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RAPPORT

SUR

LE VOYAGE DANS LA GATINE,

ABRONDISSEMENT DE PARTHENAY,

DÉPARTEMENT DES DEUX-SEVRES,

POUR ACHAT DE TAUREAUX ÉTALONS.

DESTINÉS A LA LOIRE-INFÉRIÉURE.

MESSIEURS,

En yous rendant compte de l'achat des taureaux que j'ai été chargé de faire dans le département des DeuxSèvres, par suite de l'avis que vous avez transmis à M. le Préfet de la Loire-Inférieure, permettez-moi d'entrer dans quelques détails sur les démarches qui ont

précédé mon départ, et sur l'aspect du pays où l'on élève la race si justement estimée des bestiaux de Parthenay.

La description faite par M. Pâquer donnait une idée suffisante de la beauté des formes de la belle race du comté nantais, dont le type est conservé dans le canton de Parthenay. Cependant, il m'a paru nécessaire de prendre quelques autres informations relatives à l'origine de cette race et aux avantages qu'elle peut offrir. M'étant adressé à M. le sous-préfet de cet arrondissement, j'en ai reçu les réponses suivantes à mes questions.

«La race, dont il s'agit est bien originaire du pays; » il ne s'est pas opéré de croisement qui ait pu la dé»> naturer ou l'améliorer. On a essayé, dans un temps, » de vaches suisses; mais leurs produits sont restés » isolés et n'ont laissé aucun résultat caractéristique.

» Les produits, les ressources dès fermiers, consis» tent, pour les trois quarts au moins, dans l'éduca» tion de la race bovine ; c'est avec les bénéfices qu'ils » font sur les bestiaux qu'ils paient le prix de leurs » fermes, et ils en élèvent un très-grand nombre, tous » nés dans la Gatine.

» La qualité prédominante des bestiaux du pays est: » d'être durs au travail, d'avoir le pied bon et de ré» sister à toutes les intempéries; leur éducation amène » nécessairement ce résultat : ils couchent dehors été » comme hiver, à l'exception des temps de neige; aussi » engraissent-ils très-promptement, quand ils sont tenus » à un régime plus convenable et plus pourrissant.

» Les vaches de la Gatine, considérées sous le point » de vue de la production du lait, n'offrent pas de su

» périorité remarquable et doivent être classées dans la » catégorie générale.

» Les taureaux sont, en général bons et vigoureux, >> parce qu'on leur donne des soins particuliers pour >> les tenir en bon état de monte. Les vaches se fécon»dent aussi très-facilement. Du reste, les animaux de » la race bovine de la Gatine sont d'un caractère très» doux qui les rend faciles à diriger. »

Sur ces indications satisfaisantes, je ne devais pas balancer, et, le 22 novembre, je me suis rendu à Parthenay. Pour connaître les éleveurs, j'avais besoin d'un guide, et j'aurais peut-être été embarrassé, si M. le souspréfet ne s'était empressé de me faire accompagner par le vétérinaire de l'arrondissement, homme intelligent ct instruit, qui m'a été d'un grand secours, et siTM M. Failli, président du Comice agricole, n'avait en l'obli geance de me donner les noms des éleveurs qui ont concouru tout récemment pour les primes décernées par le Comice. Ainsi muni des documents les plus utiles, et assisté du vétérinaire, j'ai commencé à parcourir la Gatine en visitant les étables. J'ai traversé, à cet effet, les communes de Parthenay, du Tallus, de Vouhé, de Vantebis et plusieurs autres: quel spectacle agréable que celui de ces grandes et belles formes dont le personnel nombreux, dont les habitants à la taille haute, à l'air dégagé, an costume élégant quoique simple et d'une extrême propreté, annoncent une aisance que l'on rencontre dans un très-petit nombre de nos métairies. Sobres, laborieux et affables, les cultivateurs de la Gatine sont fiers, à juste titre, de montrer aux étrangers' leurs magnifiques

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bestiaux. De vastes corps de logis, disposés autour des cours, leur servent d'abri. On y rencontre des couples de bœufs parfaitement appareillés et placés par rang d'âge. Ici sont les jeunes veaux, au milieu desquels s'élève le taureau qui doit servir d'étalon à la saison prochaine et devenir le roi du troupeau; là, sont les génisses et les vaches; ailleurs, on trouve les juments poulinières, les mules, les moutons. J'ai compté, dans une seule exploitation de cette nature, vingt-deux couples de bœufs, seize vaches ou génisses et un grand nombre de veaux. Nous n'avons rien de semblable dans notre département, même dans les gras pâturages de la Loire ; et, cependant, notre sol n'est ni moins riche ni moins fécond que celui de la Gatine: je dirai même que notre culture est; en général, bieu supérieure, à l'exception toutefois dés prairies naturelles, dont l'entretien est beaucoup mieux entendu. Il n'y a pas un chemin, pas un ravin qui ne soit garni de nombreux canaux d'irrigation, conduisant les eaux chargées de détritus animaux et végétaux sur les prairies. La nature extrêmement accidentée du terrain favorise ces dispositions. La Gatine est coupée d'un grand nombré de ruisseaux qui, descendant des collines en cascades gracieuses et bruyantes, donnent à ce pays un aspect pittoresque, une physionomie animée que n'ont point les pays de plaines. Sur les roches quartzeuses qui forment la base de la majeure partie des coteaux, s'élèvent des arbres d'une végétation vigoureuse qui entourent les pièces de terre labourables, dont les clôtures bien fermées sont, pour la plupart, en bois mort disposé en palissades sur le haut des

fossés. La culture des champs se fait en petits sillons, et les ensemencements de seigle sont beaucoup plus abondants que ecux de froment. Les jachères mortes y existent en grand nombre et se couvrent de genét; on remarque çà et là quelques prairies artificielles en trèfle, quelques champs de pommes de terre, peu de‹ betteraves et de navels, et à peine quelques carrés de choux.

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Ce n'est donc pas à la culture améliorée que l'on doit l'existence des beaux bestiaux de la Gatine, mais à l'espèce même et aux soins donnés à l'entretien des prairies naturelles, aux irrigations faites avec discernęment. Que serait-ce, si ce canton était entré dans la voie de progrès dans laquelle nous marchons à grands pas depuis quelques années? Cette circonstance doit être un haut enseignement pour nous: nous possédons comme la Gatine d'excellentes prairies, de riches pâturages qui n'ont besoin que de quelques travaux peu dispendieux pour arriver au même degré de fertilité; nous avons, de plus, une culture améliorée qui donne à notre systême alimentaire une grande supériorité. Il ne nous manque qu'une race propre à augmenter nos produits : cette race est celle de la Gatine que nous allons importer et dont l'éducation et la multiplication doivent être pour nós cultivateurs un grave sujet d'émulation, en même temps qu'une source de richesse (1).

(1) C'est dans la Gatino que M. Boiscourbeau, l'un des principaux éleveurs de notre département, s'approvisionue de ces beaux bestiaux dont les produits remportent chaque année les prix à diffé

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