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Là, les arts enchanteurs prodiguent les berceaux,
Le marbre des bassins, le murmure des eaux,
Les kiosks élégants, les fleurs toujours écloses;
L'empire d'Orient est l'empire des roses.

Sous un ciel moins heureux, le Sarmate, à son tour,
Présente aux yeux ravis plus d'un riant séjour.
Tel brille ce superbe et riche paysage

Qui fut de Radzivil l'ingénieux ouvrage:
Là, tout plaît à nos yeux, le coteau, le vallon;
Et la belle Arcadie a mérité son nom.

Et pourrois-je oublier ta pompe enchanteresse,
Toi dans qui l'élégance est jointe à la richesse,
Fortuné Pulhavi, qui seul obtins des dieux
Les charmes que le ciel partage à d'autres lieux?
Quel tableau ravissant présentent tes campagnes!
De quel cadre pompeux l'entourent ces montagnes
Où du grand Casimir, seul, sans garde et sans cour,
Le palais regne encor sur les champs d'alentour!
Détours mystérieux, magnifiques allées,
Bois charmants, verds coteaux, agréables vallées,
Les aspects étrangers, et tes propres trésors,
Tout enchante au-dedans, tout invite au-dehors.
Dirai-je les forêts dont tes monts se couronnent,
Ou ce chêne, géant des bois qui l'environnent,
Ou ce beau peuplier de qui l'énorme tronc,
Lorsque de cent hivers il a bravé l'affront,

Se festonnant de noeuds d'où sort un verd feuillage,
Semble orné par le temps, et rajeuni par l'âge?

Pour mieux charmer les yeux, au pied de tes coteaux, La Vistule pour toi roule ses vastes eaux;

Pour toi son sein blanchit sous des barques agiles;

Elle baigne tes bois, elle embrasse tes isles.
Quel plaisir, quand le soir jette ses derniers feux,
De voir, peints à la fois dans ses flots radieux
Qu'un beau pourpre colore, et qu'un blanc pur argente,
Le soleil expirant et la lune naissante!

Là, d'un chemin public c'est l'aspect animé;
Du plus loin qu'il te voit le voyageur charmé
S'arrête, admire, et part emportant ton image;
Le fleuve, le ruisseau, la forêt, le bocage,

Les arcs lointains des ponts, la fleche des clochers,
Me frappent tour-à-tour; tes grottes, tes rochers,
Sont de vastes palais voûtés par la nature;
D'autres, enfants de l'art, ont chacun leur parure.
Là, les fleurs, l'oranger, les myrtes toujours verds,
Jouissent du printemps, et trompent les hivers;
D'un portique pompeux leur abri se décore,
Et leur parfum trahit la retraite de Flore.

yeux;

Ailleurs, c'est un musée, asyle studieux;
Livres, bronzes, tableaux, là, tout charme les
Là, même après Mérope, Athalie, et Zaïre,
Mes foibles vers peut-être obtiennent un sourire.

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Rome, Athene, en ces lieux quel art vous imita? Je reconnois de loin le temple de Vesta.

Voici la roche auguste où tonnoit la Sibylle;
Sa main n'y trace plus sur la feuille mobile
Ces arrêts fugitifs, tableaux de l'avenir;
Ici, c'est le passé qui parle au souvenir.

Ses nombreux monuments enrichissent l'histoire,
Et ce temple est pour nous le temple de mémoire;
J'y trouve le bon roi, l'usurpateur cruel,
Et les traits de Henri près de ceux de Cromwell,
La chaîne de Stuart, ce livre d'Antoinette,
Par qui montoit vers Dieu sa priere secrete.
Ah! couple infortuné, sujet de tant de pleurs,

Vos noms seuls prononcés attendrissent les cœurs.
Au sortir de ce temple où revivent les âges,

Un autre va des lieux me montrer les images;

Imagination, pouvoir que j'ai chanté,
Conduis-moi, porte-moi dans ce temple enchanté
Où des murs byzantins, d'un temple où le Druide
Souilloit de sang humain son autel homicide,
D'un palais de l'Écosse, et d'un fort de Paris,
S'assemblent les fragments, l'un de l'autre surpris.
Rome, Rome elle-même, en ravages féconde,
Mêle ici sa ruine aux ruines du monde;
Un roc du Capitole y venge l'univers;

Mais un temple est formé de ces débris divers;

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Il peint le monde entier; il orne le bocage;
Et le temps destructeur méconnoît son ouvrage.

Au fond de ce bosquet, vers ce lieu retiré,
J'avance et je découvre un débris plus sacré.
Venez ici, vous tous dont l'ame recueillie

Vit des tristes plaisirs de la mélancolie;
Voyez ce mausolée où le bouleau pliant,
Lugubre imitateur du saule d'Orient,

Avec ses longs rameaux, et sa feuille qui tombe,
Triste, et les bras pendants, vient pleurer sur la tombe.
Et toi dont le génie orna ce lieu charmant,

Que ce lieu pour toi-même est un doux monument!
Il te vit, fille heureuse, adorer un bon pere,
Te vit heureuse épouse, et bienheureuse mere.
Ta fille à ces beautés prête un charme nouveau;
Elle embellit les fleurs, le bosquet, le ruisseau,
Te rend plus chers les bois chéris de tes ancêtres.
Là, vos plus doux plaisirs sont des plaisirs champêtres;
Là, communs sont vos vœux, votre bonheur commun,
Vos parcs sont séparés, et vos cœurs ne sont qu'un.

Et moi, peintre des champs, moi, qui ferai peut-être
Vivre ces beaux jardins que vos mains ont fait naître,
Mon nom du moins, mon nom habite donc ces lieux!
La pierre qui l'honore est donc chere à vos yeux!
Des grouppes
de bergers et des choeurs de bergeres
Viennent donc quelquefois, de leurs danses légeres

Animer la prairie où gît modestement,

Au bord d'un clair ruisseau, mon humble monument!

Ah! que ne peut ma voix s'y faire un jour entendre!
Mes chants vous rendroient grace; et, pour une ame tendre,
Quels sons harmonieux, quels accords ravissants,

De la reconnoissance égalent les accents?

Entendez donc sa voix; et que son doux langage
Pour moi soit un plaisir, et pour vous un hommage.
Enfin, je viens à toi, florissante Albion,

Au bel art des jardins instruite par Bacon;
De Pope, de Milton, les chants le seconderent;
A leurs voix, des vieux parcs les terrasses tomberent;
Le niveau fut brisé; tout fut libre; et tes mains
Ont, comme tes cités, affranchi tes jardins.
Un goût plus pur orna, dessina les bocages;
Eh! qui pourroit compter les parcs, les paysages,
Les sites enchanteurs qu'arrose dans son cours
Ce fleuve impérieux qui, dans ses longs détours,
Parmi des prés fleuris, des campagnes fécondes,
Marche vers l'Océan, en souverain des ondes,
Plus riche que l'Hermus, plus vaste que le Rhin,
Et dont l'urne orgueilleuse est l'urne du destin.
Combien j'aime Parkplace, où, content d'un bocage,
L'ambassadeur des rois se plaît à vivre en sage;
Leasowe, de Shenstone autrefois le séjour,
Où tout parle de vers, d'innocence, et d'amour;

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