LE CHOU ET LE NAVET. LE CHOU, A M. L'ABBÉ D... LORSQUE LOU ORSQUE fous tes emprunts mafquant ton indigence, De tous les Ecrivains tu cherchois l'alliance, D'où vient que ton efprit & ton cœur en défaut Il auroit pu fournir à ta veine épuisée Des vrais trésors de l'homme une peinture aisée : "Avant que de Paris la gourmande cohue Vois tous les Choux d'Auvergne élevés contre toi! Réponds donc maintenant aux cris des Chicorées, (1) Virgile, par le peu de mots qu'il adreffe aux Jardins, a tendu un piége où M. l'Abbé D***, le P. Rapin, & quelques autres moins connus n'ont pas manqué de donner. Ils n'ont pas vu que ce grand homme ne fe plaint, vers la fin de fa carrière, de n'avoir pu chanter les Jardins, que pour donner plus de charme au morceau qu'il leur eonfacre, en y attachant un regret. Cet excellent efprit voyoit bien que s'il étendoit trop le fujet, il le feroit rentrer dans les Géorgiques, c'est-à-dire dans le grand tableau des champs, & que réduit à fes juftes bornes, il ne pouvoit fournir qu'un épilod Ou crains de voir bientôt, pour venger notre affront Les Chardons aux Pavots s'enlacer fur ton front. LE NAVET, AU CHOU. J'AI fenti, comme toi, notre commune injure; Mais ne crois pas, ami, que par un vain murmure, Des Oignons irrités j'imite le courroux: Le Ciel fit les Navets d'un naturel plus doux. Je permets qu'aux boudoirs, fur les genoux des belles, (1) On fait qu'à Memphis & dans toute l'Egypte, on rendoit les honneurs divins aux légumes. 1 De vingt noms roturiers déshonorer fes rimes, Dont le manteau pliffé voltige au gré d'Eole, LE CHO U. QU'IMPORTENT des fuccès par la brigue furpris? / (1) M. l'Abbé D*** a été loué fur le théatre des Variétés. LE NAVET. SI la fortune un jour, pour venger notre affront Et donner du relâche aux oreilles publiques, Force à planter des Choux fes mains académiques Alors, comme un vrai sage à son jardin réduit, Qu'il vienne de l'Auvergne être le Bel-Esprit ( 1 ); Qu'il vienne, reprenant les mœurs de fon enfance, De fon cœur & du mien fentir la différence: Je veux lui rendre alors mes bienfaits, mes fecours; Et de ce grand débris ( 2 ) consoler les vieux jours. (1) Inter Sauromatas ingeniofus ero. (2) C'est ainsi que M. l'Abbé D... appelle Marius affis fur les ruines de Carthage. I! eft le premier qui ait ofé dire un débris, deux débris, trois débris, &c. Peu de gens lui ont su gré de cette hardieffe. Le but moral de cette bagatelle eft de détourner les jeunes gens des lectures de fociété; elles éventent le génie, déflorenr un ouvrage, & donnent à l'Auteur une réputation exagérée dont on ne croit jamais affez rabattre lorfqu'il fe montre au grand jour. Il faut fe choifir des critiques éclairés, & non des flatteurs ignorans; car la voix des premiers entraînera toujours le jugement des autres, tandis que les applaudiffemens des fots irritent les gens de goût & ne font que les rendre plus inexorables. Quoiqu'il ne foir plus queftion du Poëme des Jardins, c'eft toujours fon Auteur qui eft le fujet de la leçon, comme il le fut dans la lettre du Préfident de .... elle en devient plus frappanre; car fi on traite ainfi le bois verd, comment fera traité le bois mort? |