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LA

UNIV. OF

LÉGISLATION DES CULTES PROTESTANTS

1787 - 1887

RECUEIL COMPLET

DES LOIS, ORDONNANCES, DÉCRETS, ARRÊTÉS MINISTÉRIELS
ET AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

RELATIFS AUX ÉGLISES PROTESTANTES

De Décembre 1787 à Janvier 1887

NOVEMBRE 1787

ÉDIT DU ROI, DONNÉ A VERSAILLES AU MOIS DE NOVEMBRE 1787,
REGISTRÉ EN PARLEMENT LE 29 JANVIER 1788, CONCERNANT
CEUX QUI NE FONT PAS PROFESSION DE LA RELIGION CATHO-
LIQUE.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre; A tous présents et à venir, salut. Lorsque Louis XIV défendit solennellement dans les pays et terres de son obéissance l'exercice public de toute autre religion que la religion catholique, l'espoir d'amener ses peuples à l'unité si désirable du même culte, soutenu par de trompeuses apparences de conversions, empêcha ce grand roi de suivre le plan qu'il avait formé dans ses conseils, pour constater légalement l'état civil de ceux de ses sujets qui ne pouvaient pas être admis aux sacrements de l'Eglise ; à l'exemple de nos augustes prédécesseurs, nous favoriserons toujours, de tout. notre pouvoir, les moyens d'instruction et de persuasion qui

tendront à lier tous nos sujets par la profession commune de l'ancienne foi de notre royaume, et nous proscrirons, avec la plus sévère attention, toutes ces voies de violence, qui sont aussi contraires aux principes de la raison et de l'humanité, qu'au véritable esprit du christianisme. Mais, en attendant que la divine Providence bénisse nos efforts et opère cette heureuse révolution, notre justice et l'intérêt de notre royaume ne nous permettent pas d'exclure plus longtemps des droits de l'état civil ceux de nos sujets ou des étrangers domiciliés dans notre empire, qui ne professent point la religion catholique. Une assez longue expérience a démontré que ces épreuves rigoureuses étaient insuffisantes pour les convertir: nous ne devons donc plus souffrir que nos lois les punissent inutilement du malheur de leur naissance, en les privant des droits que la nature ne cesse de réclamer en leur faveur. Nous avons considéré que les protestants, ainsi dépouillés de toute existence légale, étaient placés dans l'alternative inévitable, ou de profaner les sacrements par des conversions simulées, ou de compromettre l'état de leurs enfants, en contractant des mariages frappés d'avance de nullité par la législation de notre royaume. Les ordonnances ont même supposé qu'il n'y avait plus que des catholiques dans nos états; et cette fiction, aujourd'hui inadmissible, a servi de motif au silence de la loi, qui n'aurait pu reconnaître en France des prosélytes d'une autre croyance, sans les proscrire des terres de notre domination, ou sans pourvoir aussitôt à leur état civil. Des principes si contraires à la prospérité et à la tranquillité de notre royaume auraient multiplié leurs émigrations, et auraient excité des troubles continuels dans les familles, si nous n'avions pas profité provisoirement de la jurisprudence de nos tribunaux, pour écarter les collatéraux avides qui disputaient aux enfants l'héritage de leurs pères. Un pareil ordre de choses sollicitait depuis longtemps notre autorité de mettre un terme à ces dangereuses contradictions entre les droits de la nature et les dispositions de la loi. Nous avons voulu procéder à cet examen avec toute la ma

turité qu'exigeait l'importance de la décision. Notre résolution était déjà arrêtée dans nos conseils, et nous nous proposions d'en méditer encore quelque temps la forme légale ; mais les circonstances nous ont paru propres à multiplier les avantages que nous espérons de recueillir de notre nouvelle loi, et nous ont déterminé à hâter le moment de la publier. S'il n'est pas en notre pouvoir d'empêcher qu'il n'y ait différentes sectes dans nos états, nous ne souffrirons jamais qu'elles puissent y être une source de discorde entre nos sujets. Nous avons pris les mesures les plus efficaces pour prévenir de funestes associations. La religion catholique que nous avons le bonheur de professer jouira seule, dans notre royaume, des droits et des honneurs du culte public, tandis que nos autres sujets non catholiques, privés de toute influence sur l'ordre établi dans nos États, déclarés d'avance et à jamais incapables de faire corps dans notre royaume, soumis à la police ordinaire pour l'observation des fêtes, ne tiendront de la loi que ce que le droit naturel ne nous permet pas de leur refuser, de faire constater leurs naissances, leurs mariages et leurs morts, afin de jouir, comme tous nos autres sujets, des effets civils qui en résultent. A ces causes, etc., nous avons ordonné ce qui suit :

Art. 1er. La religion catholique, apostolique et romaine, continuera de jouir seule, dans notre royaume, du culte public, et la naissance, le mariage et la mort de ceux de nos sujets qui la professent ne pourront, dans aucun cas, être constatés que suivant les rites et usage de ladite religion autorisée par nos ordonnances.

