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On se réconcilie avec un ennemi qui nous est | l'eau de fontaine, tant que les chagrins qui sont inférieur pour les qualités du cœur ou de l'esprit; au fond n'ont point été remués. on ne pardonne jamais à celui qui nous surpasse par l'âme et le génie...

Votre ami vient de partir; vous vous croyez fort contre l'absence: allez visiter la demeure de votre ami, elle vous apprendra ce que vous avez perdu et ce qui vous manque.

Celui qui commet le crime, dans le danger qu'il y court et dans le tumulte de ses passions, n'a pas le temps d'écouter le remords; mais celui qui n'est que le complice et le confident du crime, sans y avoir une part active, celui-là entend la voix vengeresse de la conscience. Il compte dans sa retraite les minutes qui s'écoulent. « A présent il se passe telle chose; à pré« sent on frappe! » Oui, malheureux, on frappe! et c'est la main de Dieu qui s'appesantit sur toi.

Le ver de la tombe commence à ronger la conscience du méchant avant de lui dévorer le cœur.

La cause la plus juste pourroit-elle, par des circonstances fatales, paroître la plus injuste? Se peut-il présenter un cas où l'innocence ne se puisse prouver, et où la victime qui périt et le juge qui prononce soient également innocents? Que seroit-ce alors que la justice humaine?

Si l'on a le droit de tuer un tyran, ce tyran peut être votre père; le parricide est donc autorisé dans certains cas? Qui pourroit soutenir une pareille proposition?

Un charme est au fond des souffrances comme une douleur au fond des plaisirs : la nature de l'homme est la misère.

Celui qui souffre pour Dieu a l'avantage d'être toujours préparé à sa dernière heure, avantage qui n'est pas donné à tous les infortunés.

Les grandes afflictions semblent raccourcir les heures, comme les grandes joies : tout ce qui préoccupe fortement l'âme empêche de compter les instants.

Il faut avoir le cœur placé haut pour verser certaines larmes : la source des grands fleuves se trouve sur le sommet des monts qui avoisi

nent le ciel.

L'âme de l'homme est transparente comme

La simplicité vient du cœur, la naïveté, de l'esprit. Un homme simple est presque toujours un bon homme; un homme naïf peut être un fripon; et pourtant la naïveté est toujours naturelle, tandis que la simplicité peut être l'effet de l'art.

Il y a des hommes qui ne sont point éloquents, parce que leur cœur parle trop haut, et les empêche d'entendre ce qu'ils disent.

Redemande au repentir la robe de l'innocence: c'est lui qui l'a trouvée, et qui la rend à ceux qui l'ont perdue.

Caresser la vertu sans être capable de l'aimer, c'est presser les deux belles mains d'une jeune femme dans les mains ridées de la vieillesse.

Aussitôt qu'une pensée vraie est entrée dans notre esprit, elle jette une lumière qui nous fait voir une foule d'autres objets que nous n'aper cevions pas auparavant.

Les sentiments d'un certain ordre s'accroissent en proportion des malheurs de l'objet aimé : c'est la flamme qui se propage plus rapidement au souffle de la tempête.

La vertu est quelquefois oubliée dans son passage ici-bas, mais elle revit tôt ou tard; on la retire des tombeaux comme on retire du sein de la terre une statue antique qui fait l'admiration des hommes.

Souvent les gens de bien pleurent à la même heure où les pervers se réjouissent: le même moment voit s'accomplir une action honnête et une action coupable. Le vice et la vertu sont frère et sœur; ils ont été engendrés par l'homme: Abel et Caïn étoient enfants du même père.

Il y a des hommes pour lesquels la vertu n'est point la vertu reconnue par les autres hommes 3ils n'appellent point de ce nom toutes les choses régulières, mais inférieures, de l'existence, cette honnêteté vulgaire qui remplit exactement ses devoirs la vertu pour eux est un élan de l'âme qui nous porte vers le bien aux dépens de notre bonheur et de notre vie, ou une force qui nous

fait dompter nos passions les plus fougueuses. Ces | rez quelque chose de cette innocence; vous vous hommes-là s'élèvent au-dessus des autres hom- sentirez tout apaisé. mes; mais à quoi sont-ils bons dans la société ? Comme les montagnes dans la nature, comme les monuments gigantesques dans les arts, ils sortent des proportions communes on les regarde, et on en a peur.

Les caractères exaltés dans les gens vulgaires sont insupportables; unis à une grande âme ou à un beau génie, ils entraînent tout. Ces caractères ne veulent pas séduire, et ils séduisent; ils ignorent eux-mêmes leur force, et sont tout étonnés d'avoir fait tant d'heureux ou tant de

victimes.

Le malheur agit sur nous selon notre caractère. Un homme pourroit se sauver en s'expliquant, et il ne le veut pas; un autre croit réparer tout en parlant, et il se perd.

Deux amis qui souffrent sont quelquefois des heures entières sans se parler. Quelle conversation vaudroit ce commerce de la pensée dans la langue muette du malheur?

