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des montagnes. Il faut ou partir et vivre, ou res ter et mourir.

JULIETTE.

La lumière que tu vois là-bas n'est pas celle du jour: c'est quelque météore qui te servira de flambeau, et t'éclairera sur la route de Mantoue. Reste encore; il n'est pas encore nécessaire que tu me quittes.

«

ROMÉO.

Eh bien! que je sois arrêté! que je sois conduit à la mort! si tu le désires, je suis satisfait. Je dirai « Cette blancheur lointaine n'est pas celle du matin ; ce n'est que le pâle reflet de la lune; ce n'est pas l'alouette dont les chants re<< tentissent si haut au-dessus de nos têtes, daus << la voûte du ciel! » Ah! je crains moins de rester que de partir. Viens, ô mort! Mais que regardes-tu, ma bien-aimée! Parlons, parlons encore ensemble; il n'est pas encore jour!

JULIETTE.

Il est jour! il est jour! Fuis, pars, éloignetoi! C'est l'alouette qui chante; je reconnois sa voix aiguë. Ah! dérobe-toi à la mort : la lumière croît de plus en plus.

Ce contraste des charmes du matin et des derniers plaisirs des deux jeunes époux avec la catastrophe qui va suivre est bien touchant : le sentiment dramatique en est plus naïf encore que celui des pièces grecques, et moins pastoral que celui des tragi-comédies italiennes. Je ne connois qu'une scène indienne de quelque ressemblance lointaine avec la scène de Roméo et Juliette; encore n'est-ce que par la fraîcheur des images, la simplicité des regrets et des adieux, nullement par l'intérêt de la situation. Sacontala, prête à quitter le séjour paternel, se sent arrêtée par son voile.

SACONTALA.

Qui saisit ainsi les plis de mon voile?

- UN VIEILLARD.

C'est le chevreau que tu as tant de fois nourri des grains du synmaka. Il ne veut pas quitter les pas de sa bienfaitrice.

SACONTALA.

Pourquoi pleures-tu, tendre chevreau? Je suis forcée d'abandonner notre commune demeure. Lorsque tu perdis ta mère, peu de temps après ta naissance, je te pris sous ma garde. Retourne à ta crèche, pauvre jeune chevreau; il faut à présent nous séparer.

La scène des adieux de Roméo et Juliette n'est

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Rapprochez lady Macbeth et Marguerite de Desdémone, d'Ophélia, de Miranda, de: Cordélia, de Jessica, de Perdita, d'Imogène, et vous serez émerveillés de la souplesse du talent du poëte. Ces jeunes femmes ont une idéalité ravissante: le vieux roi Léar, aveugle, dit à sa fidèle Cordélia : « Quand tu me demanderas ma bénédiction, je me mettrai à genoux et je te deman* derai pardon; nous vivrons ainsi en priant et ⚫ en chantant. »>

Ophélia, bizarrement parée de brins de paille et de fleurs, prenant son frère pour Hamlet qu'elle aime et qui a tué son père, lui adresse ces paroles « Voilà du romarin; c'est pour la ⚫ mémoire; je vous en prie, cher amour, sou⚫ venez vous de moi. . . . Je vous don⚫nerois bien des violettes, mais elles se sont toutes fanées quand mon père est mort. »

« que nos froides vierges nomment des doigts « de mort. Là, grimpant pour attacher aux ra« meaux pendants sa couronne d'herbes sauva«ges, une jalouse éclisse se rompt; Ophélia << et son trophée rustique tombent dans le ruis«seau en pleurs; ses robes s'étalent larges, et « la soutiennent un moment, semblable à une « mermaid'. Pendant ce temps, elle chantoit « des morceaux de vieilles ballades, comme une « personne incapable de sentir son propre péril, « ou comme une créature née et revêtue de l'é« lément qu'elle habite. Mais cela ne pouvoit durer; ses vêtements, appesantis par l'eau qu'ils avoient bue, entraînèrent la pauvre « infortunée de ses lais mélodieux à une fangeuse « mort: From melodious lay to muddy death. »

«

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C'est un enchantement que tout cela.

