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Le dispute aux baisers d'une mere chérie,
Et semble avec orgueil l'offrir à la patrie.

Voyez ce couple aimable enfoncé dans ces bois; Là, tout deux ont aimé pour la premiere fois, Et se montrent la place où, dans son trouble extrême, L'un d'eux, en palpitant, prononça: Je vous aime. Là, deux bons vieux amis vont discourant entre eux; Ailleurs, un étourdi qu'emporte un char poudreux, Jette, en courant, un mot que la rapide roue Laisse bientôt loin d'elle, et dont Zéphyr se joue. On se cherche, on se mêle, on se croise au hasard; On s'envoie un salut, un sourire, un regard; Cependant, à travers le tourbillon qui roule, Plus d'un grave penseur, isolé dans la foule, Va poursuivant son rêve; ou peut-être un banni, A l'aspect de ce peuple heureux et réuni,

Qu'un beau site, un beau jour, un beau spectacle attire, Se souvient de Longchamps, se recueille, et soupire.

FIN DU SECOND CHANT.

POËME.

CHANT TROISIEME.

JE chantois les jardins, les vergers, et les bois,
Quand le cri de Bellone a retenti trois fois.
A ces cris, arrachés des foyers de leurs peres,
Nos guerriers ont volé sur des mers étrangeres,
Et Mars a de Vénus déserté les bosquets.

Dieux des champs! dieux amis de l'innocente paix,
Ne craignez rien: Louis, au lieu de vous détruire,
Veut sur des bords lointains étendre votre empire;
Il veut qu'en liberté les heureux Pensylvains

Puissent cueillir les fruits qu'ont cultivés leurs mains.
Et vous, jeunes guerriers qu'admire un autre monde,
Je ne puis vers Yorck sur les gouffres de l'onde
Suivre votre valeur; mais, pour votre retour,
Ma muse des jardins embellit le séjour.

Déja j'ordonne aux fleurs de croître pour vos têtes;

Pour vous de myrtes verds des couronnes sont prêtes.

yeux;

Je prépare pour vous le murmure des eaux,
Les tapis des gazons, les abris des berceaux,
Où mollement assis, oubliant les alarmes,
Tranquilles, vous direz la gloire de nos armes,
Tandis qu'entre la crainte et l'espoir suspendus
Vos enfants frémiront d'un danger qui n'est plus.
Achevons cependant d'orner ces frais asyles.
Jadis dans nos jardins les sables infertiles,
Tristes, secs, et du jour réfléchissant les feux,
Importunoient les pieds, et fatiguoient les
Tout étoit nu, brùlant: mais enfin l'Angleterre
Nous apprit l'art d'orner et d'habiller la terre.
Soignez donc ces gazons déployés sur son sein:
Sans cesse l'arrosoir ou la faux à la main,
Désaltérez leur soif, tondez leur chevelure;
Que le roulant cylindre en foule la verdure;
Que toujours bien choisis, bien unis, bien serrés,
De l'herbe usurpatrice avec soin délivrés,
Du plus tendre duvet ils gardent la finesse;
Et quelquefois enfin réparez leur vieillesse.
Réservez toutefois aux lieux moins éloignés
Ce luxe de verdure et ces gazons soignés.
Du reste composez une riche pâture,

Et que vos seuls troupeaux en fassent la culture.
Ainsi vous formerez des nourrissons nombreux,

Des engrais pour vos champs, des tableaux pour vos yeux

Ne rougissez donc point, quoique l'orgueil en gronde,
D'ouvrir vos parcs au bœuf, à la vache féconde,

Qui ne dégradent plus ni vos parcs, ni mes vers.
Sur le climat encor réglez vos plants divers.
N'allez pas des gazons prodiguer la parure
Aux lieux où la chaleur dévore la verdure;
La terre s'en attriste, et de ces prés flétris
Les yeux avec regret parcourent les débris.
Ah! quand le ciel brûlant seche nos paysages,
Que ne puis-je, Albion, errer sur ces rivages
Où la beauté, foulant le tendre émail des fleurs,
Promene en paix ses yeux innocemment rêveurs!
Belle et fraîche Albion, fille aimable des ondes,
Qui nourris tes tapis de leurs vapeurs fécondes:
Là, même dans l'été, l'horizon le plus pur
D'un rideau nébuleux voile encor son azur;
Par un soleil plus doux les plantes épargnées
D'une pluie insensible en tout temps sont baignées;
Sa secrete influence en nourrit la fraîcheur;
L'herbe tendre y renaît sous la main du faucheur,
Et l'Anglais sérieux à son ciel chargé d'ombres

Doit des gazons plus gais, et des pensers plus sombres. ·
Quel que soit le climat, dans vos jardins riants

C'est peu

de déployer ces tapis verdoyants;

Il en faut avec goût savoir choisir les formes.

Craignez pour eux l'ennui des cadres uniformes:

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