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Cet afyle enhardit le jasmin d'Ibérie,
La pervenche frileuse oublier fa patrie,
Et le jaune ananas par ces chaleurs trompé
Vous livrer de fon fruit le tréfor usurpé.
Motivez donc toujours vos divers édifices,
Des animaux, des fleurs agréables hospices.
Combien d'autres encore, adoptés par les lieux,
Approuvés par le goût, peuvent charmer nos yeux ?
Sous ces faules que baigne une onde falutaire,
Je placerois du bain l'afyle folitaire.

Plus loin, une cabane où règne la fraîcheur
Offriroit les filets & la ligne au pêcheur.
Vous voyez de ce bois la douce folitude;
J'y confacre un afyle aux Muses, à l'étude.
Dans ce majestueux & long enfoncement
J'ordonne un obélifque, augufte monument.
Il s'élove, & j'écris fur la pierre attendrie :
A nos braves Marins, mourans pour la Patrie.
Ainfi vos bâtimens, vos afyles divers

Ne feront point oififs, ne feront point déferts
Au fite affortiffez leur figure, leur maffe.
Que chacun avec goût établi dans fa place,
Jamais trop refferré, jamais trop étendu,
N'éclipfe point la fcène, & n'y foit point perdu.
Sachez ce qui convient ou nuit au caractere.
Un réduit écarté dans un lieu folitaire

Peint mieux la folitude encor & l'abandon.
Montrez-vous donc fidèle à chaque expreffion.

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N'allez pas au grand jour offrir un hermitage.

Ne cachez point un temple au fond d'un bois sauvage; Un temple veut paroître au penchant d'un côteau. Son fite aérien répand dans le tableau

l'éclat, la majefté, le mouvement, lâ vie. Je crois voir un aspect de la belle Aufonie. Telle eft des bâtimens la grace & la beauté.

Mais de ces monumens la brillante gaieté,
Et leur luxe moderne, & leur fraîche jeuneffe,
Des antiques débris valent-ils la vieilleffe?
L'afpect défordonné de ces grands corps épars,
Leur forme pittorefque attache les regards.
Par eux le cours des ans eft marqué fur la terre.
Détruits par les volcans, ou l'orage ou la guerre,
Ils inftruisent toujours, confolent quelquefois.

Ces maffes qui du tems fentent auffi le poids,
Enseignent à céder à ce commun ravage,

A pardonner au forr. Telle jadis Carthage
Vit fur fes murs détruits Marius malheureux,
Et ces deux grands débris fe confoloient entr'eux.
Liez donc à vos plants ces vénérables reftes.
Et toi, qui m'égarant dans ces fites agreftes,
Bien loin des lieux frayés, des vulgaires chemins,
Par des fentiers nouveaux guides l'art des jardins,
O fœur de la Peinture, aimable Poésie,
A ces vieux monumens viens redonner la vie:
Viens préfenter au goût ces riches accidens,
Que de fes lentes mains a deffinés le temps.

Tantôt, c'eft une antique & modefte chapelle,
Saint afyle, où jadis dans la faifon nouvelle,
Vierges, femmes, enfans, fur un ruftique autel
Venoient pour les moiffons implorer l'Éternel.
Un long refpect confacre encore ces ruines.
Tantôt, c'eft un vieux fort, qui du haut des collines,
Tyran de la contrée, effroi de fes vaffaux,

Portoit jufques au ciel l'orgueil de fes crenaux ;
Qui, dans ces temps affreux de difcorde & d'alarmes,
Vit les grands coups de lance & les nobles faits d'armes
De nos preux Chevaliers, des Baïards, des Henris ;
Aujourd'hui la moiffon flotte fur fes débris,

Ces débris, cette mâle & trifte architecture,
Qu'environne une fraîche & riante verdure,
Ces angles, ces glacis, ces vieux reftes de tours,
Où l'oiseau couve en paix le fruit de fes amours,
Et ces troupeaux peuplant ces enceintes guerrières,
Et l'enfant qui fe joue où combattoient fes pères,
Saififfez ce contraste, &.déployez aux yeux
Ce tableau doux & fier, champêtre & belliqueux.
Plus loin, une abbaye antique, abandonnée,
Tout-à-coup s'offre aux yeux de bois environnée.
Quel filence ! C'eft là qu'amante du désert
La méditation avec plaifir fe perd

Sous ces portiques faints, où des vierges auftères,
Jadis, comme ces feux, ces lampes folitaires
Dont les mornes clartés veillent dans le faint lieu,

Pâles, veilloient, brûloient, fe confumoient pour Dieu.

Le faint recueillement, la paifible innocence
Semble encor de ces lieux habiter le filence.
La mouffe de ces murs, ce dôme, cette tour,
Les arcs de ce long cloître impénétrable au jour,
Les degrés de l'autel ufés par la prière,

Ces noirs vitraux, ce fombre & profond fanctuaire Où peut-être des coeurs en fecret malheureux

Et

A l'inflexible autel fe plaignoient de leurs noeuds, des fouvenirs encor trop pleins de charmes, A la religion déroboient quelques larmes ;

pour

Tout parle, tout émeut dans ce séjour sacré.

Là, dans la folitude en rêvant égaré,

Quelquefois vous croirez, au déclin d'un jour fombre,
D'une Héloïfe en pleurs entendre gémir l'ombre.
Mettez donc à profit ces reftes précieux,
Auguftes ou touchans, profanes ou pieux.

Mais loin ces monumens dont la ruine feinte
Imite mal du temps l'inimitable empreinte,
Tous ces temples anciens récemment contrefaits,
Ces reftes d'un château qui n'exifta jamais,
Ces vieux ponts nés d'hier, & cette tour gothique,
Ayant l'air délabré fans avoir l'air antique,
Artifice à la fois impuiffant & groffier.

Je crois voir cet enfant triftement grimacier,
Qui jouant la vieilleffe & ridant fon vifage,
Perd, fans paroître vieux, les graces du jeune âge.
Mais un débris réel intére fe mes yeux.

Jadis contemporain de nos fimples aïeux,

J'aime à l'interroger, je me plais à le croire.

Des peuples & des temps il me redit l'hiftoire.
Plus ces temps font fameux, plus ces peuples fontgrands,
Et plus j'admirerai ces reftes impofans.

O champs de l'Italie! ô campagne de Rome,

Où dans tout fon orgueil gît le néant de l'homme!
C'est là que des débris fameux par de grands noms,
Pleins de grands fouvenirs & de hautes leçons,
Vous offrent ces afpects, trésors des paysages.
Voyez de toutes parts comment le cours des âges
Difperfant, déchirant de précieux lambeaux,
Jettant temple fur temple, & tombeaux fur tombeaux,
De Rome étale au loin la ruine immortelle ;
Ces portiques, ces arcs, où la pierre fidelle
Garde du peuple-roi les exploits éclatans;
Leur maffe indeftructible a fatigué le temps.
Des fleuves fufpendus ici mugiffoit l'onde;
Sous ces portes paffoient les dépouilles du monde ;
Par-tout confufément dans la pouffière épars,
Les thermes, les palais, les tombeaux des Céfars,
Tandis que de Virgile, & d'Ovide, & d'Horace,
La douce illufion nous montre encor la trace.
Heureux, cent fois heureux l'artiste des jardins,
Dont l'art peut s'emparer de ces reftes divins!
Déjà la main du temps fourdement le feconde ;
Déjà fur les grandeurs de ces maîtres du monde
La nature fe plaît à reprendre fes droits.

Au lieu même ou Pompée,heureux vainqueur des Rois
Étaloit,

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