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sacrer l'important résultat qui va devenir l'objet d'un de vos décrets les plus solennels.

Les institutions religieuses sont du petit nombre de celles qui ont l'influence la plus sensible et la plus continue sur l'existence morale d'un peuple. Ce serait trahir la confiance nationale que de négliger ces institutions. Toute la France réclame à grands cris l'exécution sérieuse des lois concernant la liberté des cultes.

Par les articles organiques des cultes on apaise tous les troubles, on termine toutes les incertitudes, on console le malheur, on comprime la malveillance, on rallie tous les cœurs, on subjugue les consciences même, en réconciliant, pour ainsi dire, la révolution avec le ciel.

La patrie n'est point un être abstrait. Dans un État aussi étendu que la France, dans un État où il existe tant de peuples divers sous des climats différents, la patrie ne serait pas plus sensible pour chaque individu que ne peut l'être le monde, si on ne nous attachait à elle par des objets capables de la rendre présente à notre esprit, à notre imagination, à nos sens, à nos affections. La patrie n'est quelque chose de réel qu'autant qu'elle se compose de toutes les institutions qui peuvent nous la rendre chère. Il faut que les citoyens l'aiment; mais pour cela, il faut qu'ils puissent croire en être aimés. Si la patrie protége la propriété, le citoyen lui sera atfaché comme à sa propriété même.

On sera forcé de convenir que, par la nature des choses, les institutions religieuses sont celles qui unissent, qui rapprochent davantage les hommes, celles qui nous sont le plus habituellement présentes dans toutes les situations de la vie, celles qui parlent le plus au cœur, celles qui nous consolent le plus efficacement de toutes les inégalités de la fortune, et qui seules peuvent nous rendre supportables les dangers et les injustices inséparables de l'état de société; enfin, celles qui, en offrant des douceurs aux malheureux et en laissant une issue au repentir du criminel, méritent le mieux d'être regardées comme les compagnes secourables de notre faiblesse.

Quel intérêt n'a donc pas la patrie à protéger la religion, puisque c'est surtout par la religion que tant d'hommes destinés à porter le poids du jour et de la chaleur peuvent s'attacher à la patrie !

Citoyens législateurs, tous les vrais amis de la liberté vous béniront de vous être élevés aux grandes maximes que l'expérience des siècles a consacrées, et qui ont constamment assuré le bonheur des nations et la véritable force des empires.

(:8 Germinal 1802, 8 avril.)

Au nom du peuple Français, Bonaparte, premier consul, proclame loi de la république le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 18 germinal an X, conformément à la proposition faite par le gouvernement du 15 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.

DÉCRET.

La convention passée à Paris, le 26 messidor an IX, entre le pape et le gouvernement français, et dont les ratifications ont été échangées à Paris le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801), ensemble les articles organiques de ladite convention, dont la teneur suit, seront promulgués et exécutés comme des lois de la république.

CONVENTION

Entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII, échangée le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801) '.

Le premier consul de la république française, et Sa Sainteté le souverain pontife Pie VII, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs :

'Ce traité est généralement connu sous le nom de Concordat de l'an X ou de 1802. Ce n'est pas ici le lieu de retracer l'histoire des diverses conventions conclues entre la France et la cour de Rome, relativement à l'organisation du culte. Dans cette note, nous devons nous borner à en rappeler les principales. En 1438, Charles VII, dans une assemblée des évêques et des grands du royaume, tenue à Bourges, avait adopté, avec quelques modifications, les

Le premier consul, les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'État, Cretet, conseiller d'État, et Bernier, docteur en

décrets du concile de Bâle, et en avait formé la pragmatique sanction. La pragmatique sanction, abolie par Louis XI, en 1467, fut rétablie par lui trois ans plus tard, et confirmée, en 1499, par Louis XII. Mais, en 1517, elle fut abolie de nouveau et remplacée par la convention ou concordat passé entre François Ier et Léon X. Ce concordat célèbre fut observé jusqu'à la loi du 12-24 juillet 1790, qui le rendit sans objet, en supprimant tous les bénéfices, à l'exception des évêchés et des cures, et en conférant aux assemblées électorales le choix des évêques et des curés.

En l'an X, ou 1802, fut conclu le concordat nouveau dont nous donnons ici le texte.

Le 25 janvier 1813, le prétendu concordat de Fontainebleau fut arraché au pape Pie VII, détenu dans le château de cette ville; mais deux jours après avoir souscrit ce traité, Sa Sainteté protesta, et déclara qu'elle se regardait comine déliée de tous ses engagements envers le gouvernement français. Ce concordat, quoique publié comme loi de l'État, le 13 février 1813, ne reçut donc aucune exécution sérieuse.

