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Shakespeare, selon toutes les probabilités, s'il | étoit quelque chose, étoit catholique; Pope et Dryden le furent; Milton a imité quelques parties des poemes de Saint-Avite et de Masenius; Klopstock a emprunté la plupart des croyances romaines. De nos jours, en Allemagne, la haute imagination ne s'est manifestée que quand l'esprit du protestantisme s'est affoibli et dénaturé: les Goëthe et les Schiller ont montré leur génie en traitant des sujets catholiques. Rousseau et madame de Staël, en France, font une brillante exception à la règle; mais étoient-ils protestants à la manière des premiers disciples de Calvin? C'est à Rome que les peintres, les architectes et les sculpteurs des cultes dissidents, viennent aujourd'hui chercher des inspirations que la tolérance universelle leur permet de recueillir.

L'Europe; que dis-je ? le monde est couvert de monuments de la religion catholique; on lui doit cette architecture gothique qui rivalise par les détails et qui efface en grandeur les monuments de la Grèce. Il y a plus de trois cents ans que le protestantisme est né ; il est puissant en Angleterre, en Allemagne, en Amérique; il est pratiqué de plusieurs millions d'hommes. Qu'a-t-il élevé? il vous montrera les ruines qu'il a faites, au milieu desquelles il a planté quelques jardins, ou établi quelques manufactures. Rebelle à l'autorité des traditions, à l'expérience des âges, à l'antique sagesse des vieillards, le protestantisme se détacha du passé et planta une société sans racines. Avouant pour père un moine allemand du seizième siècle, le réformé renonça à lafmagnifique généalogie qui fait remonter le catholique, par une suite de saints et de grands hommes, jusqu'à Jésus-Christ, de là jusqu'aux patriarches et au berceau de l'univers. Le siècle protestant dénia à sa première apparition toute parenté avec le siècle de ce Léon, protecteur du monde civilisé contre Attila, et avec le siecle de cet autre Léon qui, mettant fiu au monde barbare, embellit la société lorsqu'il n'étoit plus nécessaire de la défendre.

Si la réformation rétrécissoit le génie dans l'éloquence, la poésie et les arts, elle comprimoit les grands cœurs à la guerre; l'héroïsme est l'imagination dans l'ordre militaire. Le catholicisme avoit produit les chevaliers; le protestantisme fit des capitaines, braves et vertueux comme la Noue, mais sans élan (Falkland excepté), souvent cruels à froid et austères moins de mœurs que d'esprit: les Châtillon furent toujours effacés

par les Guise. Le seul guerrier de mouvement et de vie que les protestants comptassent parmi eux, Henri IV, leur échappa. La réformation ébaucha Gustave-Adolphe, Charles XII et Frédéric; elle n'auroit pas fait Buonaparte de même qu'elle avorta de Tillotson et du ministre Claude, et n'enfanta ni Fénelon ni Bossuet; de même qu'elle éleva Inigo Jones et Webb, et ne créa point Raphaël et Michel-Ange.

On a écrit que le protestantisme avoit été favorable à la liberté politique; qu'il avoit émancipé les nations: les faits parlent-ils comme les écrivains?

Il est certain qu'à sa naissance la réformation fut républicaine, mais dans le sens aristocratique, parce que ses premiers disciples furent des gentilshommes. Les calvinistes rêvèrent pour la France une espèce de gouvernement à principautés fédérales, qui l'auroit fait ressembler à l'empire germanique chose étrange! on auroit vu renaître la féodalité par le protestantisme. Les nobles se précipitèrent par instinct dans ce culte nouveau, et à travers lequel s'exhaloit jusqu'à eux une sorte de réminiscence de leur pouvoir évanoui. Mais cette première ferveur passée, les peuples ne recueillirent du protestantisme aucune liberté politique.

Jetez les yeux sur le nord de l'Europe, dans les pays où la réformation est née, où elle s'est maintenue, vous verrez partout l'unique volonté d'un maître la Prusse, la Saxe, sont restées sous la monarchie absolue; le Danemark étoit devenu un despotisme légal.