Othello au milieu de son délire, dit à Desdémone : « O toi, fleur des bois, qui es si belle et <«<exhales un parfum si doux! ton approche « enivre les sens !. . . je voudrois que tu ne fus<«< ses jamais née. ...»

Le Maure, prêt à tuer sa femme endormie, s'approche du lit : « Je veux respirer encore la « rose sur sa tige... encore un baiser; encore un ! << Sois telle que tu es là quand tu seras morte, et je veux te tuer et je t'aimerai après. I wil kill thee, and love thee after. »

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Dans Hamlet, dans cette tragédie des aliénés,« dans ce Bedlam royal où tout le monde est insensé et criminel, où la démence simulée se joint à la démence vraie, où le fou contrefait le fou, où les morts eux-mêmes fournissent à la scène la tête d'un fou; dans cet odéon des ombres, où l'on ne voit que des spectres, où l'on n'entend que des rêveries, que le qui vive des sentinelles, que le criaillement des oiseaux de nuit et le bruit de la mer, Gertrude raconte qu'Ophelia s'est noyée : « Au bord du ruisseau croît un saule qui réfléchit son feuillage gris ⚫ dans le cristal de l'onde. Elle fit avec ce feuillage de capricieuses guirlandes entrelacées de coquelicots, d'orties, de marguerites et de

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• ces longues fleurs pourpres que nos simples bergers appellent d'un nom grossier, mais

Dans le Conte d'Hiver, on retrouve la même grâce appliquée au bonheur. Perdita s'adressant à Florizel :

«

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Et vous le plus beau de mes amis, je vou

a drois bien avoir quelques fleurs de printemps qui pussent aller avec votre jeunesse. . . . je « suis dépourvue de toutes les fleurs dont je vou« drois entrelacer les festons pour vous en cou« vrir tout entier, vous, mon doux ami. » Florizel répond :

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Quand vous parlez, je voudrois vous entenadre parler toujours; si vous chantez, je vou« drois vous entendre chanter toujours; je vou

Vierge de la mer, fée de mer, sirène.

« drois vous voir donner l'aumône, prier, régler | rimée dont la diction ne rachète pas toujours

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« et d'y penser à lui; d'y pleurer au son de cha-nes femmes, toutes si jeunes qu'elles sont pres« que heure? »

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«

« meure. »

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Hang there like fruit, my soul

Till the tree die!

« Eh quoi! s'écrie Cymbeline, Imogène, ma fille, n'as-tu rien à demander à ton père? « Votre bénédiction, seigneur,» répond Imogène en tombant à ses pieds. Your blessing, sir.

Je ne considère ici que le style et je n'entre point dans la composition du drame; je ne montre point ce qu'il y a de poignant dans l'égarement d'Ophélia, de résolution, d'amour dans l'adolescente Juliette; ce qu'il y a de nature, de passion et de frayeur dans Desdémone, quand Othello la réveille pour la tuer; ce qu'il y a de pieux, de tendre et de généreux dans Imogène, bien qu'en tout cela le romanesque prenne la place du tragique, et que le tableau tienne plus des sens que de l'âme.

MODÈLES CLASSIQUES.

Mais enfin, pleine et entière justice étant rendue à des suavités de pinceau et d'harmonie, je dois dire que les ouvrages de l'ère romantique gagnent beaucoup à être cités par extraits : quelques pages fécondes sont précédées de beaucoup de feuillets arides. Lire Shakespeare jusqu'au bout sans passer une ligne, c'est remplir un pieux mais pénible devoir envers la gloire et la mort : des chants entiers de Dante sont une chronique

que des enfants: sœurs jumelles, elles se ressemblent (à part la différence des caractères de fille, d'amante, d'épouse); elles ont le même sourire, le même regard, le même son de voix ; si l'on effaçoit leurs noms, ou si l'on fermoit les yeux, on ne sauroit laquelle d'entre elles a parlé; leur langage et plus élégiaque que dramatique. Ces têtes charmantes d'éphèbes, sont des croquis tels que ces dessins tracés par Raphaël, lorsqu'il vouloit fixer la physionomie d'une figure céleste au moment où elle apparoissoit à son génie; il se promettoit de convertir ce trait en tableau. Shakespeare, obligé de s'en tenir à ses premiers crayons, n'a pas toujours eu le temps de peindre.