Permettons néanmoins à ceux de nos sujets qui professent une autre religion que la religion catholique, apostolique et romaine, soit qu'ils soient actuellement domiciliés dans nos États, soit qu'ils viennent s'y établir dans la suite, d'y jouir de tous les biens et droits qui peuvent ou pourront leur appartenir à titre de propriété ou à titre successif, et d'y exercer leurs commerces, arts, métiers et professions, sans que, sous prétexte de leur religion, ils puissent y être troublés ni inquiétés.

Exceptons néanmoins desdites professions toutes les charges de judicature, ayant provision de nous ou des seigneurs, les municipalités érigées en titre d'office, et ayant fonctions de judicature, et toutes les places qui donnent le droit d'enseignement public.

II. Pourront en conséquence ceux de nos sujets ou étrangers domiciliés dans notre royaume, qui ne seraient pas de religion catholique, y contracter des mariages dans la forme qui sera ci-après prescrite; voulons que lesdits mariages puissent avoir dans l'ordre civil, à l'égard de ceux qui les auront contractés dans ladite forme et de leurs enfants, les mêmes effets que ceux qui seront contractés et célébrés dans la forme ordinaire par nos sujets catholiques.

III. N'entendons néanmoins que ceux qui professeront une religion différente de la religion catholique puissent se regarder comme formant dans notre royaume un corps, une communauté ou une société particulière, ni qu'ils puissent, à ce titre, former en nom collectif aucune demande, donner aucune procuration, prendre aucune délibération, faire aucune acquisition, ni aucun autre acte quelconque. Faisons très expresses inhibitions et défenses à tous juges, greffiers, notaires, procureurs ou autres officiers publics, de répondre, recevoir ou signer lesdites demandes, procurations, délibérations ou autres actes, à peine d'interdiction; et à tous nos sujets de se dire fondés de pouvoirs desdites prétendues communautés ou sociétés, à peine d'ètre réputés fauteurs et protecteurs d'assemblées et associations illicites, et comme tels punis suivant la rigueur des ordonnances.

VI. Ne pourront non plus ceux qui se prétendraient ministres ou pasteurs d'une autre religion que la religion catholique prendre ladite qualité dans aucun acte, porter en public un habit différent de celui des autres de ladite religion, ni s'attribuer aucune pérogative ni distinction ; leur défendant spécialement de s'ingérer à délivrer aucuns certificats de mariages, naissances ou décès, lesquels nous déclarons dès à présent nuls et de nul effet, sans qu'en aucun cas, nos juges ni autres puissent y avoir égard.

V. Faisons pareillement défenses à tous nos sujets ou étrangers demeurant ou voyageant dans nos états, de quelque religion qu'ils puissent être, de s'écarter du respect dû à la religion catholique et à ses saintes cérémonies, à peine. contre ceux qui se permettraient en public des actions ou des discours qui y seraient contraires, d'être poursuivis et jugés dans toute la rigueur des ordonnances, et comme le feraient ou devraient l'être en pareil cas ceux de nos sujets qui professent ladite religion.

VI. Leur enjoignons de se conformer aux règlements de police à l'égard de l'observation des dimanches et des fêtes commandées, à l'effet de quoi ne pourront vendre ni établir à boutique ouverte, lesdits jours.

VII. Voulons en outre que tous particuliers. de quelque qualité et condition qu'ils soient, établis dans notre royaume, et qui ne professeraient pas la religion catholique, soient tenus de contribuer, comme nos autres sujets, et à proportion de leurs biens et facultés, aux entretiens, réparations et reconstructions des églises paroissiales, chapelles, presbytères, logements des prêtres séculiers ou religieux employés à la célébration du service divin, et généralement à toutes les charges de cette nature, dont nos sujets catholiques peuvent être tenus.

VIII. Ceux de nos sujets ou étrangers établis dans notre royaume depuis un temps suffisant, qui ne seront pas de la religion catholique, et qui voudront s'unir par le lien du mariage, seront tenus de faire publier leurs bans dans le lieu du domicile actuel de chacune des parties contractantes, dans celui du domicile que lesdites parties ou l'une d'elles auraient quitté depuis six mois, si c'est dans l'étendue du même diocèse, ou depuis un an, si elles ont passé d'un diocèse à un autre, et en outre si elles sont mineures, dans le lieu du domicile de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs.

IX. Il sera au choix des parties contractantes de faire faire lesdites publications, ou par les curés ou vicaires des lieux où elles devront être faites, ou par des officiers de justice lesdits lieux, dans la forme ci-après prescrite.

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