Le protestantisme échoua dans les pays républicains : il ne pénétra point dans la monarchie élective et républicaine de Pologne ; il ne put envahir Gènes ; à peine obtint-il à Venise et à Ferrare une petite église clandestine qui mourut : les arts et le beau soleil du Midi lui étoient mortels. En Suisse, il ne réussit que dans les cantons aristocratiques, analogues à sa nature, et encore avec une grande effusion de sang. Les cantons populaires ou démocratiques, Schwitz, Uri et Underwald, berceau de la liberté helvétique, le repoussèrent.

En Angleterre, il n'a point été le véhicule de la constitution, formée bien avant le seizième siècle dans le giron de la foi catholique. Quand la Grande-Bretagne se sépara de la cour de Rome, le parlement avoit déjà jugé et déposé des rois; les trois pouvoirs étoient distincts; l'impôt et l'armée

ne se levoient que du consentement des communes et des lords; la monarchie représentative étoit trouvée et marchoit le temps, la civilisation, les lumières croissantes, y auroient ajouté les ressorts qui lui manquoient encore, tout aussi bien sous l'influence du culte catholique que sous l'empire du culte protestant. Le peuple anglois fut si loin d'obtenir une extension de ses libertés par le renversement de la religion de ses pères, que jamais le sénat de Tibère ne fut plus vil que le parlement de Henri VIII : ce parlement alla jusqu'à décreter que la seule volonté du tyran, fondateur de l'Église anglicane, avoit force de loi. L'Angleterre fut-elle plus libre sous le sceptre d'Elisabeth que sous celui de Marie? La vérité est que le protestantisme n'a rien changé aux institutions: là où il a trouvé une monarchie représentative ou des républiques aristocratiques, comme en Angleterre et en Suisse, il les adoptées; là où il a rencontré des gouvernements militaires, comme dans le nord de l'Europe, il s'en est accommodé, et les a même rendus plus absolus.

Si les colonies angloises ont formé la république plébéienne des États-Unis, elles n'ont point dû leur émancipation au protestantisme; ce ne sont point des guerres religieuses qui les ont délivrées; elles se sont révoltées contre l'oppression de la mère patrie, protestante comme elles. Le Maryland, État catholique et très-peuplé, fit cause commune avec les autres États, et aujourd'hui la plupart des États de l'Ouest sont catholiques: les progrès de cette communion dans ce pays passent toute croyance, parce qu'elle s'y est rajeunie dans son élément évangélique, la liberté populaire, tandis que les autres communions y meurent dans une indifférence profonde.

Enfin, auprès de cette grande république des colonies angloises protestantes viennent de s'élever les grandes républiques des colonies espagnoles catholiques: certes celles-ci, pour arriver à l'indépendance, ont eu bien d'autres obstacles à surmonter que les colonies anglo-américaines nourries au gouvernement représentatif, avant d'avoir rompu le foible lien qui les attachoit au sein maternel.

en forme de républiques municipales, toutes zélées catholiques qu'elles étoient. Philippe II et les princes de la maison d'Autriche ne purent étouffer, dans la Belgique, cet esprit d'indépendance; et ce sont des prêtres catholiques qui l'ont rendue un moment, aujourd'hui même, à l'état républicain.

Une branche du lutheranisme a seule été politique, la branche calviniste avec ses rameaux divers, en allant de l'anabaptiste au socinien; néanmoins cette branche n'a dans le fait rien produit pour la liberté populaire. En France, le calvinisme eut pour disciples des prêtres et des nobles. Si Knox et Buchanan, en Écosse, prêchèrent la souveraineté du peuple, le jésuite Mariana, la Boëtie et Bodin répandirent les mêmes doctrines parmi les catholiques. On verra que Milton, ennemi de ces rois protestants qu'il ne put cependant empêcher de remonter sur le trône, étoit aussi partisan de la république aristocratique et grand adversaire de l'égalité et de la

démocratie.

