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rets 28. Le tasche 29 des murs échoit à Bidaux pour 22 sols la theyse 30. Les tiolles 31 de la deuxième fournée seront employées à la couverture de la thiolleyre1 en remplacement des lans, qui serviront à une tralaison 32. Le maréchal fera la ferrure' 33, pour laquelle il recevra un foux 34. Chaque feu ou ménage de la paroisse subviendra aux frais par une 'giette' 35 d'un florin.

La thiolleyre ne demeura pas longtemps en bon état : quatre ans après la construction, le thiolley 2 demande des ouvriers pour 'raccoustrer le raffort dedans la fourrure' 36, pour ranger la ramure 10 de la 'fernasse '37 et faire diverses autres réparations. Quelques années plus tard, le toit tombe en ruines; des chappuis sont chargés d'y faire des louvenos 38. On emploie 2 1/2 milliers de carrons 39 pour refaire le four.

Autour du bâtiment, le tuilier avait la jouissance d'un curtil 40 clôturé d'épondes, et d'une oche 42. Il dispose aussi d'un essert 43 au Devens44, d'une moille 45 pour le nourrissement de deux chevaux et du terrain qu'il peut esserper' 46 pour y planter des arbres. Il doit descoppillier 47 à l'entour de la maison, soigner les delaises 48, mener les morsels de thiolle 49

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ouvrage entrepris pour un prix 30 toise, pat. tāza. 31 tuile, pat. tyòla.

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36 ré

32 poutraison, plafond d'une chambre, pat. tralézon. 33 parties en fer du bâtiment. Les patois disent plutôt fèrmịnta, fr. pop. ' fermente'. — 34 hêtre, pat. fò. – 35 imposition. parer la garniture du four. 37 fournaise (?).-8 couvercle mobile adapté aux cheminées, pat. louvṛnò. On trouve plus bas la mention de 'louvenoux pour pouvoir entrer', ce qui ne s'accorde guère avec le sens de couvercle de cheminée '. 39 briques.

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40 jardin, pat. kurti. longueur, pat. éponda. 42 chenevière ou jardin potager, pat. outsa. 43 terrain défriché, pat. èsèr. 44 Nom de lieu fréquent

41 planches dressées dans le sens de la

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ou mellions 50 par les chemins et clore d'ages 51 sa tondiaz 52, de manière que les bêtes ne puissent y aller.

En 1583, il est question de derrocher 53 la thiolleyre1. On se décida cependant à la conserver en la réparant: on fit des louvenoux 38 pour pouvoir entrer, une chambre sur le poille 54

et des trablas 55.

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L'exploitation de la tuilerie semble avoir donné peu de satisfaction à la commune. En 1560, elle est amodiée moyennant 'fiance' 56 pour 9 ans à Gilliet. Celui-ci doit faire par ans 4 fournées de 4500 thiolles 31, à répartir par les gouverneurs'57 aux bourgeois, à l'exclusion des étrangers. Le prix du millier de thiolles 31, tant plates que copues 58, cornelz 59. carrons 39, planelles 60, chapperons 61, est fixé à 5 florins. Au bout de six ans, le tuilier devait recevoir un manteau et une paire de chausses 62. Il lui était interdit de vendre ni pasture 63, ni druge 64, ni une lottée 65 de 'grulons '66.

En 1562, plaintes générales: la tuile n'est pas de qualité, Gilliet dissipe le bois de sa tondue 52 et en brûle de celui qui est propre à faire des entres 67 de roues. En outre, son fils a cueilli de l'aglan 68 en la Tilliaz et s'est moqué du missellier 69. Le tuilier est menacé d'être 'expelli '70 et promet de s'amender.

En 1566 il a été remplacé, mais son successeur est convaincu d'avoir dérobé des tuiles et du bois à la commune. On ne veut plus d'un larre 71 et il est renvoyé.

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30 débris, menus morceaux de pierre ou de matières analogues, pat. malyon. 51 haie, pat. adzə. 52 coin de bois nouvellement coupé, pat. tondya. 53 démolir, pat. dèrotsi. 54 chambre principale, chambre d'habitation, pat. pālo. rayons, tablettes, pat. trablyā, fr. pop. 'tablard '.

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56 caution.

55

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57 membres de

l'autorité communale. 58 tuiles rondes ordinaires.

faîtières, pat. krané.

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59 tuiles

60 briques rectangulaires plates servant surtout à recouvrir le fond des cuisines. 61 tuiles massives pour le faîte du toit. herbage, pat.

pătura.

66

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64

67

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engrais, fumier, pat. drudzə. 65 hottée, pat. lotāyə.

() - jantes, pat. intrò. champêtre, pat. mèsèlyi.

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Le tuilier qui vient après lui est très pauvre. On lui fait don de sablon 72 et le conseil lui accorde une aumône de 4 florins parce que son enfant s'est rompu 73 en coupant du bois. Il est aussi nommé garde de la forêt de Gourze et dénonce en cette qualité le challottiaux '74 des Duboux, qui a pris des rancs 75, et des fagots et le garçon de noble Chalon, qui prenait du cleyron 76. Il gage aussi un viouge 77 au domestique de Jacques Richard, qui a été vu chapplant 78 un tronc de cleron 76. Comme tuilier, sa fabrication laisse à désirer; il est accusé d'avoir voulu adviller '79 la thiolle 31 et deux idoynes'80 sont chargés de le surveiller. Il n'est maintenu en fonctions qu'à condition d'hesmender' 81 le dommage. H. VORUZ.

