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bulentes d'un faubourg; toutefois, l'amour des plaisirs n'a porté qu'une légère atteinte à leur pureté. Le langage en la simplicité de ses expressions n'est que fort peu alteré. Il règne du luxe dans l'ameublement, et de l'élégance et même une certaine richesse dans les vêtements des deux sexes. Si la beauté du sang ne peut être citée, il n'en est pas de même des proportions de la taille. L'industrie consiste dans la grosse et petite mercerie, la vente des denrées, du beurre, et des volailles, et surtout dans le débit du vin en détail; on compte quinze cabarets. L'habitant de Sautron fréquente peu l'audience du Juge-de-paix, et jamais on ne le remarque assis sur les bancs de la Cour d'Assises.

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Les mœurs diffèrent dans quelques fermes et dans les villages du Nord, surtout au vieux Bongarand; la civilisation n'a pas pénétré jusque-là on voit encore les habitants, images de la génération passée, revêtus de l'habit antique, chaussant de gros sabots ferrés, portant la culotte courte et les guêtres et coiffés du chapeau à trois cornes (1). Les femmes conservent encore le long corsage, l'ample jupe de serge, la coiffe courte et étroite, et les sabots qui couvrent tout le pied. Tout en eux rappelle les vieux usages: nonchalance en la démarche, routine en agriculture, langage du temps de Rabelais, croyance aux lutins, aux sorciers, aux sortiléges, et soumission sans bornes aux influences du presbytère. Aussi, règne-t-il en général, hors le chef-licu, une ignorance assez profonde. La vingtième partie sait à peine lire et signer. Les meubles

(1) On abandonne le vieux costume et le vieux langage devient plus rare (1842).

qui garnissent les chaumières et les hameaux rappellent, par leur forme, les habitudes des XV. et XVI. siècles.

Pour nourriture; ils font usage du laitage, de la bouillie de sarrasin, de légumes et d'un pain mêlé de froment et de seigle, et souvent de l'eau pour boisson.

Les cérémonies civiles et religieuses concernant la naissance, le mariage et le décès, commencent dans la salle de la Mairie, continuent à l'église, et se terminent au cabaret. Une noce, terme usité, dévient l'époque la plus remarquable dans la vie d'un individu. Les jeunes époux s'empressent de réunir les parents, les voisins et les amis; on prépare un festin, on chante, on danse: chez les pauvres, c'est la vèze (1) qui conduit les danseurs, et le violon chez les riches. Avant de terminer le banquet, les mariés font une quête au profit du nouveau ménage.

On compte plusieurs espèces de cultures: les grandes fermes, les moyennes fermés et les tenues. Les grandes fermes contiennent de 20 à 30 hectares, possédant un matériel de deux bœufs, quatre vaches, un cheval, deux ou trois élèves et une truie; et, pour travailleurs, le père, la mère, quatre enfants, un valet, une servante. Dans les moyennes fermes, de 10 à 15 hectares, les père et mère, aidés de leurs enfants, cultivent avec des vaches et un cheval. Dans les tenues des manouvriers,

(1) Cet instrument est fort ancien; il porte le nom de bigniou en Bretagne, et de pibole en Poitou; ailleurs, on le connaît sous celui de cornemuse, loure et musette, et en Italie, de zampogue.

on laboure avec des chevaux ou à la bêche. Chez ces derniers, le labour est profond, bien exécuté avec une fumure abondante; la récolte rend un double produit.

Le systême de culture, sous plusieurs rapports, demeure encore défectueux : le labour ne pénètre qu'à 16 à 18 centimètres de profondeur, et l'engrais, manquant souvent d'énergie, n'est pas enfoui en quantité suffisante (1). On continue encore les jachères (2); cetle erreur fait perdre chaque année la moitié des profits. Cependant, quelques fermiers, plus aisés et plus intelligents, ont commencé une rotation nouvelle, un assolement de trois ou quatre ans, où ils font entrer le froment, le sarrasin, le millet, la pomme de terre, lés choux, les navets, rutabagas, trèfle, etc. Les bénéfices retirés de cette innovation deviendront un exemple qui engagera les autres à abandonner la routine (3) de la jachère.