Concluons de l'étroite investigation des faits, que le protestantisme n'a point affranchi les peuples: il a apporté aux hommes la liberté philosophique, non la liberté politique; or la première liberté n'a conquis nulle part la seconde, si ce n'est en France, vraie patrie de la catholicité. Comment arrive-t-il que l'Allemagne, très-philosophique de sa nature, et déjà armée du protestantisme, n'ait pas fait un pas vers la liberté politique dans le dix-huitième siècle, tandis que la France, très-peu philosophique de tempérament, et sous le joug du catholicisme, a gagné dans le même siècle toutes ses libertés?

Descartes, fondateur du doute raisonné, auteur de la Méthode et des Méditations, destructeur du dogmatisme scolastique; Descartes, qui soutenoit que pour atteindre la vérité il falloit se défaire de toutes les opinions reçues; Descartes fut toléré à Rome, pensionné du cardinal Mazarin, et persécuté par les théologiens de la Hollande.

L'homme de théorie méprise souverainement la pratique de la hauteur de sa doctrine, jugeant les choses et les peuples, méditant sur les lois géUne seule république s'est formée en Europe nérales de la société, portant la hardiesse de ses à l'aide du protestantisme, la république hollan- recherches jusque dans les mystères de la nature doise; mais la Hollande appartenoit à ces com- divine, il se sent et se croit indépendant, parce munes industrielles des Pays-Bas qui, pendant qu'il n'a que le corps d'enchaîné. Penser tout et plus de quatre siècles, luttèrent pour secouer ne faire rien, c'est à la fois le caractère et la vertu le joug de leurs princes, et s'administrèrent | du génie philosophique : ce génie désire le bon

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heur du genre humain ; le spectacle de la liberté le | sista de préférence dans les lettres là où les aucharme, mais peu lui importe de le voir par les fenêteurs se rapprochèrent davantage du génie de tres d'une prison. Comme Socrate, le protestan- l'Église romaine, il faut convenir toutefois que tisme a été un accoucheur d'esprits; malheureu-le changement de religion n'apporta pas une alsement les intelligences qu'il a mises au jour n'ont tération immédiate dans la littérature angloise : été jusqu'ici que de belles esclaves. pourquoi? parce que la réformation eut lieu, comme je l'ai dit plus haut, avant que la langue fût sortie de la barbarie : tous les grands écrivains parurent après le règne de Henri VIII. Mais si les innovations dans le culte, en raison de l'époque où elles furent introduites, n'établirent pas une ligne de démarcation très-visible dans l'échelle ascendante de la littérature, elles en tracèrent une très-profonde dans l'échelle des

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deux par la réformation; chaque part forma une littérature rivale et souvent ennemie l'une de l'autre.

Au surplus, la plupart de ces réflexions sur la religion réformée ne se doivent appliquer qu'au passé aujourd'hui les protestants, pas plus que les catholiques, ne sont ce qu'ils ont été; les premiers même ont gagné en imagination, en poésie, en éloquence, en raison, en liberté, en vraie piété, ce que les seconds ont perdu. Les antipathies entre les diverses communions n'existent plus; les enfants du Christ, de quelque lignée qu'ils provien-cendante. La littérature en Europe fut coupée en nent, se sont resserrés au pied du Calvaire, souche commune de la famille. Les désordres et l'ambition de la cour romaine ont cessé; il n'est plus resté au Vatican que la vertu des premiers évêques, la protection des arts et la majesté des souvenirs. Tout tend à recomposer l'unité catholique; avec quelques concessions de part et d'autre, l'accord seroit bientôt fait. Pour jeter un nouvel éclat, le christianisme n'attend qu'un génie supérieur venu à son heure et dans sa place. La religion chrétienne entre dans une ère nouvelle; comme les institutions et les mœurs, troisième transformation; elle cesse d'être politique selon le vieil édifice social; elle marche au grand principe de l'Évangile, l'égalité démocratique naturelle devant les hommes, comme elle l'avoit déjà reconnue devant Dieu; elle devient philosophique, sans cesser d'être divine; son cercle flexible s'étend avec les lumières et les libertés, tandis que la croix marque à jamais son cen

tre immobile.

