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autorité limitée par des maximes connues qui ont plus particulièrement été gardées parmi nous, mais qui appartiennent au droit universel des nations.

Le pape avait autrefois, dans les ordres religieux, une milice qui lui prêtait obéissance, qui avait écrasé les vrais pasteurs et qui était toujours disposée à propager les doctrines ultramontaines. Nos lois ont licencié cette milice, et elles l'ont pu, car on n'a jamais contesté à la puissance publique le droit d'écarter ou de dissoudre les institutions arbitraires qui ne tiennent point à l'essence de la religion, et qui sont jugées suspectes ou incommodes à l'État.

Conformément à la discipline fondamentale, nous n'aurons plus qu'un clergé séculier, c'est-à-dire des évêques et des prêtres, toujours intéressés à défendre nos maximes, comme leur propre liberté, puisque leur liberté, c'est-à-dire les droits de l'épiscopat et du sacerdoce, ne peuvent être garantis que par ces maximes.

Le dernier état de la discipline générale est que les évêques doivent recevoir l'institution canonique du pape. Aucune raison d'État ne pouvait déterminer le gouvernement à ne pas admettre ce point de discipline, puisque le pape, en instituant, est collateur forcé, et qu'il ne peut refuser arbitrairement l'institution canonique au prêtre qui est en droit de la demander; et les plus grandes raisons de tranquillité publique, le motif pressant de faire cesser le schisme, invitaient le magistrat politique à continuer un usage qui n'avait été interrompu que par la constitution civile du clergé; constitution qui n'existait plus que par les troubles religieux qu'elle avait produits.

Avant cette constitution et sous l'ancien régime, si le pape instituait les évêques, c'était le prince qui les nommait. On avait regardé, avec raison, l'épiscopat comme une magistrature qu'il importait à l'État de ne pas voir confiée à des hommes qui n'eussent pas été suffisamment connus. La nomination du roi avait été remplacée par les élections du peuple, convoqué en assemblées primaires. Ce mode disparut avec les lois

qui l'avaient établi, et on ne lui substitua aucun autre mode. Toutes les élections d'évêques, depuis cette époque, ne furent assujéties à aucune forme fixe, à aucune forme avouée par l'autorité civile. Le gouvernement n'a pas pensé qu'il fût sage d'abandonner plus longtemps ces élections au hasard des circonstances.

Par la constitution sous laquelle nous avons le bonheur de vivre, le pouvoir d'élire réside essentiellement dans le sénat et dans le gouvernement. Le sénat nomme aux premières autorités de la république; le gouvernement nomme aux places militaires, administratives, judiciaires et politiques; il nomme à toutes celles qui concernent les arts et l'instruction publique. Les évêques ne sont point entrés formellement dans la prévoyance de la constitution; mais leur ministère a trop de rapports avec l'instruction, avec toutes les branches de la police, pour pouvoir être étranger aux considérations qui ont fait attribuer au premier consul la nomination des préfets, des juges et des instituteurs. Je dis, en conséquence, que ce premier magistrat, chargé de maintenir la tranquillité et de veiller sur les mœurs, devait compter dans le nombre de ses fonctions et de ses devoirs, le choix des évêques, c'est-à-dire le choix des hommes particulièrement consacrés à l'enseignement de la morale et des vérités les plus propres à influer sur les consciences.

Les évêques avoués par le pape avaient, par notre droit français, la collation de toutes les places ecclésiastiques de leurs diocèses. Pourquoi se serait-on écarté de cette règle? Il était seulement nécessaire, dans un moment où l'esprit de parti peut égarer le zèle et séduire les mieux intentionnés, de se réserver une grande surveillance sur les choix qui pourraient être faits par les premiers pasteurs.

Puisque les Français catholiques, c'est-à-dire puisque la très-grande majorité des Français demandaient que le catholicisme fût protégé, puisque le gouvernement ne pouvait se refuser à ce vœu sans continuer et sans aggraver les troubles qui déchiraient l'État, il fallait, par une raison de consé

quence, pourvoir à la dotation d'un culte qui n'aurait pu subsister sans ministres; et le droit naturel réclamait en faveur de ces ministres des secours convenables pour assurer leur subsistance.

Telles sont les principales bases de la convention passée entre le gouvernement français et le Saint-Siége.