Après la Restauration, des négociations furent reprises avec le Saint-Siége, et elles amenèrent un autre concordat, qui fut signé le 11 juin 1817. Plusieurs des dispositions de cette convention avaient besoin de la sanction législative; un projet de loi fut, en conséquence, proposé aux Chambres; mais par suite de circonstances qu'il serait trop long d'expliquer ici, ce projet ne fut pas voté. Une nouvelle négociation s'ouvrit entre le pape et le roi, et un arrangement provisoire fut conclu en 1819. Il avait été stipulé que le nombre des archevêchés et évêchés serait augmenté; la loi de finances du 4 juillet 1821, les ordonnances des 19 octobre 1821 et 31 octobre 1822 furent l'exécution partielle de cet engagement.

Depuis, les choses étaient restées dans le même état jusqu'en 1833, malgré de vives attaques livrées, dans la Chambre des Députés, à l'occasion de la discussion des budgets, au concordat de 1817 et à la loi du 4 juillet 1821. Mais la loi du 26 juin 1833, portant fixation du budget des dépenses pour l'exercice de 1834, avait introduit une modification fort importante, quoique provisoire. L'art. 5 de cette loi portait : « A l'avenir, il ne sera pas affecté de fonds à la dotation des siéges épiscopaux et métropolitains, non compris dans le concordat de 1801, qui viendraient à vaquer, jusqu'à la conclusion définitive des négociations entamées à cet égard entre le gouvernement français et la cour de Rome. » — Toutefois, le ministre des finances a dit à la Chambre des Pairs, en présentant cet article adopté malgré les efforts du gouvernement, qu'il espérait que la disposition conditionnelle qu'il renfermait ne recevrait pas d'application, soit que la Chambre des Députés revînt sur sa décision, soit que les négociations entamées arrivassent à leur conclusion avant la vacance d'aucun des nouveaux siéges. En 1834, la Chambre des Députés, sans rapporter directement l'art. 5 de la loi de 1833, l'a abrogé implicitement en allouant les fonds pour des siéges vacants non compris dans le concordat de 1802. Enfin cette année, il résulte de la discussion qui a eu lieu

théologie, curé de Saint-Laud d'Angers, munis de pleins pouvoirs.

Sa Sainteté, son Éminence monseigneur Hercule Gonsalvi, cardinal de la sainte Église romaine, diacre de Sainte-Agathe ad suburram, son secrétaire d'État, Joseph Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de Sa Sainteté, assislant du trône pontifical, et le Père Caselli, théologien consultant de Sa Sainteté, pareillement munis de pleins pouvoirs en bonne et due forme;

Lesquels, après l'échange des pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la convention suivante :

CONVENTION

Entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII.

Le gouvernement de la république française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des citoyens français 1.

Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et

à l'occasion du budget des cultes que cette question de la réduction des sièges parait tout à fait abandonnéc.

En résumé, il importe de remarquer que la loi ci-dessus, du 18 germinal an X, a conservé toute sa force, et qu'elle est journellement appliquée, à l'exception des articles qui ont été abrogés ou modifiés par des lois ou des actes législatifs spéciaux, que nous aurons soin de rappeler.

Plusieurs dispositions ne font aussi que poser des principes, qui ont reçu depuis tout leur développement par des lois, des décrets et des ordonnances particulières. Il suffira de les indiquer dans ces notes.

'La Charte de 1814 portait dans son art. 6 : « La religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'Etat. » Des termes de cet article, on tirait de nombreuses conséquences; mais il avait disparu de la Charte de 1830, dont les art. 5 et 6 étaient ainsi conçus :

Art. 5. Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection.

Art. 6. Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Francais, et ceux des autres cultes chrétiens reçoivent des traitements du trésor public.

On a vu, dans l'introduction de cet ouvrage, ce que la Constitution de 1848 a fait pour la religion,

le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la république.

En conséquence, d'après cette reconaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit :

Art. 1. La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France: son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique '.

2. Il sera fait par le Saint-Siége, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français. 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même ceIni de leurs siéges.

D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice. commandé par le bien de l'Église (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante.

Le fait de porter le costume d'un ordre religieux non autorisé en France ne constitue point un délit. Ce serait violer le principe fondamental de la liberté des cultes, que d'interdire à des individus se disant appartenir à un tel ordre religieux, la faculté de se vêtir du costume de l'Ordre.

A cet égard, la loi du 18 août 1791 ne peut plus aujourd'hui recevoir d'application, soit en ce qu'elle est tombée en désuétude, de même que les autres lois qui prohibaient l'habit ecclésiastique, soit en ce qu'elle est inconciliable avec la Charte et a été abolie par elle, et qu'elle est contraire à la Constitution de 1848. (Charte const., art. 5. Cod. pén., art. 261. 29 juin 1830. Sirey, 30, 2, 351. C. roy. d'Aix.)

L'art. 291 du Code pénal, qui prohibe les réunions de plus de vingt personnes pour s'occuper d'objets religieux, si elles ne sont formées avec l'agrément ou l'autorisation du gouvernement, n'a plus d'application depuis la Constitution de 1848, qui consacre le droit de réunion par son article 8, ainsi conçu : « Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisi«blement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement.

« L'exercice de ces droits n'a pour limites que les droits ou la liberté d'au« trui et la sécurité publique.

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