N'allons donc pas comparer les ombres ossianiques du théâtre anglois, ces victimes si tendres et cependant si hardies qui se laissent immoler comme de courageux agneaux; n'allons pas comparer ces Délie de Tibulle, ces Chariclès d'Héliodore, aux femmes de la scène grecque ou françoise, soutenant à elles seules le poids d'une tragédie. Autres sont des situations isolées, des effets heureux d'un instant, des touches vives; autres des rôles écrits d'un bout à l'autre avec la même supériorité, des caractères fortement accusés, occupant leur vraie place dans le tableau. Les Desdémone, les Juliette, les Ophélia, les Perdita, les Cordélia, les Miranda, ne sont ni des Antigone, ni des Électre, ni des Iphigénie, ni des Phèdre, ni des Andromaque, ni des Chimène, ni des Roxane, ni des Monime, ni des Bérénice, ni des Esther, ni même des Zaïre et des Aménaïde. Quelques phrases d'une passion émue, plus ou moins bien rendues en prose poétique, ne sauroient l'emporter sur les mêmes sentiments exprimés dans le pur langage des dieux. Iphigénie dit à son père :

Peut-être assez d'honneurs environnoient ma vie
Pour ne pas souhaiter qu'elle me fût ravie,
Ni qu'en me l'arrachant un sévère destin
Si près de ma naissance en eût marqué la fin.
Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première,
Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père.

Hélas! avec plaisir je me faisois conter

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Si tu m'aimois, Phœdime, il falloit me pleurer
Quand d'un titre funeste on me vit honorer,
Et lorsque, m'arrachant du doux sein de la Grèce,
Dans ce climat barbare on traîna ta maîtresse.
Retourne maintenant chez ces peuples heureux;
Et si mon nom encor s'est conservé chez eux,
Dis-leur ce que tu vois, et de toute ma gloire,
Phœdime, conte-leur la malheureuse histoire.

La romance du saule approche-t-elle de cette complainte exhalée du doux sein de la Grèce? Voulez-vous des combats de l'âme pour les opposer à l'amour de Juliette et de Desdémone? Pauline répond à Polyeucte qui lui conseille de retourner à Sévère :

Que t'ai-je fait, cruel, pour être ainsi traitée,
Et pour me reprocher, au mépris de ma foi,
Un amour si puissant que j'ai vaincu pour toi?

Souffre que de toi-même elle obtienne ta vie,
Pour vivre sous tes lois à jamais asservie.

Polyeucte est allé à la mort, à la gloire; Pauline dit à Félix :

Mon époux, en mourant, m'a laissé ses lumières;
Son sang, dont tes bourreaux viennent de me couvrir,
M'a dessillé les yeux, et me les vient d'ouvrir.
Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée,
De ce bienheureux sang tu me vois baptisée;
Je suis chrétienne! .

Que cela est beau! quelle lutte de toutes les affections de la nature humaine, au milieu desquelles intervient la Divinité pour créer miraculeusement une passion nouvelle dans le cœur de Pauline, l'enthousiasme religieux. On sent qu'on habite des régions plus élevées que la terre où demeurent Desdémone et Juliette. Ce je suis chrétienne, est une déclaration d'amour dans le ciel.

Et Chimène? Il faudroit citer le rôle entier. Corneille compose le caractère du Cid et de Chimène d'un mélange d'honneur, de piété filiale et

d'amour.

lequel amène ce cri de bonheur, de, courage, d'orgueil et de gloire :

Paroissez, Navarrois, Maures et Castillans!
Que sont enfin toutes les filles de Shakespeare
auprès d'Esther?

