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ordinaire des champs, tel qu'un fage, avec des goûts fimples, voudroit l'orner, le cultiver luimême; tel que l'aimable poète qui le décrit, eût aimé à l'embellir. Il n'a pas prétendu parler des fameux jardins que le luxe des vainqueurs du monde, des Lucullus, des Craffus, des Pompées & des Céfars, avoit remplis des richesses de l'Asie & des dépouilles de l'univers.

(Page 12, vers 19, )

Du fimple Alcinous le luxe encor ruftique
Décoroit un verger.

C'eft un monument précieux de l'antiquité & de l'hiftoire des jardins, que la defcription que fait Homère de celui d'Alcinoüs. On voit qu'elle tient de près à la naiffance de l'art; que tout fon luxe confifte dans l'ordre & la fymmétrie, dans la richeffe du fol & dans la fertilité des arbres, dans les deux fontaines dont il eft orné: & tous ceux qui voudroient un jardin pour en jouir; & non pour le montrer, n'en demanderoient pas d'autre.

(Page 12, vers 20.)

D'un art plus magnifique

Babylone éleva des jardins dans les airs.

Ces jardins fufpendus existoient encore en partie feize fiècles après leur création, & firent l'étonne◄ mens d'Alexandre, à fon entrée dans Babylone.

(Ibid. vers 21. )

Quand Rome au monde entier eut envoyé des fers, Les vainqueurs, dans des parcs ornés par la victoire Alloient calmer leur foudre & repofer leur gloire,

Il existe un monument très-précieux du goût & de la forme des jardins Romains, dans une lettre de Pline le Jeune, & je crois faire plaisir au lecteur en la rapportant ici. On verra qu'on y connoiffoit déja l'art de tailler les arbres, & de leur donner diffé rentes figures de vases ou d'animaux ; que l'architecture & le luxe des édifices étoient un des principaux ornemens de leur parcs; mais que tous avoient un objet d'utilité : ce qu'on a trop oublié dans les jardins modernes.

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» La maison, quoique bâtie au bas de la colline » a la même vue que fi elle étoit placée au fommer. Cette colline s'élève par une pente fi douce, que l'on s'apperçoit que l'on eft monté, fans avoi fenti que l'on montoit. Derriere la maison eft l'Appennin, mais affez éloigné. Dans les jours les » plus calmes & les plus fereins, elle en reçoit des » haleines de vent, qui n'ont plus rien de violent » & d'impétueux, pour avoir perdu toute leur force »en chemin. Son expofition eft prefqu'entièrement. nau midi, & femble inviter le faleil, en été vers » le milieu du jour, en hiver un peu plutôt, à venir dans une galerie fort large, & longue à proportion.

La maifon eft compofée de plufieurs pavillons. » L'entrée est à la manière des anciens. Au-devant » de la galerie on voit un parterre, dont les diffé» rentes figures font tracées avec du buis. Ensuite eft » un lit de gazon peu élevé, & autour duquel le buis » représente plufieurs animaux qui fe regardent. Plus

bas, eft une pièce couverte d'acanthes, fi doux & >> fi tendres fous les pieds, qu'on ne les fent prefque » pas. Cette pièce eft enfermée dans une promenade > environnée d'arbres, qui, pressés les uns contre > les autres, & diversement taillés, forment une » paliffade. Auprès est une allée tournante en forme

de cirque, au-dedans de laquelle on trouve du buis » taillé de différentes façons, & des arbres que l'on » a soin de tenir bas. Tout cela eft fermé de murailles » sèches, qu'un buis étagé couvre & cache à la vue, » De l'autre côté, eft une prairie qui ne plaît guères

moins par fes beautés naturelles, que toutes les » choses dont je viens de parler, par les beautés

qu'elles empruntent de l'art. Enfuite font des pièces » brutes, des prairies & des arbriffeaux. Au bout » de la galerie est une falle à manger, dont la porte » donne sur l'extrêmité du parterre, & les fenêtres » fur les prairies & fur une grande partie des pièces » brutes. Par ces fenêtres, on voit de côté le par>> terre, & ce qui de la maison même s'avance en » faillie, avec le haut des arbres du manège. De » l'un des côtés de la galerie & vers le milieu,onentre

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dans un appartement qui environne une petite coup » ombragée de quatre planes, au milieu desquels eft un baffin de marbre, d'où l'eau qui fe dérobe >> entretient, par un doux épanchement, la fraî cheur des planes & des plantes qui font au-deffous. » Dans cet appartement, eft une chambre à coucher. La voix, le bruit, ni le jour n'y pénètrent point: elle eft accompagnée d'une falle où l'on mange » d'ordinaire, & quand on veut être en particulier avec les amis. Une autre galerie donne fur cette > petite cour &a toutes les mêmes vues que la galerie » que je viens de décrire. Il y a encor une chambre, qui, pour être proche de l'un des planes,jouit toujours de la verdure & de l'ombre. Elle eft revêtue de marbre tout autour à hauteur d'appui;& au défaut » du marbre,eft une peinture quireprésente des feuillages & des oifeaux fur des branches, mais si déli >> catement, qu'elle ne cède point à la beauté du » marbre même. Au-deffous eft une petite fontaine » qui tombe dans un baffin, d'où l'eau, en s'écoulant >> par plufieurs petits tuyaux, forme un agréable > murmure. D'un coin de la galerie, on paffe dans » une grande chambre, qui eft vis-à-vis la falle à » manger: elle a fes fenêtres d'un côté sur le par» terre, de l'autre fur la prairie; & immédiatement > au-deffous de ces fenêtres, eft une pièce d'eau qui » réjouit également les yeux & les oreilles: car l'eau, en y tombant de haut dans un grand baffin de marbre, paroît toute écumante, & forme je ne fais

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quel bruit qui fait plaifir. Cette chambre eft fort chaude en hiver, parce que le foleil y donne de

toutes parts. Tout auprès eft un poële, qui fupplée à la chaleur du foleil, quand les nuages le > cachert. De l'autre côté eft une falle où l'on fe » deshabille pour prendre le bain. Elle eft grande & n fort gaie. Près de là, on trouve la falle du bain » d'eau froide, où eft une baignoire très-fpacieuse » & affez fombre. Si vous voulez vous baigner plus au large & plus chaudement, il y a dans la cour » un bain, & tout auprès un puits, d'où l'on peut avoir de l'eau froide quand la chaleur incommode. A côté de la falle du bain froid, eft celle du bain » tiède, que le foleil échauffe beaucoup, mais moins » que celle du bain chaud, parceque celle-ci fort en » faillie, On defcend dans cette dernière falle par » trois efcaliers, dont deux font exposés au grand » foleil; le troisième en eft plus éloigné, & n'est » pourtant pas plus obfcur. Au-deffus de la chambre » où l'on quitte fes habits pour le bain, eft un jeu » de paume, où l'on peut prendre différentes fortes » d'exercices, & qui pour cela eft partagé en plu

fieurs réduits. Non loin du bain, eft un escalier » qui conduit dans une galerie fermée, & auparavant » dans trois appartemens, dont l'un voit fur la petite cour ombragée de planes, l'autre fur la

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prairie, le troifième fur des vignes; enforte » que fon expofition eft auffi différente que fes vues. » A l'extrêmité de la galerie fermée,eft une chambre

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