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LIVRE TROISIEME.

SOMMAIRE.

La prière de Cyrille monte au trône du Tout-Puissant. Le ciel. Les anges, les saints. Tabernacle de la Mère du Sauveur. Sanctuaire du Fils et du Père. L'Esprit-Saint. La Trinité. La prière de Cyrille se présente devant l'Éternel: l'Éternel la reçoit, mais il déclare que l'évêque de Lacédémone n'est point la victime qui doit racheter les chrétiens. Eudore est la victime choisie. Motifs de ce choix. Les milices célestes prennent les armes. Cantique des saints et des anges.

Les dernières paroles de Cyrille montèrent au trône de l'Éternel. Le Tout-Puissant agréa le sacrifice, mais l'évêque de Lacédémone n'étoit point la victimé que Dieu, dans sa colère et dans sa miséricorde, avoit choisie pour expier les fautes des chrétiens.

Au centre des mondes créés, au milieu des astres innombrables qui lui servent de remparts, d'avenues et de chemins, flotte cette immense cité de Dieu, dont la langue d'un mortel ne sauroit raconter les merveilles. L'Éternel en posa lui-même les douze fondements, et l'environna de cette muraille de jaspe que le disciple bien aimé vit mesurer par l'ange avec une toise d'or. Revêtue de la gloire du Très-Haut, l'invisible Jérusalem est parée comme une épouse pour son époux. Loin d'ici, monuments de la terre, vous n'approchez point de ces monuments de la cité sainte! La richesse de la matière y

dispute le prix à la perfection des formes. Là règnent suspendues des galeries de saphirs et de diamants, foiblement imitées par le génie de l'homme dans les jardins de Babylone; là s'élèvent des arcs de triomphe formés des plus brillantes étoiles; là s'enchaînent des portiques de soleils, prolongés sans fin à travers les espaces du firmament, comme les . colonnes de Palmyre dans les sables du désert. Cette architecture est vivante. La cité de Dieu est intelligente elle-même. Rien n'est matière dans les demeures de l'Esprit; rien n'est mort dans les lieux de l'éternelle existence. Les paroles grossières que la Muse est forcée d'employer nous trompent : elles revêtent d'un corps ce qui n'existe que comme un songe divin dans le cours d'un heureux sommeil.

Des jardins délicieux s'étendent autour de la radieuse Jérusalem. Un fleuve découle du trône du Tout-Puissant; il arrose le céleste Éden, et roule dans ses flots l'amour pur et la sapience de Dieu. L'onde mystérieuse se partage en divers canaux qui s'enchaînent, se divisent, se rejoignent, se quittent encore, et font croître, avec la vigne immortelle, le lis semblable à l'épouse, et les fleurs qui parfument la couche de l'époux. L'arbre de vie s'élève sur la colline de l'encens; un peu plus loin, l'arbre de science étend de toutes parts ses racines profondes et ses rameaux innombrables: il porte, cachés sous son feuillage d'or, les secrets de la Divinité, les lois occultes de la nature, les réalités morales et intellectuelles, les immuables principes du bien et du mal. Ces connoissances qui nous enivrent font

la nourriture des élus; car, dans l'empire de la souveraine sagesse, le fruit de science ne donne plus la mort. Les deux grands ancêtres du genre humain viennent souvent verser des larmes (telles que les justes en peuvent répandre) à l'ombre de cet arbre merveilleux.

La lumière qui éclaire ces retraites fortunées se compose des roses du matin, de la flamme du midi et de la pourpre du soir; toutefois, aucun astre ne paroît sur l'horizon resplendissant; aucun soleil ne se lève, aucun soleil ne se couche dans les lieux où rien ne finit, où rien ne commence; mais une clarté ineffable, descendant de toutes parts comme une tendre rosée, entretient le jour éternel de la délectable éternité.

