-j-alāvoun. La reprise par un pronom personnel du sujet déjà exprimé par un nom est un fait à peu près constant de la syntaxe des patois de la région.

pavou, pl. padouch, est le terme général pour désigner tous les employés d'un alpage, tandis que pavo ne s'applique qu'à celui qui dirige l'exploitation.

8 moun'tanya, est toujours équivalent de 'alpe, alpage', mots qui sont inconnus au patois.

9 redout, versant exposé au soleil, par opposition à rèvè.

10 quran, forme dérivée du plus-que-parfait de l'indicatif latin habuerant, mais qui a pris la valeur d'un conditionnel. Ce temps se conjugue ainsi :

y ouro, l'aure, y ourè, n'ouran, y ourṛs, y auran'.

Il ne subsiste que dans les verbes être, avoir et savoir. 11 kankòna, terme d'injure 'mégère, sorcière'.

12 komplǝmins. Dans les mots terminés en -an', -èn', -on', où I'n se fait encore légèrement sentir, le pluriel a des formes presque complètement nasalisées : -ans, -ins, -ons.

13 kalya, pré. Le kalya est du lait caillé, mais dont les parties caséeuses ne sont pas encore séparées du petit lait, tandis que le pré est la pâte du fromage prêt à être retiré de la chaudière. 14 chèré, sérac, fromage blanc qu'on obtient en faisant cailler le petit lait.

15 infin, vieille forme généralement remplacée aujourd'hui par anfein.

16 rèzouyāya, devient dans la prononciation courante rèzouyèy.

17 kòlyóou, grande passoire de bois en forme d'entonnoir pour couler le lait qui vient d'être trait.

18 mèstray, contenu d'une mèstra, baquet étroit de forme. ovale, ayant d'un côté une douve prolongée servant d'anse.

19 zla. Forme du cas sujet. Nous avons parlé plus haut de la conservation dans certaines parties du Valais de la déclinaison à deux cas pour l'article défini. Nous ne croyons pas qu'on ait signalé jusqu'ici la déclinaison analogue du pronom démonstratif, qui est beaucoup moins répandue. Evolène possède les trois couples suivants, en regard desquels nous mettons les formes correspondantes du vieux français :

Sing. Nom. cha (cil), celui-là. Sing. Nom. zla (celi), celle-là.

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stǝ (cesti), celle-ci.

sta (ceste).

Le masculin chi(k) (cist), celui-ci, s'emploie sans distinction de cas. Les formes du pluriel sont pour le masculin xlóous, stóous, et pour le féminin xlè, stè.

20 mima. Le français étant obligé de dire « moi-même » si l'on veut indiquer que la personne qui parle a fait l'action, le jeu de mots ne peut pas être traduit exactement. Mais en patois la construction de « même sans pronom personnel est la seule usitée. Elle est souvent transportée dans le français local, et des expressions comme: 'Je l'ai fait même'. ' Vas-y même' sont courantes en Valais.

21 tchika mi apré, litt. ' un peu plus après'.

22 fik est à proprement parler l'équivalent du français ‘foi', du latin fidem; par extension de sens, balyè fik est devenu la locution habituelle pour dire faire attention, prendre garde'. J. JEANJAQUET.

ÉTYMOLOGIES FRIBOURGEOISES.

I. Fére kotó.

Féra kotó'faire semblant', par exemple f. k. dè drumi,‘ de dormir'; dè rin,' de rien'; n'a på fé kotó d'ourǝ, 'il n'a pas fait semblant d'entendre', littéralement : « faire comme tel [qui dort, etc.]. Pour ale-> é comparez male > mó, sale > só, etc.

II. Kouini.

Ce mot, qu'on retrouve sous des formes variées dans les différentes parties de la Suisse romande, signifie dosse, c'est-àdire la première planche qu'on scie dans un «billon, » plate d'un côté, ronde et recouverte de l'écorce de l'autre. C'est de l'écorce que cette planche tire son nom, qui dérive de * c'utinna (de cutis, peau), kouin-na, couenne, croûte' (par exemple du pain), auquel on a ajouté le suffixe -ellus donc *cutinnellus. Comparez Mistral, Trésor: couden,' dosse'.

III. Kové(y),

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i,

On appelle en Gruyère de ce nom l'étui où le faucheur met la pierre à aiguiser la faux, donc le coffin. Le mot patois n'a rien à faire avec le mot français coffin, il se rattache plutôt au latin cotarius, de cos, pierre à aiguiser queux en français. Cotarius est très répandu non seulement dans tous nos patois, mais encore en réto-roman (voir Archivio glottologico italiano I, 381, 485; II, 131), et dans les patois de France. (Voir

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