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10 Schweizergasse 10

BALE

TEXTES

La Konta d Pǝkâin.

Randonnée en patois de Champéry (Valais).

La petite composition dont nous donnons cidessous une version en patois de Champéry est bien connue des amateurs de littérature populaire. On en a signalé de nombreuses variantes dans la plupart des pays d'Europe, tantôt sous la forme de randonnée, tantôt sous celle de chanson, et on en a même poursuivi les origines lointaines jusque dans la vieille littérature judaïque et dans les récits bouddhiques de l'Inde. Il nous suffira de renvoyer les lecteurs que ce sujet intéresse aux savantes études comparatives de MM. Gaston Paris et E. Cosquin,' et nous ne mentionnerons spécialement ici qu'une variante en patois gruyérien, recueillie à Albeuve et publiée par M. J. Cornu2. C'est une randonnée comme la nôtre, mais l'entrée en matière, ainsi que le nombre et l'ordre de succession des acteurs du récit diffèrent quelque peu. Le motif du début, qui se retrouve dans une version lorraine donnée par Cosquin, est le suivant: Polon é Palouna chon jou i-j-anpé;

Ly' an ouityi tyin ly' arè la plya vuto plyin.
La Pǝlouna ly' a jou plyin dévan Polon:

Palon n'a på pu alå a cha méjon.

1 Dans la Romania, I, p. 218-225 et VII, p. 548-552.

2 Romania, IV, p. 232.

Chon jou tsèrtchi on tsè pó mənå Palon,
La tsè n'a på vólu mənå Polon:

Palon n'é på jou a cha méjon.

c'est-à-dire:

Pelon et Pelouna sont allés aux framboises;

Ils ont regardé lequel aurait le plus vite plein.
La Pelouna a eu plein avant Pelon:
Pelon n'a pas pu aller à sa maison.

On a été chercher un char pour conduire Pelon,
Le char n'a pas voulu conduire Pelon:

Pelon n'est pas allé à sa maison.

La kyrielle s'allonge ensuite, en usant toujours du même procédé. On a On a recours successivement à un cheval pour mener le char, à un bâton pour battre le cheval, au feu pour brûler le bâton, à l'eau pour éteindre le feu, à une souris pour boire l'eau, à un chat pour manger la souris, à un chien pour manger le chat, jusqu'à ce que finalement le loup consent à manger le chien, lequel mange le chat, celui-ci la souris, etc.

Cet arrangement des personnages s'écarte passablement de celui qui paraît primitif et n'offre que la série: chien bâton feu eau bœuf boucher. Certaines variantes ajoutent comme dernier

terme: la mort.

Ce type primitif est représenté assez exactement en Suisse par une version chantée, recueillie à Neuchâtel par M. Alfred Godet. Le personnage initial paraît être ici un bouc, appelé Bocant, auquel succèdent:

1 A. Godet. Les chansons de nos grand'mères, Neuchâtel et Genève 1879, p. 15.

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boucher. Le début de la pièce suffira à en donner une idée:

Par la vertu de Boquine, Bocant,
Tu sortiras hors de mon camp.
Bocant n'veut pas sortir du camp,

J'm'en vais dire au loup de v'nir manger Bocant.
Le loup n'veut pas manger Bocant,

Bocant n'veut pas sortir du camp.......

La forme camp pour champ montre que cette version neuchâteloise tire son origine du nord de la France.

Nous avons recueilli à Liddes (Valais) une ronde tout à fait semblable:

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Interviennent ensuite: bâton - feu eau

boucher gendarme.

veau

Dans notre version de Champéry, les éléments traditionnels ont été augmentés et leur ordre en partie modifié. Ils s'enchaînent ainsi : Pequin hommes

chiens

verges

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souris chats. Il est clair qu'un genre de composition comme celui que nous étudions était particulièrement exposé aux transpositions ou aux omissions et devait de ce fait subir des remaniements multiples. Quant au nom de Pequin, il est en relation

évidente avec ceux de Broquin, Boquine, Boquant des versions françaises et n'en est sans doute qu'une altération.

Voici le texte tel que nous l'avons transcrit sous la dictée de M. Adolphe Michaud, auquel sa mère répétait cette amusette il y a quelque cinquante ans 1:

Y ava n'onda k Pakain ava ità invoya tsèrtchi du bou. È poui s'è fi doua é la pa vàầu tòrna in mizon. L an ita tsèrtchi dé-z-òmó pò boussi Pakain. Lou-z-òmó n'an rin vadu boussi Pakain é Pakain na rin vàðu torna in mizon.

Lan ità tsèrtchi lou tsain pò dzapa lou-z-òmó. Lou tsain n'an rin vadu dzapa lou-z-òmó, lou-z-òmó n'an rin vadu boussi Pakain é Pakain n'a rin væðu torna in mizon.

TRADUCTION

Il y avait une fois que Pequin avait été envoyé chercher du bois. Et puis il s'est fâché et n'a pas voulu rentrer à la maison. On a (litt. Ils ont) été chercher des hommes pour battre Pequin. Les hommes n'ont pas voulu battre Pequin et Pequin n'a pas voulu rentrer à la maison.

On a été chercher les chiens pour aboyer les hommes. Les chiens n'ont pas voulu aboyer les hommes, les hommes n'ont pas voulu battre Pequin et Pequin n'a pas voulu rentrer à la maison.

1 Nous notons par ain une diphtongue dont le premier élément est long et participe plus ou moins à la nasalisation; à indique un a grave, tendant vers å. Le patois de Champéry distingue nettement la terminaison de l'infinitif a<are de celle du participe à<atum.

Lan ità tsèrtchi lou la pò mindji lou tsain. Lou là n'an rin vadu, etc.

Lan ità tsèrtchi le palantsé pò boussi lou là. Lé palantsé, etc.

Lan ità tsèrtchi l foua pò bourla lé palantsé. L foua, etc.

Lan ità tsèrtchi l'i̟voué pò tua l foua. L'ivoué, etc. Lan ità tsèrtchi lou-z-anó po bār l'avoué. Lou2-anó, etc.

Lan ità tsèrtchi lé bydle pò fouata lou-z-anó. Lé byolé, etc.

Lan ità tsèrtchi le raté pò mindji lé byòlé. Lé raté, etc.

L an ita tsèrtchi lou tsa pò mindji lé rate. Adon lou tsa on bâin mindjya lé raté, lé raté on bâin mindjya lé byolé, lé bylé on bain fouatà lou-z-anó, lou-zặnó on bâin byu l'avoué, l'avoué a bain tuà l foua,

On a été chercher les loups pour manger les chiens. Les loups n'ont pas voulu, etc.

On a été chercher les bâtons pour battre les loups. Les bátons, etc.

On a été chercher le feu pour brûler les bâtons. Le feu, etc.

On a été chercher l'eau pour éteindre le feu. L'eau, etc. On a été chercher les ânes pour boire l'eau. Les ânes, etc. On a été chercher les branches de bouleau pour fouetter les ânes. Les branches, etc.

On a été chercher les souris pour manger les branches de bouleau. Les souris, etc.

On a été chercher les chats pour manger les souris. Alors les chats ont bien mangé les souris, les souris ont bien mangé les branches de bouleau, les branches de bouleau ont bien fouetté les ânes, les ânes ont bien bu l'eau, l'eau a bien éteint

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