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1120, au mois d'octobre. L'abbé d'Aldembork, ainsi qu'on
l'a dit ailleurs, se rendit à cette assemblée, y demanda la
canonisation de St-Arnoul, et l'obtint après avoir produit la
vie du saint, dont la vérité fut attestée par Lisiard, évêque
de Soissons. D'après ce préliminaire, la cérémonie fut indi-
quée au premier mai de l'année suivante, qui étoit le troi-
sieme dimanche après Pâques. Ce fut Hariulfe lui-même
qui leva de terre le corps en présence de l'évêque de Noyon.
Un miracle, qui
qui se fit entre ses mains à l'Ascension de la
même année, est le dernier trait connu de sa vie, qu'il pro-
longea, suivant tous les auteurs, jusqu'à l'an 1143. Mais les
Bollandistes, toujours guidés par le prieur d'Anchin, ne con-
viennent point avec D. Mabillon, du jour de sa mort. Celui-
ci la met au 20 mai, ceux-là au 16 août. On trouve en effet
un Hariulfe marqué à chacun de ses deux jours dans le Né-
crologe de St-Riquier, et rien n'y désigne en particulier celui
qui nous occupe.

Hariulfe avait dressé lui-même son épitaphe, que D. Mabillon a publiée dans ses Analectes, d'où elle a passé dans le Ve tome du nouveau Gallia Christiana. La voici :

Pontivo natus, pronus studiis Hariulfus
Almi Richarii claustra puer petiit ;

In quibus imbutus deceat quid nosse Magistrum,
Aldemburgensis tertius Abba fuit.

Rem sibi commissam pro viribus amplificavit,
Crescere, Petre, tuis semper opes sitiens;
Fratribus exemplum prætendens compatientis
Multa nimis tacuit, quæque loqui docuit.
Centula quos fratres retinet, coluit seniores,
Illis quod sit honos cernere semper amans.

S II.

SES ÉCRITS.

Hariulfe consacra les prémices de sa plume à la gloire de l'abbaye de St-Riquier. À peine avoit-il fini ses études, qu'il se vit chargé de l'Histoire de ce monastère, déja entamée par

XII SIECLE.

que

un de ses confrères nommé Saxo-Walon. Les recherches
ce travail exigeoit, l'occupèrent plusieurs années, et l'ou-
vrage ne reçut la dernière main qu'en 1088. Cette Histoire.
tirée de l'obscurité par les soins du P. Dacheri, fait partie
du IVe volume du Spicilége. Elle est divisée en quatre livres,
dont le premier en grande partie, le second tout entier, et
presque tout le quatrième ont reparu depuis, mais beaucoup
plus correctement, dans les VIIIe et IX volumes des Actes
des Saints Bénédictins, publiés par D. Mabillon.

Le premier livre, précédé d'un prologue, auquel est jointe
une liste imparfaite (1) des abbés de St-Riquier, est composé
de 26 chapitres dont le 24°, omis dans l'édition de D. Da-
cheri (2), se trouve restitué dans celle de D. Mabillon. Une
espèce de généalogie de nos rois, dressée avec assez peu de
lumière et d'exactitude, remplit les trois premiers chapitres;
les vingt-deux suivans roulent sur la vie de S. Riquier, et
le dernier sur celles des cinq abbés qui se succédèrent im-
médiatement après lui. Quoique Hariulfe proteste que
ce qu'il raconte du S. fondateur, il n'avance rien que sur
de bons garants, on remarque néanmoins qu'il est sujet à
s'égarer, lorsqu'il abandonne Alcuin, le premier historien de
St-Riquier.

dans

P. 419-606.

T. V, p. 308

Le second livre ne contient que la vie de S. Angilbert, huitième abbé de Centule. Les notes et les observations préliminaires que D. Mabillon y a jointes, en l'insérant dans ses actes, répandent un grand jour sur quantité de choses 122. obscures que ce livre renferme, et suppléent plusieurs particularités de la vie de ce Saint, desquelles il ne parle point. On doit aussi faire état des nouveaux éclaircissemens que les Bollandistes y ont ajoutés dans leur grand Recueil, où ce livre se trouve employé pour le même sujet, au 18 de février. Dans le troisième livre, Hariulfe fait l'histoire de neuf abbés depuis Héric, décédé vers l'an 835, jusqu'à Ingelard, qui mourut en 1045. Le nombre de ceux qui ont rempli cet intervalle est beaucoup plus grand; mais l'auteur avoue qu'il n'a pu rien découvrir sur les premiers successeurs de l'abbé Carloman, ce fils infortuné de Charles-le-Chauve. Il fait un

(1) Cette liste ne paroît point être l'ouvrage d'Hariulfe, du moins dans sa totalité, puisqu'on y voit neuf abbés qui ont tous vécu depuis lui.