C'est dans les parvis de la cité sainte, et dans les champs qui l'environnent, que sont à la fois réunis ou partagés les chœurs des chérubins et des séraphins, des anges et des archanges, des trônes et des dominations: tous sont les ministres des ouvrages et des volontés de l'Éternel. A ceux-ci a été donné tout pouvoir sur le feu, l'air, la terre et l'eau; à ceux-là appartient la direction des saisons, des vents et des tempêtes : ils font mûrir les moissons, ils élèvent la jeune fleur, ils courbent le vieil arbre vers la terre. Ce sont eux qui soupirent dans les antiques forêts, qui parlent dans les flots de la mer, et qui versent les fleuves du haut des montagnes. Les uns gardent les vingt mille chariots de guerre de Sabaoth et d'Élohé; les autres veillent au carquois du Seigneur. à ses foudres inévitables, à

ses coursiers terribles, qui portent la peste, la guerre, la famine et la mort. Un million de ces génies ardents règlent les mouvements des astres, et se relèvent tour à tour dans ces emplois magnifiques, comme les sentinelles vigilantes d'une grande armée. Nés du souffle de Dieu, à différentes époques, ces anges n'ont pas la même vieillesse dans les générations de l'éternité: un nombre infini d'entre eux fut créé avec l'homme pour soutenir ses vertus, diriger ses passions, et le défendre contre les attaques de l'enfer.

Là sont aussi rassemblés à jamais les mortels qui ont pratiqué la vertu sur la terre; les patriarches, assis sous des palmiers d'or; les prophètes, au front étincelant de deux rayons de lumière; les apôtres, portant sur leur cœur les saints Évangiles; les doeteurs, tenant à la main une plume immortelle; les solitaires, retirés dans des grottes célestes; les martyrs, vêtus de robes éclatantes; les vierges, couronnées de roses d'Éden; les veuves, la tête ornée de longs voiles, et toutes ces femmes pacifiques qui, sous de simples habits de lin, se firent les consolatrices de nos pleurs et les servantes de nos misères.

Est-ce l'homme infirme et malheureux qui pourroit parler des félicités suprêmes? Ombres fugitives et déplorables, savons-nous ce que c'est que le bonheur? Lorsque l'âme du chrétien fidèle abandonne son corps, comme un pilote expérimenté quitte le fragile vaisseau que l'Océan engloutit, elle seule connoît la vraie béatitude. Le souverain bien des

élus est de savoir que ce bien sans mesure sera sans terme; ils sont incessamment dans l'état délicieux d'un mortel qui vient de faire une action vertueuse ou héroïque, d'un génie sublime qui enfante une grande pensée, d'un homme qui sent les transports d'un amour légitime, ou les charmes d'une amitié long-temps éprouvée par le malheur. Ainsi les nobles passions ne sont point éteintes dans le cœur des justes, mais seulement purifiées : les frères, les époux, les amis, continuent de s'aimer; et ces attachements, qui vivent et se concentrent dans le sein de la Divinité même, prennent quelque chose de la grandeur et de l'éternité de Dieu.

Tantôt ces âmes satisfaites se reposent ensemble au bord du fleuve de la Sapience et de l'Amour. La beauté et la toute-puissance du Très-Haut sont leur perpétuel entretien :

« O Dieu, disent - elles, quelle est donc votre «grandeur! Tout ce que vous avez fait naître est « renfermé dans les limites du temps; et le temps, qui s'offre aux mortels comme une mer sans bor<< nes, n'est qu'une goutte imperceptible de l'océan « de votre éternité ! »

Tantôt les prédestinés, pour mieux glorifier le Roi des rois, parcourent son merveilleux ouvrage : la création, qu'ils contemplent des divers points de l'univers, leur présente des spectacles ravissants: tels, si l'on peut comparer les grandes choses aux petits objets, tels se montrent aux yeux du voyageur les champs superbes de l'Indus, les riches vallées du Delhi et de Cachemire, rivages couverts

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