Est-ce toi, chère Élise? O jour trois fois heureux!
Que béni soit le ciel qui te rend à mes vœux!
Toi qui, de Benjamin comme moi descendue,
Fus de mes premiers ans la compagne assidue,
Et qui, d'un même joug souffrant l'oppression,
M'aidois à soupirer les malheurs de Sion.

On m'élevoit alors solitaire et cachée,
Sous les yeux vigilants du sage Mardochée.

Du triste état des Juifs, jour et nuit agité,
11 me tira du sein de mon obscurité,

Et, sur mes foibles mains fondant leur délivrance,
Il me fit d'un empire accepter l'espérance.

Cependant mon amour pour notre nation
A rempli ce palais des filles de Sion,
Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.

Aux pieds de l'Éternel je viens m'humilier,
Et goûter le plaisir de me faire oublier.
Mais à tous les Persans je cache leurs familles.
Il faut les appeler. Venez, venez, mes filles,
Compagnes autrefois de ma captivité,

De l'antique Jacob jeune postérité.

S'il étoit des Huns, Hottentots, Hurons, Wendes, Wilzes et Welches, insensibles à la pudeur, à la noblesse, à la mélodie de cet ineffable langage, qu'ils soient septante fois sept fois heureux du charme de leurs propres ouvrages ! « J'ai cru, dit Racine dans sa préface d'Esther, « que je pour« rois remplir toute mon action avec les seules « scènes que Dieu lui-même, pour ainsi dire, a préparées. » Racine avoit raison de le croire : lui seul avoit cette harpe de David consacrée aux scènes préparées de Dieu.

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En jugeant avec impartialité dans leur ensem. ble les ouvrages étrangers et les nôtres (si toutefois on peut juger les ouvrages étrangers, ce dont je doute beaucoup), on trouveroit qu'égaux en force de pensée, nous l'emportons par l'ordre et la raison de la composition. Le génie enfante, le goût conserve. Le goût est le bon sens du génie ; sans le goût le génie n'est qu'une sublime folie. Ce toucher sûr, par qui la lyre ne rend que le son qu'elle doit rendre, est encore plus rare que la faculté qui crée. L'esprit et le génie diversement La passion, l'entraînement, l'intérêt drama-répartis, enfouis, latents, inconnus, passent soutique vont croissant et s'échauffant de scène en vent parmi nous sans déballer, comme dit Monscène jusqu'à ce vers fameux : tesquieuils existent en même proportion dans Sors vainqueur d'un combat dont Chimène est le prix! tous les âges, mais, dans le cours de ces âges, il

J'aimois, j'étois aimée, et nos pères d'accord;
Et je vous en contois la première nouvelle

Au malheureux moment que naissoit leur querelle.

Sur les trônes, après Charles-Quint, François Ier, Léon X, brilloient Sixte-Quint, Élisabeth, Henri IV, don Sébastien, et ce Philippe qui n'étoit pas un tyran vulgaire.

Parmi les guerriers, on comptoit : don Juan

n'y a que certaines nations, chez ces nations qu'un certain moment où le goût se montre dans sa pureté avant ce moment, après ce moment, tout pèche par défaut ou par excès. Voilà pourquoi les ouvrages accomplis sont si rares; car il faut qu'ils soient produits aux heureux jours de l'u-d'Autriche, le duc d'Albe, les amiraux Veniero nion du goût et du génie. Or, cette grande ren- et Jean André Doria, le prince d'Orange, les contre, comme celle de quelques astres, semble deux Guise, Coligny, Biron, Lesdiguières, Montn'arriver qu'après la révolution de plusieurs siè-luc, la Noue. cles, et ne durer qu'un instant.

SIÈCLE DE SHAKESPEARE.