(2) Nous ne parlons que de la première édition du Spicilége; car ce chapitre se trouve dans la seconde, tome II.

P. 98 et seq.

Gall. chr. no.
X p. 1245.

t. X,

Ibid. p. 1249.

XII SIECLE. grand éloge de la conduite que celui-ci tint à St-Riquier, affectant de ne rien dire de sa vie précédente, ni des écarts qui lui attirèrent l'indignation du roi son père.

30 mai, p. 624.

P. 518.

Enfin des 36 chapitres que comprend le quatrième livre, les douze premiers ont pour objet la vie du vénérable Angelram, les suivans celle de Gervin Ier. D. Mabillon a tiré de ce livre ce qu'il y avoit de plus intéressant pour l'histoire de ces deux abbés, mis l'un et l'autre au nombre des Saints. Les Bollandistes en ont pareillement fait usage pour celle du dernier.

Le jugement que D. Mabillon porte de la Chronique d'Hariulfe, nous paroît très-juste. Quoique pleine de défauts et surtout de parachronismes, elle doit être regardée, dit-il, comme un monument précieux de l'antiquité. Non- seulement elle est intéressante pour l'histoire du célèbre monastère, qui en est le principal objet, mais on y trouve des traits importans de l'histoire de France, surtout par rapport au Ponthieu, où l'abbaye de St-Riquier est située. La plupart des méprises de l'auteur semblent même devoir être excusées sur le défaut de mémoires, soigneux qu'il avoit été, comme il l'assure, de ramasser tous ceux qu'il avoit pu découvrir, et d'y conformer sa narration. Mais les ravages des Normands, qui pillèrent et ravagèrent l'abbaye au IX siècle, avoient anéanti le plus grand nombre des enseignemens qui pouvoient le guider pour les temps plus reculés. Le récit qu'il fait des incursions de ces barbares dans le Ponthieu et le Vimeu, quoique succinct, renferme des ticularités qu'on ne rencontre point ailleurs. Il nous apprend, par exemple, qu'une multitude innombrable d'entre eux, conduite par leur roi Garamond, vint inonder les frontières de la France sous le règne de Louis III, à la sollicition d'Esimbard, noble françois qui avoit encouru la disgrace du monarque. Il parle ensuite de la victoire que Louis remporta sur ces infidèles l'an 882; et il ajoute : « Mais «< comme cet événement avec toutes ses circonstances se « trouve consigné dans nos histoires, outre qu'il a fait la « matière d'une chanson qui est encore aujourd'hui dans la << bouche de nos compatriotes, nous le tranchons en peu « de mots, parce que ceux qui veulent s'en instruire à fond, < peuvent consulter les anciens auteurs. » Cette chanson, composée au IXe siècle, et continuée d'être chantée à la

par

fin du XI, fait voir le peu de progrès que notre langue avoit XII SIECLE. fait vers sa perfection durant ce long espace de teinps.

Voici l'origine qu'Hariulfe donne à nos rois de la seconde race. Clotaire I eut une fille, Blitilde, qu'il donna en mariage au sénateur Ansbert, qui en eut trois fils, Arnold, Fériol et Modéric. Arnold fut père d'Arnoul, qui fit d'abord les fonctions de maire du palais sous Clotaire II, et devint ensuite évêque de Metz. De celui-ci n'acquirent Frodulfe Ansegise et Gualchise qui fut père du B. Vandrille. Ansegise, devenu maire du palais après son père, donna le jour à Pepin le vieux, qui fut duc des François, ainsi que CharlesMartel son fils. On sait le reste.

