Mais il s'élève à Dieu : le palmier de Jeddiel A ses pieds dans le sable et son front dans le ciel. CALEB. Des chefs séditieux pour combattre l'audace, Pour plaindre et partager votre douleur auguste (Le chœur des jeunes filles israélites entre dans ce moment sur la scène Caleb sort.) MARIE, au chœur. Approchez, postérité du juste, Doux trésor de Jacob, par le ciel réclamé. Il est pour l'affligé des cantiques touchants, MARIE, LE CHOEUR DES JEUNES FILLES (Cette scène est en partie déclamée, en partie chantée. Le chœur est divisé en deux demi-chœurs qui se placent l'un à droite et l'autre à gauche de Marie : le premier demichœur tient à la main des harpes, et le second, des tambours.) PREMIER DEMI-CHOEUR. Et de ton Dieu la clémence est lassée. SECOND DEMI-CHOEUR. Au divin Maître ayons recours; Où le pécheur toujours vendange. De ses bontés. UNE ISRAELITE DU SECOND DEMI-CHOEUR. Nous voulons rallumer nos vives espérances. UNE ISRAÉLITE seule. Suspendons notre harpe, en ces temps de regrets, Au palmier de la solitude. Jourdain! fleuve espéré, séjour de quiétude, Mes yeux ne te verront jamais. Où sont les cèdres superbes, Liban, que tu devois au temple projeté? Jacob, de son Dieu rejeté, Rampe plus bas que les herbes Dans le lit du torrent desséché par l'été. Par le pasteur avide. DEUX ISRAELITES. Douloureux mystères D'un trépas caché, Pleurons à la terre Loin du frais rivage Où fut son berceau, LA PLUS JEUNE DES ISRAELITES. Comme un jeune olivier privé d'une onde pure, TOUT LE CHOEUR. Dieu nourrit de ses dons l'innocente colombe, Ne peuvent renverser les desseins éternels. Ma sœur, avez-vu cette superbe Arzane? De quel regard profane Elle insultoit nos autels! UNE AUTRE ISRAÉLITE. Plus inconstante que les ondes, Ses démarches sont vagabondes; Ses lèvres et son cœur pour tromper sont d'accord; UNE TROISIÈME ISRAÉLITE. De nos jeunes guerriers le prince et le modèle, TOUT LE CHOEUR. Ah! fuyons, fuyons, mes sœurs, Ne vous reposez point à la source étrangère; Qu'une épouse fidèle, à l'ombre des berceaux, Soit plus belle à vos yeux que la biche légère! TOUT LE CHOEUR. Ah! fuyons, fuyons, mes sœurs, PREMIER DEMI-CHOEUR. L'homme marche à travers une nuit importune. SECOND DEMI-CHOEUR. Attachons-nous au Djeu qui bénit l'infortune; UNE ISRAELITE. Qui sur un lit de pleurs mouillé Retourne le mourant, soutient son front livide; LA PLUS JEUNE DES ISRAELITES. Qui mesure le vent à l'agneau dépouillé TOUT LE CHOEUR. Ingrats mortels, en vain vous résistez Au Dieu qui vous conduit dans ses sublimes voies, Et qui d'intarissables joies Rassasiera les cœurs en son nom contristés. MARIE. Mes enfants, c'est assez allez, toujours dociles, ACTE SECOND. SCÈNE PREMIÈRE. ARZANE, NÉBÉE. NÉBÉE. Nadab veut vous parler dans ce lieu solitaire. ARZANE. Qu'il en coûte, Nébée, à servir l'infortune! J'ai su que, par Moïse à mourir condamnées, ARZANE. On m'arracha des rois les saintes bandelettes, Et le malheur me mit au rang de mes sujettes. NÉBÉE. Ciel! ARZANE. Dans un parc formé par d'épineux rameaux, Nous attendions la mort comme de vils troupeaux. L'Hébreu vient; on entend un long cri d'épouvante, Déjà brilloit du fer la lumière mouvante, Lorsque le fils d'Aaron, que la pitié combat, Retint