72 sable, pat. sablyon.

74

6

73 fait une hernie, pat. sè rontra, rontu. 76 bois d'éclaircie,

75 (?) - grosse branche, rondin, pat. ran. pat. klyèron.

77

serpe, patois vyòdzə. petits morceaux, pat. tsaplya.

rieure. 80

personnes expertes.

79

78

couper, mettre en avilir, faire de qualité infé81 amender, réparer.

L'AGGLUTINATION DE L'ARTICLE

DANS LES MOTS PATOIS

II

Nous arrivons aux cas moins nombreux où une partie seu. lement de l'article s'est détachée, pour se souder au substantif que cet article avait l'habitude de précéder. On peut distinguer quatre cas d'agglutination de ce genre:

«

>

1. l'aglan, le gland, où le singulier de l'article a été le point de départ; 2. l'écorne, pour « la corne, » et 3. le zoiseau, pour l'oiseau, où le pluriel de l'article a produit l'agglutination; enfin 4. le nabit, pour « l'habit, » où s'est ajouté l'élément consonantique de l'article indéfini.

1. Type: aglan.

1. Le mot aglan est particulièrement intéressant, d'abord parce que c'est une des rares formes agglutinées qui nous soient attestées dans l'ancienne langue, en provençal et en français, ensuite parce qu'elle occupe un domaine géographique très étendu. Nous la retrouvons, en effet, de la Catalogne jusque dans les dialectes franco-provençaux, et en outre en Lorraine, dans le Morvan, le Berry, le Poitou, le Bas-Maine 1. L'a initial de ce mot étonne au premier moment, et on a eu recours, pour l'expliquer, au grec ulos, « gland mangeable » et au gothique akran, « fruit. » Mais c'est sans aucun doute simplement le latin glans qui est à la base de la forme aglan. Le mot était féminin en latin et conserve ce genre en roman. On a dit la glan, una glan, et de là, par l'agglutination de l'a final de l'article, on a tiré la forme aglan. L'emploi dominant du mot au singulier s'explique par sa valeur collective: de la gland, comme: de la feuille, du raisin, etc.

Quant au passage de alyan au masculin, que nous constatons dans toute la Suisse romande, de même qu'en lyonnais et en lorrain, il est dû sans doute à l'absence de terminaison féminine et a été facilité par la présence d'une voyelle à l'initiale. Le français présente plusieurs exemples de changements analogues.

Le Jura bernois, ici comme dans bien des cas, se sépare des autres cantons romands et fait usage d'une forme non agglutinée yin, du genre masculin.

Les autres exemples sont d'un usage très local :

2. l'alǝson, s. f., « la leçon, » dans les patois vaudois et neuchâtelois. On dit par exemple: vein dere ten' alesson! ‹ viens dire ta leçon 2!» ou: totès sortès d'alessons 3.

3. l'amaron, s. m., « le marron, » cf. amarrūni, ‹ marronnier. Je m'explique cette forme curieuse de la façon suivante:

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1 Voir A. Thomas, Mélanges d'étymologie française, p. 10. 2 Cité par Cornu, Romania VII, p. 109. 3 Conteur vaudois, 1895, n° 1.

on disait autrefois lo maron, puis le mot devient féminin sous l'influence du synonyme tsatanye, d'où la maron et, par agglutination, l'amaron.

4. l'aluetta, aluvetta, s. f., « la luette, » (Vaud). Le mot est particulièrement intéressant en ce qu'il est doublement agglutiné: uvitta > uetta, l'uetta, luetta, la luetta, l'aluetta.

5. l'èsōt', s. f., pour lè sōt', « abri contre la pluie; » on dit. par exemple inn èsōt à Charmoille (Jura bernois). Le mot est tiré du verbe su(b) stare.

Enfin un exemple masculin:

6. l'òstan, pour lò stan, « le stand de tir» (Blonay et Paysd'Enhaut). On dit à Blonay: on-n-òstan.

Nous passons à l'agglutination ayant pour base le pluriel de l'article.

2. Type: les écornes.

Les patois de la Suisse romande semblent particulièrement riches en exemples de ce genre. Ce qui caractérise ces mots, c'est qu'ils expriment tous, ou presque tous, une idée de pluralité; ce sont des pluralia tantum, comme dit la grammaire latine, dont une bonne partie désignent des objets ou instruments se composant de deux éléments, comme les cornes, les narines, les ciseaux, les tenailles, la balance.

1. écorne, forme courante du Jura bernois. On disait d'abord: sing. lè kouan', plur. lé kouan'. Puis le pluriel étant d'un emploi extrêmement fréquent, on a pris ce pluriel de forme pour un singulier de sens (cp. la balance, le pantalon, etc.), et on est arrivé à dire èn'ékouan', « une corne, » dé kō d'ékouǝn', « des coups de corne, » ïn bou d'ékouən', « un bout, un tronçon de corne. » Même dans les dérivés il y a la prosthèse: lè-z-ékouènat << les petites cornes. » La forme agglutinée n'a cependant pas remplacé partout la forme régulière, qu'on trouve encore, par exemple, dans la formulette enfantine: kouən də buə, kouən də vètch, etc. « corne de bœuf, corne de vache, » etc. On emploie aussi communément: lè kouan' pour désigner la corne comme

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