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Par jugement du 5 fructidor (22 août 1794), appert:

1. Jean-Baptiste Mitre Gouard, âgé de 29 ans, natif d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, volontaire au premier bataillon des Phocéens, demeurant à Marseille;

2. Et François Deschamps, âgé de 29 ans, natif de Crévis, département de l'Aube, agent de la commission du commerce et aide de camp de Hanriot, demeurant à Paris, rue des Petits-Augustins, no 15;

Avoir été condamnés et exécutés sur la place publique de la Grève et de la Révolution (sic). Procès-verbal d'exécution dressé par Auvray. Pour extrait conforme, DUCRAY, commis greffier.

Par jugement du 6 fructidor l'an II (23 août 1794), appert : Pierre-André Coffinhal (n'a dit son âge ni le lieu de sa naissance), ex-président du tribunal révolutionnaire et membre de la Commune de Paris, y demeurant rue Regratière, section de la Fraternité;

Mis hors la loi par décret des 9 et 18 thermidor, a été livré à l'exécuteur des jugements criminels par ordonnance du tribunal en date dudit jour 18 thermidor, et exécuté le même jour sur la place de la Révolution, à six heures quinze minutes du soir, en présence de Heurtin, huissier du tribunal, qui en a dressé procès-verbal.

Par jugement du tribunal révolutionnaire du 15 fructidor an II (1er septembre 1794), appert:

Julien-Joseph Lemonnier, âgé de 38 ans, né à Paris, y demeurant rue de la Mortellerie, section de la Maison Commune, membre du comité civil et capitaine de la garde nationale; Avoir été condamné, etc. Procès-verbal d'exécution dressé par Leclerc.

Pour extrait conforme, NOIROT, commis greffier.

Julien-Joseph Lemonnier, si j'en crois les registres de l'Hôtel de ville, fut la dernière victime immolée sur la place de la Révolution, et, partant, probablement la dernière dont les restes furent inhumés dans l'enclos du Christ.

Les condamnés qui vinrent après, et dont le nombre

diminua insensiblement, furent tous guillotinés en place de Grève. Leurs dépouilles furent vraisemblablement inhumées pour la plupart dans les cimetières de SainteMarguerite ou de Clamart. Quelques morts privilégiés furent seulement portés dans l'enclos funèbre de Picpus.

DE

MADAME ÉLISABETH.

Nous avons, dans la première édition de ce livre, fait suivre la Vie de Madame Élisabeth d'un certain nombre de ses lettres, désireux de faire connaître la princesse dans les situations diverses de fortune, d'esprit et de cœur. Je pensais alors que ces pages émanant d'elle offraient un portrait fidèle du naturel de Madame Élisabeth, et, partant, les meilleures pièces justificatives de cet ouvrage. En effet, au début de sa correspondance, et l'on peut dire au sortir de l'adolescence, nous trouvons, dans ses premières lettres, la vivacité d'un esprit pénétrant, et l'indépendance d'un caractère inclinant à l'espiéglerie. Nous assistons ensuite au progrès de sa raison : nous voyons se lever dans cette belle âme les qualités, les vertus, les nobles aspirations, et nous nous étonnons de cette sagesse précoce qui fit de Madame Élisabeth la plus utile et la meilleure des amies, aussi bien que la plus dévouée et la plus courageuse des sœurs.

Quelle élévation de jugement, quelle droiture de raison, quelle ouverture de cœur, dans cette jeune fille royale, toujours occupée des intérêts, de la sécurité, du bonheur de ses amies, avant de songer jamais à ses propres convenances, au bonheur qu'elle aurait à les voir auprès d'elle! Elle les aimait mieux éloignées et tranquilles qu'en France exposées et menacées. De quelle affection frater

nelle elle environne madame de Bombelles et madame de Raigecourt! Ses lettres à madame la marquise des Monstiers, un peu plus jeune que ses deux autres amies, et dont elle appréciait l'esprit charmant, l'heureux naturel, en appréhendant un peu les saillies de son imagination, ont un autre caractère. La tendresse est la même, mais elle prend un accent presque maternel pour conseiller, avertir, diriger « son démon » (comme elle appelle cette jeune et aimable femme) dans les situations difficiles où elle se trouve. Ce que Madame Élisabeth aime par-dessus tout dans ses amies, c'est leur âme. Leur dignité et leur honneur dans ce monde, leur salut dans l'autre, l'occupent bien autrement que leur félicité passagère, quoiqu'elle fasse tout pour y contribuer. Elle a pour elles une amitié vraiment chrétienne, et l'on voit qu'elle veut continuer éternellement dans le ciel les affections commencées ici-bas. Ces lettres à madame la marquise des Monstiers sont complétement inédites. J'en dois la communication à l'obligeance de M. le comte Stanislas des Monstiers, heureux, ainsi que sa famille, de contribuer à tout ce qui peut servir à mettre en relief la gloire de Madame Élisabeth.

Ses lettres à madame Marie de Causans, qui se destinait à la vie religieuse, ont un autre caractère. Elles sont pleines d'une haute spiritualité, tempérée par cette prudence et ce bon sens qui forment comme le fond de la nature de Madame Élisabeth. Personne ne parle mieux de la soumission à la volonté de Dieu et de la résignation que cette princesse, qui devait pousser cette vertu jusqu'à l'héroïsme. En même temps elle prémunit la fille de sa vénérable amie, madame de Causans, contre les entraînements de l'imagination qui font quelquefois em

brasser la vie religieuse à des personnes qui n'ont pas les dons nécessaires pour s'y sanctifier, et prennent pour une vocation réelle et durable un dégoût passager du monde ou un chagrin que le temps emportera avec tout le reste. Madame Élisabeth, si sévère pour elle-même, condamne le scrupule. Sa religion est sincère, profonde, pleine d'onction, mais éclairée, et elle s'étonne quand l'abbé de Lubersac lui donne des détails sur les superstitions que la population italienne mêle au catholicisme.

Je ne crois pas que dans toute cette correspondance il y ait des lettres plus remarquables que celles qui sont adressées à cet abbé de Lubersac, aumônier de Madame Victoire, qui avait émigré à Rome avec Mesdames de France, et qui, rentré à Paris dans le mois d'août 1792, périt dans les massacres de septembre. L'abbé de Lubersac traînait à l'étranger un noir chagrin ;

étaient-ce

les malheurs qu'il laissait derrière lui, étaient-ce ceux qu'il entrevoyait dans les ombres de l'avenir, qui plongeaient son esprit dans cette morne tristesse? Madame Élisabeth, dont l'âme était plus fortement trempée, le soutenait par des conseils qui prenaient insensiblement la forme d'exhortations. Les rôles s'étaient peu à peu intervertis sans que les deux correspondants s'en aperçussent. La princesse soutenait le prêtre et l'aidait à porter sa croix, faisant ainsi l'apprentissage du rôle sublime qu'elle remplit plus tard auprès des compagnons de son funèbre itinéraire de la Conciergerie à l'échafaud.

Dans cette correspondance, qui remonte jusqu'à l'ancien régime, et à une époque (1788) où la révolution, comme l'a dit Chateaubriand, ne frappait pas encore à l'huis de l'histoire, et qui ne se ferme que le 10 août 1792, journée néfaste après laquelle la famille royale

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