COMMENCEMENT

elle subit la

DE LA LITTÉRATURE PROTESTANTE.

KNOX. BUCHANAN.

Quand une fois une route est ouverte, il ne manque pas d'hommes qui s'y viennent précipiter; Henri VIII suivit bientôt Luther: en établissant la plus rude des tyrannies religieuses et politiques, il montra combien la réformation étoit favorable à l'indépendance des opinions et

à la liberté.

Bien que je vienne d'avancer que le beau sub

Ce seroit le sujet d'un ouvrage utile pour le goût, curieux pour la critique, philosophique pour l'histoire de l'esprit humain, que l'examen et la comparaison de la littérature catholique et de la littérature protestante, depuis la division des idées par le schisme : les lettres en Angleterre, en Écosse, en Allemagne, en Hollande, dans la France calviniste, ne sont ni les lettres dans la France restée fidèle à ses autels, ni les lettres en l'Espagne et en l'Italie. Qu'auroient été Milton, Addison, Hume, Robertson, catholiques? Que seroient devenus Racine, Bossuet, Massillon, Bourdaloue, protestants? Ces deux littératures opposées ont agi et réagi l'une sur l'autre. L'éloquence de la chaire, par exemple, a changé de route depuis la réformation : les pasteurs ont prêché la morale, les prêtres, le dogme; ces derniers ne parurent plus occupés qu'à se défendre, pressés entre Luther qui les poursuivoit, et Voltaire qui s'avançoit au-devant d'eux. Les protestants allèrent trop loin; les catholiques restèrent trop en arrière.

La politique et la philosophie envahirent la littérature de la réformation; cette littérature devint roide et raisonneuse. Knox, prêtre écossois, apostat, qui fit pleurer l'infortunée Marie Stuart par son menaçant fanatisme, qui publia le premierson de la trompette contre le gouvernement des femmes, qui établit le dogme de la souveraineté du peuple en matière religieuse et politique : plebis est religionem reformare; principes ob justas causas deponi possunt, etc. L'évêque de Luçon, depuis cardinal de Richelieu, réfuta les

"

principes de Knox dans un ouvrage de contreverse: [ pareille peste (la doctrine luthérienne) s'est répanLes vostres, dit-il, ont escrit que par droict divin due parmi le troupeau du Seigneur; si jamais ser« et humain, il est permis de tuer les roys impies; pent eut un poison pareil à celui que distille le que c'est chose conforme à la parole de Dieu livre de la Captivité de Babylone. « qu'un homme privé par spécial instinct peut « tuer un tyran, doctrine detestable en tout poinct, qui n'entrera jamais en la pensée de l'Église « catholique. »

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Buchanan développa les mêmes principes que Knox dans son Traité de jure regni, apud Scotos; Knox et Buchanan vivoient au commencement de la réformation; ils étoient liés avec Calvin et Théodore de Bèze; tous deux, contemporains de Henri VIII, avoient écrit comme catholiques avant d'écrire comme protestants. Knox fut prétre, Buchanan précepteur domestique de Montaigne on peut voir, dans les écrits en prose du premier, et dans les poésies du second, comment les doctrines nouvelles avoient modifié leur génie.

HENRI VIII AUTEUR.

On pourroit étudier, dans les propres ouvrages de Henri VIII, la même métamorphose du style et des idées. Il y avoit loin de « l'Instruction « du chrétien » (Institution of a christian man); de la Science du chrétien» (Erudition of a christian man), à l'Assertio septem sacramentorum; traité, dit Hume, qui ne fait pas tort à sa capacité de Henri VIII), « which does no' discredit to his capacity. » L'apôtre-roi, dans son impartialité, faisoit brûler ensemble un luthérien et un catholique.