le glaive ardent avant qu'il retombât. Il contemple attendri ces femmes éplorées, Nadab au doux pardon inclina ses pensées. Nadab... ARZANE. M'est odieux. NÉBÉE. Il veut votre bonheur. Sa clémence... ARZANE. M'outrage. NÉBÉE. ARZANE. Ma honte est son ouvrage. NÉBÉE. Il vous rendra le trône. ARZANE. Il m'a donné des fers. NÉBÉE. S'il s'attache à vos pas? ARZANE. Je le mène aux enfers. NÉBÉE. A vos desseins secrets que je prévois d'obstacles! ARZANE. L'amour de la patrie enfante des miracles. NADAB, ARZANE, NÉBÉE. ARZANE. De ses destins, Nadab, votre esclave incertaine NADAB. Étrangère, il me faut vous le dire sans feinte : ARZANE. Arzane par vos mains à la mort fut ravie, NADAB. A ce langage adroit je ne puis me méprendre : Vous flattez l'ennemi dont vous croyez dépendre. Mais, nourrie à Séir pour plaire et pour aimer, Nos farouches vertus ne peuvent vous charmer. ARZANE. Amalec et Jacob diffèrent de maxime, Il est vrai : nous croyons, sans nous en faire un crime, Pour attirer sur vous ses bienfaisants regards, NADAB. Qu'entends-je! Amalécite, apprenez donc mon sort. Épargnez... NADAB. Vous sauver changea ma vie entière, Ce cœur, que vous avez habité la première, Vit l'amour se lever terrible et violent Comme l'astre de feu dans ce désert brûlant. Le repos pour jamais s'envola de mon âme; Mon esprit s'égara dans des songes de flamme. Abjurant la grandeur promise à nos neveux, A l'autel des Parfums je n'offrois plus mes vœux; Je n'allois plus, lévite innocent et modeste, Chaque aurore au désert cueillir le pain céleste. Dans les champs de l'Arabe, et loin des yeux jaloux, Mon bonheur eût été de me perdre avec vous. De toi seule connue, à toi seule asservie, L'Orient solitaire auroit caché ma vie. Pour appui, du dattier, empruntant un rameau, Le jour j'aurois guidé ton paisible chameau; Le soir, au bord riant d'une source ignorée, J'aurois offert la coupe à ta bouche altérée, Et sous la simple tente, oubliant Israël, Pressé contre mon cœur la nouvelle Rachel. SCÈNE III. MARIE, ARZANE, NADAB, NÉBÉE; MARIE. Aaron n'est point ici, Nadab? NADAB. Il pleure le prophète au torrent de Cédab. MARIE. Rendez grâce au Seigneur; sa paix nous accompagne. NADAB, ARZANE, NÉBÉE; CHOEUR DE ARZANE. Fils d'Aaron, à mon sort il faut que je succombe! Nous allons te revoir enfin, fameux mortel, ARZANE. Veillé-je? dans mes maux quelle affreuse ironie! NADAB. Ils ne sont point changés. ARZANE. Entre Moïse et moi vous tenez la balance : NADAB. Femme, je suis sans force à tes pieds abattu; ARZANE. Qui pourra m'arracher de ce sanglant théâtre NADAB. Ce cœur qui t'idolâtre. ARZANE. Mais les remords viendront arrêter vos efforts. NADAB. Mais si je t'obéis, que te font mes remords? ARZANE. De ces hauts sentiments je serai la victime. NADAB. Laisse-moi m'enchanter d'innocence et de crime, ARZANE. Ma souffrance est ma joie, et je veux à jamais Incestueux projet, effroyable à mon âme! De cent peuples divers qu'ils ne connoissent pas ! Sauvez, sauvez vos jours! ARZANE. Voudrois-tu donc, Nébée, Je ressens vos douleurs, et m'en suis point complice. S'il faut que de Nadab je devienne l'épouse, NADAB. Cesse de t'excuser : j'adore mon supplice, Que lui-même, parjure au culte de Nachor, |