L'hectare peut rendre communément :

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(1) Le cultivateur tire de la ville des fumiers de bonne qualité, et surtout du noir de raffinerie pour les semailles du printemps; le labour devient plus profond (1842).

(2) On commence eufin à abandonner le systême des jachères (1842) grâce à la propagation du livre si utile des Veillées Villageoises, par M. Neveu-Derotrie, membre de la Société Académique et inspecteur d'agriculture du département de la Loire-Inférieure.

(3) Celte rotation, convenable au sol, est généralement adoptée (1842).

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On compte, pour fumer un hectare, de 30 à 36. voitures d'engrais; chaque voiture pèse 850 kilogrammes, et peut valoir de 6 à 7 francs; le prix de loyer du terrain, 40 francs.

La vigne occupait jadis une certaine quantité de terrains. Sa culture, aujourd'hui réduite à 5 à 6 hectares n'existe que sur trois ou quatre fermes. Le vignoble des Croix passe pour donner un vin léger et d'une saveur très-agréable. La vigne offre des bénéfices en ce canton; le vin y est rare et vendu, prix moyen, 12 francs l'hectolitre. Sautron peut récolter de 100 à 120 hectolitres; l'hectare pouvant produire 20 hectolitres.

Le cidre est assez abondant et d'une bonne qualité. Le cidre de pommes et de cormes, à défaut de vin, est servi sur la table du riche fermier. Dans la chaumière du manouvrier et de l'indigent, ou ne fait usage que du cidre de poires et des baies de prunelier.

Le Cens sépare et traverse la commune en deux parties à-peu-près égales. Cette petite rivière coule maintenant resserrée dans un lit de trois mètres de largeur sur un mètre de profondeur; elle est poissonneuse; on y pêche l'anguille, le brochet, la carpe, le gardon, la perche et la vandoise. Quatre ponceaux en pierres, et quatre passerelles en bois, établissent les communications d'une rive à l'autre. Dans son cours, elle arrose des vallons embellis par des touffes d'aunes, des grou

pes de saules blancs, et des rideaux de peupliers d'Italie; et ces vallons, à l'aspect romantique, ne le cèdent point en beauté aux jolis vallóns d'Orvault. L'hiver, quand les eaux débordent, elles déposent un limon gras, onctueux (1) qui vient ajouter à la fertilité du sol. Cet engrais produirait une double récolte si le fermier renonçait au pacage d'avril et de mai, cette routine de ses pères. Le foin pousse abondamment, mais d'une qualité médiocre; la récolte monte, à 3000 kilogrammes par hectare.

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Les prés champêtres, moins considérables par l'étendue que les prés des vallons, donnent du foin d'une qualité meilleure, étant mêlé de plantes aromatiques qui croissent sur les lieux élevés; aussi ce foin est-il recherché du gros et du menu, bétail. La récolte varie de 3000 à 4000 kilogrammes, si les irrigations sont bien préparécs (2). Le prix du fermage par heetare peut s'élever au-dessus de 100 fr. Les pacages de Sautron possèdent, à juste titre, la renommée de donner des beurres et des laitages d'une qualité supérieure.

Les récoltes de foin ne sont pas en rapport avec la consommation du bétail: le cultivateur, pour y sup

(1) Limonage connu en Écosse sous la dénomination de Warp, (Agriculture Pratique et Raisonnée, par sir John Sinclair).

(2) A la Thomasière, sur deux fermes remarquables par des irrigations nombreuses, établies d'après un systême bien entendu, et surtout par une culture très-soiguée sous la direction de MM. Pierre Paquer, Jean Robert et Guillaume Mabilais; ce dernier nommé maire de la commune en 1841.

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