On imagine encor de plus aimables lieux, Quand toujours guerroyant vos gothiques ancêtres Mais que fait aujourd'hui cette ennuyeuse enceinte Mais les jardins bornés m'importunent encor. La Nature au Génie a dit : « Écoute-moi. Tu vois tous ces tréfors; ces trésors sont à toi. Fouiller dans cette maffe où dorment cent beautés Il fait, au gré des yeux, réunir, détacher, Il s'empare d'un lac, s'enrichit d'une fource. Ces grands travaux peut-être épouvantent votre art. Que fi vous n'osez pas tenter cette carrière, Du moins, de vos enclos franchissant la barrière, Par de riches afpećts agrandiffez les lieux. D'un vallon, d'un côteau, d'un lointain gracieux, Ajoutez à vos parcs l'étrangère étendue ; Poffédez par les yeux, jouiffez par la vue. Sur-tout fachez faifir, enchaîner à vos plants Ces accidens heureux qui diftinguent les champs. Ici, c'est un hameau que des bois environnent; Là, de leurs longues tours les cités se couronnent; Et l'ardoise azurée, au loin frappant les yeux,' Court en fommet aigu se perdre dans les cieux. Oublierai-je ce fleuve, & fon cours, & fes rives? Votre œil de loin poursuit les voiles fugitives. Des îles quelquefois s'élèvent de son sein ; Quelquefois il s'enfuit fous l'arc d'un pont lointain. Et fi la vafte mer à vos yeux fe préfente, Montrez, mais variez cette scène impofante. Ici, qu'on l'entrevoie à travers des rameaux. Là, dans l'enfoncement de ces profonds berceaux, Comme au bout d'un long tube une voûte la montre. Au détour d'un bofquet ici l'œil la rencontre, La perd encore; enfin la vue en liberté Tout-à-coup la découvre en fon immenfité. Sur ces afpects divers fixez l'œil qui s'égare; Mais, il faut l'avouer, c'eft d'une main avare Que les hommes, les arts, la nature & le temps Sèment autour de nous de riches accidens. O plaines de la Grèce ! ô champs de l'Aufonie! Lieux toujours infpirans, toujours chers au génie ; Que de fois arrêté dans un bel horizon, Le peintre voit, s'enflamme, & faifit fon crayon, Deffine ces lointains, & ces mers, & ces îles, Ces ports, ces monts brûlans & devenus fertiles, Biv Des laves de ces monts encor tout menaçans, Sur des palais détruits d'autres palais naissans, Et, dans ce long tourment de la terre & de l'onde, Ces beaux lieux où Virgile a tant de fois chanté ; Vous, épris des beautés qu'étalent ces rivages, Des tréfors de la vue économe prudent, Que votre art les promette, & que l'œil les espère: Dans mes leçons encor je voudrois vous apprendre: L'art d'avertir les yeux, & l'art de les furprendre. Mais avant de dicter des préceptes nouveaux, Deux genres, dès long-temps ambitieux rivaux, Se difputent nos vœux. L'un à nos yeux préfente D'un deffin régulier l'ordonnance impofante, Prête aux champs des beautés qu'ils ne connoiffent pas, D'une pompe étrangère embellit leurs appas, Donne aux arbres des loix, aux ondes des entraves, Et, defpote orgueilleux, brille entouré d'esclaves. Son air eft moins riant & plus majestueux. L'autre, de la nature amant refpectueux, Ainfi que leurs beautés, tous les deux ont leurs loix. L'art peut donc fubjuguer la nature rebelle; Mais c'est toujours en grand qu'il doit triompher d'elle. Son éclat fait fes droits; c'eft un ufurpateur Qui doit obtenir grace, à force de grandeur. Loin donc ces froids jardins, colifichet champêtre, Infipides réduits, dont l'infipide maître |