Le moment de l'apparition d'un grand génie doit être remarqué, afin d'expliquer plusieurs affinités de ce génie, de montrer ce qu'il a reçu du passé, puisé dans le présent, laissé à l'avenir. L'imagination fantasmagorique de notre époque, qui pétrit des personnages avec des nuées; cette imagination maladive, dédaignant la réalité, s'est engendré un Shakespeare à sa façon : l'enfant du boucher de Stratford est un géant tombé de Pélion et d'Ossa au milieu d'une société sauvage, et dépassant cette société de cent coudées ; que sais-je! Shakespeare est, comme Dante, une comète solitaire, qui traversa les constellations du vieux ciel, retourna aux pieds de Dieu, et lui dit

comme le tonnerre : « Me voici. »

L'amphigouri et le roman n'ont point droit de cité dans le domaine des faits. Dante parut en un temps qu'on pourroit appeler de ténèbres; la boussole conduisoit à peine le marin dans les eaux connues de la Méditerranée; ni l'Amérique ni le passage aux Indes par le cap de Bonne-Espérance n'étoient trouvés; la poudre à canon n'avoit point encore changé les armes, et l'imprimerie, le monde; la féodalité pesoit de tout le poids de sa nuit sur l'Europe asservie.

Mais lorsque la mère de Shakespeare accoucha d'un enfant obscur en 1564, déjà s'étoient écoulés les deux tiers du fameux siècle de la renaissance et de la réformation, de ce siècle où les principales découvertes modernes étoient accomplies, le vrai système du monde trouvé, le ciel observé, le globe exploré, les sciences étudiées, les beaux-arts arrivés à une perfection qu'ils n'ont jamais atteinte depuis. Les grandes choses et les grands hommes se pressoient de toutes parts: des familles alloient semer dans les bois de la Nouvelle-Angleterre les germes d'une indépendance fructueuse; des provinces brisoient le joug de leurs oppresseurs, et se plaçoient au rang des nations.

Parmi les magistrats, les légistes, les ministres, les politiques : l'Hospital, Harlay, du Moulins, Cujas, Sully, Olivarez, Cécil, d'Ossat.

Parmi les prélats, les sectaires, les savants, les érudits, les gens de lettres: saint Charles Borromée, saint François de Sales, Calvin, Théodore de Bèze, Buchanan, Tycho-Brahé, Galilée, Bacon, Cardan, Kepler, Ramus, Scaliger, Étienne, Manuce, Just Lipse, Vida, Baronius, Mariana, Amyot, du Haillan, Montaigne, Bignon, de Thou, d'Aubigné, Brantôme, Marot, Ronsard, et mille autre.

Parmi les artistes: Titien, Paul Veronèse, Annibal Carrache, Sansovino, Jules Romain, le Dominiquin, Palladio, Vignole, Jean Goujon, le Guide, Poussin, Rubens, Van-Dyck, Velasquez Michel-Ange avoit voulu attendre pour mourir l'année de la naissance de Shakespeare.

Loin d'être un chef de civilisation rayonnant au sein de la barbarie, Shakespeare, dernier né du moyen âge, étoit un Barbare se dressant dans les rangs de la civilisation en progrès, et la rentraînant au passé. Il ne fut point une étoile solitaire, il marcha de concert avec des astres dignes de son firmament, Camoëns, Tasse, Ercilla, Lope de Vega, Caldéron, trois poëtes épiques et deux tragiques du premier ordre. Examinons tout cela. en détail, et commençons d'abord par le matériel de la société.

Aux jours de Shakespeare, si la culture de l'esprit étoit poussée plus loin, en différentes branches, qu'elle ne l'est même de notre temps, la société matérielle s'étoit également raffinée. Sans parler de l'Italie où les palais, chefs-d'œuvre des arts, étoient meublés d'autres chefs-d'œuvre; de l'Italie, enrichie du commerce de Florence, de Gènes, de Venise, étincelante de ses manufactures d'étoffes de soie, d'or et de velours; sans aller chercher une civilisation complète au delà des Alpes, restons dans la patrie du poëte; nous y verrons les améliorations considérables dues à l'adminis tration d'Élisabeth.

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