Les autres nous semblent toujours plus heureux que nous; et pourtant ce qu'il y a d'étrange, c'est que l'homme qui changeroit volontiers sa position ne consentiroit presque jamais à changer sa personne. Il voudroit bien peut-être se rajeunir un peu, pas trop encore, et marcher droit s'il étoit boiteux; mais il se conserveroit tout l'ensemble de sa personne, dans laquelle il trouve mille agréments et un je ne sais quoi qui le charme. Quant à son esprit, il n'en altéreroit pas la moin

dre parcelle: nous nous habituons à nous-mêmes,

et nous tenons à notre vieille société.

Revoyez au jour de l'infortune le lieu que Il seroit étrange que l'homme prétendît à une vous habitiez au temps du bonheur : il s'en exconstance inaltérable, lorsque toute la nature change autour de lui: l'arbre perd ses feuilles; l'of-nir des joies passées et du sentiment des maux hale quelque chose de triste, formé du souve seau, 'ses plumes; le cerf, ses rameaux. L'homme nir des joies passées et du sentiment des maux seul diroit «Mon âme est inébranlable; telle présents. N'est-ce pas là qu'à telle époque vous « elle est aujourd'hui, telle elle sera demain; »> l'homme, dont les sentiments sont plus inconstants que les nuages! l'homme, qui veut et ne veut plus! l'homme, qui se dégoûte même de ses plaisirs, comme l'enfant de ses jouets!

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aviez été si heureux? et maintenant! Ces lieux sont pourtant les mêmes qu'y a-t-il done de changé? l'homme.

Ceux qui ont jamais eu quelque chose d'important à communiquer à un ami savent la peine qu'on éprouve lorsqu'en arrivant le cœur ému, on ne trouve point cet ami; que personne ne peut vous dire où il est. Si c'est la mort qui l'a

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La conversation des esprits supérieurs est contemploient chaque matin ce qu'ils ont perdu inintelligible aux esprits médiocres, parce qu'il la veille, ils s'apercevroient bien de leur pauy a une grande partie du sujet sous-entendue et vreté. devinée.

Une certaine étendue d'esprit fait qu'on s'accoutume sur-le-champ aux usages étrangers, et qu'on a l'air de les avoir pratiqués toute sa vie, à un embarras près, qui n'est pas sans grâce ou sans noblesse.

La célébrité peut-elle faire illusion au point d'inspirer une passion pour ce que la nature a rendu désagréable? je ne le crois pas : la gloire est pour un vieil homme ce que sont les diamants pour une vieille femme : ils la parent, et ne peuveut l'embellir.

Les plaisirs de notre jeunesse, reproduits par notre mémoire, ressemblent à des ruines vues au flambeau.

Il est un âge où quelques mois ajoutés à la vie suffisent pour développer des facultés jusqu'alors ensevelies dans un cœur à demi fermé: on se couche enfant, on se réveille homme.

Si quelques heures font une grande différence dans le cœur de l'homme, faut-il s'en étonner? il n'y a qu'une minute de la vie à la mort.

Les peines sont dans l'ordre des destinées: ceux qui, cherchant à les oublier, s'occupent de l'avenir, ne songent pas qu'ils ne verront point cet avenir. Chacun, en mourant, remet le poids de la vie à un autre; à chaque sépulture, il y a un homme qui reçoit le fardeau de la main de l'homme qui se va reposer : le nouveau messager porte à son tour ce fardeau jusqu'à la tombe prochaine.

Tous les hommes se flattent; nous avons tous à la bouche cette phrase banale: Il y a bien loin d'aujourd'hui à telle époque. — Bien loin! et la vie, combien dure-t-elle?

L'homme n'a au fond de l'âme aucune aversion contre la mort; il y a même du plaisir à mourir. La lampe qui s'éteint ne souffre pas.

La Mort, selon les Sauvages, est une grande femme fort belle, à laquelle il ne manque que le

cœur.

La cendre d'un mort, quel que fût de son vivant le décédé, est sacrée. La poussière des tyrans donne d'aussi grandes leçons que celle des

bons rois.

Il y a deux points de vue d'où la mort se montre bien différente. De l'un de ces points vous apercevez la mort au bout de la vie, comme un fantôme à l'extrémité d'une longue avenue: elle vous semble petite dans l'éloignement; mais à mesure que vous en approchez elle grandit; le spectre démesuré finit par étendre sur vous ses mains froides et par vous étouffer.

De l'autre point de vue la mort paroît énorme au fond de la vie; mais à mesure que vous marchez sur elle, elle diminue, et quand vous êtes au moment de la toucher, elle s'évanouit. L'insensé et le sage, le poltron et le brave, l'esprit impie et l'esprit religieux, l'homme de plaisir et l'homme de vertu, voient ainsi différemment la mort dans la perspective.

La voix de l'homme ne se ranime pas comme celle de l'écho: l'écho peut dormir dix siècles au fond d'un désert, et répondre ensuite au voyageur qui l'interroge; la tombe ne répond ja

mais.

Toi qui donnas ta vie et ta mort aux hommes, toi qui aimes ceux qui pleurent, exauce la prière de l'infortuné qui souffre à ton exemple! soutiens le fardeau qui l'écrase! sois pour lui le Cyrénéen L'arbre tombe feuille à feuille : si les hommes qui t'aida à porter la croix sur le Golgotha.

FIN DES PENSÉES, RÉFLEXIONS ET MAXIMES.

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