Nous avons vu comment la colère de Luther fut provoquée par l'outrage de Henri VIII. On ne sait guère aujourd'hui que l'Assertio eut une multitude d'éditions publiée en 1521, on la trouve encore réimprimée quarante ans après, à Paris, en 1562. Elle est précédée d'une dédicace de l'invincible Henri au pape Léon X. Heuri prie Sa Sainteté de l'excuser d'avoir, tout jeune qu'il est (lui Henri), au milieu de l'occupation des armes, et des soins divers du trône, osé défendre la religion; mais il n'a pu voir attaquer les cho ses saintes, l'hérésie déborder de toutes parts, sans en être indigné : il envoie son travail au vra¡ juge, afin qu'il le corrige s'il y trouve des erreurs. Le doux et bénin roi s'adresse ensuite aux lecteurs; il leur déclare que sans éloquence et sans savoir, seulement excité par la fidélité et la piété envers sa mère l'Église, épouse du Christ, il vient combattre pour elle; il leur demande si jamais une

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De là, entrant en matière, il dit un mot des indulgences et soutient la croyance du purgatoire. Il met Luther en opposition avec lui-même et affirme qu'il falsifie le Nouveau Testament; il établit par l'autorité des canons et par la tradition historique le pouvoir universel de la papauté ; il argumente en faveur des sept sacrements. Quant à l'eucharistie il répond à l'objection contre l'eau, que si l'Église catholique mêle l'eau au vin dans le calice, c'est que du côté du Christ mourant il sortit du sang et de l'eau, quia aqua cum sanguine de latere morientis effluxit. Il invite enfin, dans sa péroraison, tous les chrétiens à se réunir contre Luther, comme ils se réuniroient contre ¡es Turcs, les Sarrasins et tous les infidèles, adversus Turcas, adversus Saracenos, adversus quicquid est uspiam infidelium consisterent.

Le docteur Martin se fâcha et outragea le docteur Henri. Henri en écrivit à son cousin le duc de Saxe. Celui-ci prêcha Luther, et le moine consentit à adresser au roi une lettre plus modérée : elle est datée de Wittemberg, le 1er septembre 1525. A entendre le réformateur repentant, il ne s'est pas emporté contre le souverain, mais contre des misérables qui ont osé mettre un libelle sous le nom d'un auguste monarque. Il espère que le roi voudra bien lui faire une réponse clémente et bénigne : « De Ta Majesté royale, le très-soumis « Martin Luther, signé de ma propre main.»

Dans sa réplique, Henri s'excuse de n'avoir pas répondu plus tôt; la lettre de Luther ne lui est pas arrivée directement; elle s'est égarée en chemin : il dit ensuite au nouvel apôtre que ses erreurs sont honteuses, et ses hérésies, insensées ; que son érudition et ses raisonnements, ni appuyés, ni soutenus, prouvent une impudence obstinée : « Si tu as une véritable repentance, Luther, « ce n'est pas à mes pieds qu'il faut te prosterner, « mais aux pieds de Dieu. »>

Le roi qui fut le mari de six femmes; qui envoya deux reines à l'échafaud; qui chassa les religieuses et les moines de leurs couvents; qui fonda une Église où le clergé se marie, où les vœux monastiques sont abolis, crie à Luther : « Rends « au cloître la chétive femme (muliercula) épouse « adultère du Christ, avec laquelle tu vis sous le « nom d'époux dans une très-scélérate débauche

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⚫et une double damnation. Passe le reste de tes | tue de bois de la Vierge pour matière du bûcher jours dans les larmes et les gémissements pour de l'ancien confesseur de Catherine d'Aragon; que ⚫la foule de tes péchés, retourne à ton monastère : cet homme qui manda à son tribunal le cadavre • là tu pourras rétracter tes erreurs, et, par le sa- de saint Thomas de Cantorbéry, le jugea, le con⚫lut de ton âme, racheter les périls de ton corps. damna à mort, malgré la maxime de droit, non Là, gémissant sur tes hérésies pestilentielles, bis in idem; qui fit lier des fagots sur le dos de ⚫sur tes erreurs dissolues, implore la miséricorde cinq anabaptistes hollandois, et se donna le divine, non avec une confiance arrogante, un joyeux spectacle de cinq auto-da-fé errants? Il ⚫geste, un verbe, un esprit publicains, mais avec eut un jour un beau sujet de sonnet romantique : ⚫ une pénitence assidue. Change-toi; amende-toi : du haut d'une colline solitaire du parc de Riche• jusque-là je serai contristé; toi tu seras perdu, mont, il épia la nouvelle du supplice d'Anne Bo⚫ et par toi, malheureux, une multitude périra.» leyn; il tressaillit d'aise au signal partide la Tour Afin qu'il ne manquât rien à cette scène, Léon de Londres. Quelle volupté ! le fer avoit tranché X décerna à Henri VIII le titre de défenseur de le cou délicat, ensanglanté les beaux cheveux la foi, porté par les rois protestants d'Angleterre auxquels le roi poëte avoit attaché ses fatales presque jusqu'à nos jours. On voyoit au Vatican une harpe qu'un chieftain d'Irlande avoit jadis fait passer au saint-siége, en signe de vassalité : Léon X la renvoya au défenseur de la foi, pour inféoder l'Irlande à la couronne britannique.

