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nos propres befoins des paffions quoique concentrées en nous-mêmes, peuvent fe ranger fous l'étendard de la raison & mériter fes foins, lorfque les moyens en font honnêtes : celles qui font part aux autres des biens qu'elles poursuivent, aspirent à un plus noble but, ennobliffent leur efpece, & prennent le nom de quelque vertu.

QUE le Stoïque fier d'une infenfibilité oifive se vante d'une vertu inébranlable; fa fermeté, femblable à celle de la glace, est une fermeté de contraction & qui fait retirer les efprits vers le cœur. La force de l'efprit ne confifte point dans le repos, mais dans l'action. Une tempête qui s'éleve dans l'ame, la met dans un mouvement néceffaire pour la préservation du tout, quoiqu'à la vérité elle puiffe en même tems en ravager une partie. Nous naviguons diversement fur le vafte océan de la vie : la raifon en eft la bouffole, mais la paffion en eft le vent. Ce n'eft pas dans le calme feul que l'on trouve la divinité; Dieu marche fur les flots, & monte fur les vents.

Les paffions, ainfi que les élémens, quoique nées pour combattre, cependant mêlées & adoucies, s'uniffent dans l'ouvrage de Dieu; il ne faut que les modérer, & en faire usage, fans chercher à les extirper. Ce qui compose l'Homme, l'Homme peut-il le détruire? n'éxigeons de la raison que de fe tenir dans la voye de la nature; docile à fes impulfions, fidele aux deffeins de Dieu, qu'elle fe contente de calmer les paffions, & de fe les affujettir.

L'AMOUR, l'efpérance, la joye, la bande riante du

Pafions tho' Selfish, if their means be fair,
Lift under Reason, and deferve her care:
Those that imparted, court a nobler aim,
Exalt their kind, and take fome Virtue's name.

IN lazy Apathy let Stoics boaft
Their virtue fix'd; 'tis fix'd as in a frost,
Contracted all, retiring to the breaft;
But ftrength of mind is exercife, not reft:
The rifing tempeft puts in act the soul,
Parts it may ravage, but preferves the whole.
On life's vaft ocean diverfely we fail,
Reafon the card, but paffion is the gale:
Nor GOD alone in the ftill calm we find,
He mounts the ftorm, and walks upon the wind.

PASSIONS, like elements, tho' born to fight,

Yet mix'd and foften'd, in his work unite:
Thefe, 'tis enough to temper and employ ;
But what compofes Man, can Man deftroy?
Suffice that Reafon keep to Nature's road,
Subject, compound them, follow her and God.

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LOVE, hope, and joy, fair pleasure's smiling train,

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Hate, fear, and grief, the family of pain,
These mix'd with art, and to due bounds confin'd,
Make, and maintain, the balance of the mind:
The lights and Shades, whofe well-accorded ftrife
Gives all the strength and colour of our life.

PLEASURES are ever in our hands or eyes,
And when in act they ceafe, in profpect rife;
Present to grasp, and future ftill to find,
The whole employ of body and of mind.
All Spread their charms, but charm not all alike :
On diff'rent fenfes diff'rent objects firike :
Hence diff'rent paffions more or less inflame,
As ftrong, or weak, the organs of the frame;
And hence one mafter pafion in the breaft,
Like Aaron's ferpent, fwallows up the reft.

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As Man, perhaps, the moment of his breath,

Receives the lurking principle of death;

The young disease that muft fubdue at length,

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Grows with his growth, and ftrengthens with his ftrength:

So, caft and mingled with his very frame,

The mind's disease, its ruling Passion came :

Each vital humour which fhould feed the whole,

Soon flows to this, in body and in foul;

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Whatever warms the heart, or fills the head,

As the mind opens, and its functions Spread,

Imagination plies her dang'rous art,

plaifir; & la haine, la crainte, le chagrin, trifte cortege de la douleur; les uns mêlés aux autres avec art, & renfermés dans leurs juftes bornes, font & maintiennent la balance de l'ame, compofent les lumieres & les ombres dont le contrafte afforti fait la force & le coloris de la vie.

L'HOMME a toujours des plaifirs ou à fa difpofition, ou en vue; la jouiffance de l'un ceffe-t-elle ? la perfpective ou l'efpérance de quelque autre renaît. Le corps, l'efprit, tou tes nos facultés ne font occupées que du foin de faifir les préfens & d'en trouver pour l'avenir: mais quoique tous ayent leurs charmes, leur effet n'eft point égal. Nos différens fens sont frappés par différens objets; de-là, différentes paffions nous enflamment plus ou moins, fuivant que les organes de ces fens ont plus ou moins de force; & de-là, fouvent il arrive qu'une feule paffion dominante, femblable au ferpent d'AARON, engloutit toutes les autres.

Paffion dominan

force.

AINSI qu'en recevant la vie, l'Homme reçoit peut-être le principe caché de la mort, & que la maladie naiffante te & fa qui enfin doit l'emporter, croît & se fortifie en même tems que le corps acquiert des forces & qu'il croît: de même la maladie de l'esprit infusée en nous, & mêlée pour ainfi-dire avec notre propre fubftance, devient enfin la paffion qui le gouverne. Toute humeur vitale deftinée à la nourriture du tout, fe jette fur cette partie foible tant du corps que de l'ame à mefure que nos facultés s'ouvrent & fe dévoilent, l'imagination employe tous fes reffors, & par fes funeftes artifices, les épanchemens du cœur, la fécondité de l'efprit,

tout se répand sur ce foible avec une influence pernicieuse.

C'EST la nature qui donne la naiffance à cette paffion; c'eft l'habitude qui la nourrit. L'efprit, la vivacité, les talens ne font qu'en augmenter la malignité. La raison même en éguife la pointe, en redouble la force, ainfi que les rayons benins du Soleil augmentent l'acidité du vinaigre. Sujets malheureux d'une puiffance légitime, mais foible; croyant n'obéir qu'à la raison, c'est à une de ses favorites que nous obéiffons. Hélas! puifqu'elle ne nous donne pas des armes auffibien que des regles, que peut-elle faire de plus, que de nous faire connoître notre foibleffe? Accufatrice févere, mais impuissante amie, elle nous aprend à plaindre nôtre nature mais non point à la corriger; ou, de juge devenant avocate, elle nous persuade le choix que nous faifons; s'il est fait, elle le juftifie. Cependant fiere d'une conquête aisée, elle enchaîne de petites paffions pour en faire triompher une plus puiffante. C'est ainfi qu'un Médecin s'imagine avoir chaffé les humeurs, lorfque ces humeurs fe raffemblent & produifent la goûte.

Oux, le chemin de la nature doit être préféré. En ce chemin, ce n'eft point la raifon qui doit nous fervir de guide, mais elle doit être nôtre escorte; elle eft pour rectifier, non pour renverfer; elle doit traiter la paffion dominante plus en amie, qu'en ennemie. Une puiffance fupérieure à la raison, DIEU même, donne cette forte impulfion pour diriger les Hommes vers les fins différentes qu'il ordonne. Agités par leurs autres paffions, comme par des vents changeans, ils font par la paffion dominante, conftamment jettés à une

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