L. 1, p. 454.

L. 3, p. 500.

1

Gall. chr.,

Hariulfe témoigne que, sous les rois de la seconde race, plusieurs abbés de St-Riquier furent en même temps comtes du Ponthieu. La raison qu'il en donne, est que ces abbés, étant pour la plupart des premières maisons du royaume, et jouissant de revenus considérables, étoient plus en état qu'aucun autre de s'opposer aux incursions des Normands, qui faisoient ordinairement leur descente par le Ponthieu. L'abbé Héligaude, mort vers l'an 860, fut le dernier abbé qui posséda cette dignité, l'ayant transmise à son fils Herluin qu'il t. X, p. 1247. avoit eu dans le monde. Ce comté ne demeura pas néanmoins aux descendans d'Herluin; mais la garde du Ponthieu, dit Hariulfe, fut partagée entre différens officiers royaux répandus ça et là dans la province. Nostra hæc provincia comite non utebatur, sed militibus hinc inde præpositis conservabatur. La résistance de ces commandans fut trop foible contre les efforts des barbares, qui brûlèrent l'abbaye avec les trois magnifiques églises qu'elle renfermoit, après en avoir enlevé les plus précieux effets. On ignore la date précise de cet événement; mais il paroît être arrivé sous le règne des enfans de Louis-le-Bègue.

L'abbaye se relevoit à peine de cet échec, qu'elle en reçut un nouveau de la part de Hugues Capet, chef de nos rois de la troisième race. Ce prince, voulant mettre une digue insurmontable aux courses des Normands, lui enleva Domard, Encre et Abbeville, fortifia cette dernière place et la donna à Hugues son gendre, qu'on surnomma depuis l'Avoué, parce que le roi l'avoit établi défenseur de Saint-Riquier. Enguerrand, fils de celui-ci, n'eut point d'autre titre, jusqu'à ce qu'ayant tué le comte de Boulogne, il épousa sa Tome XII.

Dd

P. 579.

L. 4, p. 359

360 et 578-579

p. 1759.

XII SIECLE. veuve. Alors, dit Hariulfe, se voyant l'époux d'une comtesse, il secoua le joug de la dépendance, quitta le nom d'Avoué, et prit celui de comte que ses successeurs ont Journ, de Ver- conservé. Un Anonyme s'est inscrit en faux depuis peu condun, sept. 1759, tre ce récit, prétendant qu'Abbeville n'a jamais appartenu à l'abbaye de Saint-Riquier. L'étymologie du nom latin de cette ville, qui semble attester si évidemment le fait, ne l'embarrasse point. N'osant toutefois substituer une interprétation de sa façon, au sens naturel du terme Abbatis-villa, il se retranche à dire que l'induction qu'on en tire est fausse. Pour le prouver, il allegue deux moyens: 1° Si les moines de St-Riquier, dit-il, eussent originairement possédé la seigneurie d'Abbeville, les comtes du Ponthieu, comme leurs Avoués, auroient reconnu leur suzeraineté. 2o Il leur seroit resté dans la ville quelques censives ou quelques droits honorifiques. Mais rien de tout cela ne paroît. On voit même, par un acte de l'an 1261, cité dans le Nouvel examen des fiefs de M. Brussel, que les comtes de Ponthieu portoient directement leur hommage au roi de France. Pour réponse à ces frivoles objections, on se contentera de renvoyer l'Anonyme aux Tableaux méthodiques de la Géographie royale par Labbe, Tabl. le P. Labbe; ouvrage qu'il n'a pas vraisemblablement lu, méth., p. 315- et où il trouvera une réfutation complète de son opinion empruntée du géographe Samson.

P. 816.

321.

P. 48.

Mab., Act. SS. B., t. V, p. 104.

Boll., 18 febr.

En faisant le dénombrement des vassaux ou bénéficiers, Vassalli seu Milites Beneficiari, de St-Riquier, sous Louisle-Débonnaire, notre auteur donne simplement leurs noms sans marquer les charges auxquelles ils étoient tenus. Il passe également sous silence les anciennes redevances dues à l'abbaye par les habitans du lieu. Mais cette omission se trouve réparée dans un ouvrage anonyme du IXe siècle, mis en lumière par Jean Chapelle, et dont après lui Dom Mabillon et les bollandistes ont donné des extraits fort curieux. On y voit que la ville de St-Riquier, aujourd'hui réduite à peu de chose, étoit alors divisée en plusieurs rues occupées chacune par un corps de métier qui payoit certains droits à l'abbaye. Par exemple, les faiseurs de boucliers ou d'écus devoient fournir et coudre toutes les couvertures des livres: Vicus scutariorum omnia voluminum indumenta tribuit et consuit.

- Parlant de l'état de la bibliothèque sous l'abbé Héric,

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