L'Irlande ne devoit pas se tenir offensée d'ètre
donnée comme une harpe lorsque l'investiture de
Rome elle-même se faisoit par un camail, prefe-
eturæ Romanæ investitura fiebal per mantum.
(Décret. Innoc. III, liv. 1.) Si Henri VIII avoit
mis la main sur Luther, il y auroit eu un réfor-
mateur de moins en Europe.

N'oublions pas que tandis que Henri VIII étoit
déclaré défenseur de la foi par la cour de Rome,
Luther étoit élu Pape dans une des chapelles du
Vatican, par les soldats luthériens du catholique
Charles-Quint.

L'histoire présente des spectacles bien divers: en offre-t-elle un plus extraordinaire que celui de la querelle de Luther et de Henri VIII, quand on songe à ce que furent ces deux champions et à la révolution qu'ils ont produite? Voilà les instituteurs des peuples, les anachorètes du rocher, les austères enfants des doctes déserts d'une nouvelle Thébaïde, auxquels des hommes de raison, de lumière, de vertu, de liberté, ont soumis leur conscience et leur génie! Qui mène donc le genre humain?

HENRI VIII; SUITE.

Henri VIII étoit auteur en vers comme il l'étoit en prose il jouoit de la flûte et de l'épinette; il mit en musique des ballades pour sa cour, des messes pour sa chapelle : il reste de lui un motet, une antienne et beaucoup d'échafauds. N'étoit-ce pas un troubadour d'une grande imagination que cet homme, lequel se servit d'une sta

caresses.

SURREY. THOMAS MORE.

Sous Henri VIII nous trouvons Surrey et Thomas More. Le comte de Surrey détacha la poésie angloise des formes du moyen âge; il acheva de la jeter dans le cadre italien, en composant des sonnets, à la manière de Pétrarque, pour Géraldine. On a cru que Géraldine avoit été Élisabeth Fitz-Gérald; d'autres la font fille de lord Cildair: toujours ces femmes belles et aimées ont été, elles ne sont plus. Surrey, se trouvant à Florence, envoya un cartel de défi à tout chrétien, juif, maure, turc et cannibale, soutenant, lui Surrey, envers et contre tous, l'incomparable beauté de Géraldine: Pétrarque soupiroit pour Laure et ne se battoit pas. Les Anglois promenoient alors leur chevalerie et leurs passions sur ces ruines, où ils traînent aujourd'hui leurs modes et leur ennui.

fermé dans le château de Windsor par l'orthodoxe Revenu à Londres, Surrey fut d'abord enHenri VIII; le comte étoit accusé d'avoir fait gras

en carême:

Here noble Surrey fels the sacre drage.

(POPE.)

La dernière victime du premier roi protestant de la Grande-Bretagne fut le noble amant de Géraldine: le prince réformateur prouva l'attachement qu'il portoit aux lettres, en livrant à la hache du bourreau Thomas More, et le poëte qui commence la série des poëtes anglois modernes. On montre à la Tour de Londres les épées qui abattirent des têtes illustres : un morceau de fer survit au moule qui renfermoit la puissance ou le génie.

Surrey, dans la traduction de quelques pas

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