Réponse à quelques objections.

Quelques personnes se plaindront peut-être de ce que l'on n'a pas conservé le mariage des prêtres, et de ce que l'on n'a pas profité des circonstances pour épurer un culte que l'on présente comme trop surchargé de rits et de dogmes.

Mais quand on admet ou que l'on conserve une religion, il faut la régir d'après ses principes.

L'ambition que l'on témoigne et le pouvoir que l'on voudrait s'arroger de perfectionner arbitrairement les idées et les institutions religieuses, sont des prétentions contraires à la nature même des choses.

On peut corriger par des lois les défectuosités des lois. On peut, dans les questions de philosophie, abandonner un système pour embrasser un autre système que l'on croit meilleur; mais on ne pourrait entreprendre de perfectionner une religion sans convenir qu'elle est vicieuse, et conséquemment sans la détruire par les moyens même dont on userait pour l'établir.

Nous convenons que le catholicisme a plus de rits que n'en ont d'autres cultes chrétiens; mais cela n'est point un inconvénient; car on a judicieusement remarqué que c'est pour cela même que les catholiques sont plus invinciblement attachés à leur religion.

Quant aux dogmes, l'Etat n'a jamais à s'en mêler, pourvu qu'on ne veuille pas en déduire des conséquences éversives de l'État; et la philosophie même n'a aucun droit de se formaliser de la croyance des hommes sur des matières qui, renfermées dans les rapports impénétrables qui peuvent exis

ter entre Dieu et l'homme, sont étrangères à toute philosophie humaine. L'essentiel est que la morale soit pratiquée : or, en détachant la plupart des hommes des dogmes qui fondent leur confiance et leur foi, on ne réussirait qu'à les éloigner de la morale même.

La prohibition du mariage, faite aux prêtres catholiques, est ancienne; elle se lie à des considérations importantes. Des hommes consacrés à la Divinité doivent être honorés ; et dans une religion qui exige d'eux une certaine pureté corporelle, il est bon qu'ils s'abstiennent de tout ce qui pourrait les faire soupçonner d'en manquer. Le culte catholique demande un travail soutenu et une attention continuelle: on a cru devoir épargner à ses ministres les embarras d'une famille. Enfin, le peuple aime dans les règlements qui tiennent aux mœurs des ecclésiastiques tout ce qui porte le caractère de la sévérité; et on l'a bien vu, dans ces derniers temps, par le peu de confiance qu'il a témoigné aux prêtres mariés. On eût donc choqué toutes les idées en annonçant sur ce point le vœu de s'éloigner de tout ce qui se pratique chez les autres nations catholiques.

Personne n'est forcé de se consacrer au sacerdoce. Ceux qui s'y destinent n'ont qu'à mesurer leur force sur l'étendue des sacrifices qu'on exige d'eux. Ils sont libres; la loi n'a point à s'inquiéter de leurs engagements, quand elle les laisse arbitres souverains de leur destinée.

Le célibat des prêtres ne pourrait devenir inquiétant pour la politique; il ne pourrait devenir nuisible qu'autant que la classe des ecclésiastiques serait trop nombreuse, et que celle des citoyens destinés à peupler l'État ne le serait pas assez. C'est ce qui arrive dans les pays qui sont couverts de monastères, de chapitres, de communautés séculières et régulières d'hommes et de femmes, et où tout semble éloigner les hommes de l'état du mariage et de tous les travaux utiles. Ces dangers sont écartés par nos lois, dont les dispositions ont mis dans les mains du gouvernement les moyens faciles de concilier l'intérêt de la religion avec celui de la société.

En effet, d'une part, nous n'admettons plus que les ministres dont l'existence est nécessaire à l'exercice du culte; ce qui diminue considérablement le nombre des personnes qui se vouaient anciennement au célibat. D'autre part, pour les ministres même que nous conservons, et à qui le célibat est ordonné par les règlements ecclésiastiques, la défense qui leur est faite du mariage par ces règlements, n'est point consacrée comme empêchement dirimant dans l'ordre civil: ainsi leur mariage, s'ils en contractaient un, ne serait point nul aux yeux des lois politiques et civiles, et les enfants qui en naîtraient seraient légitimes. Mais, dans le for intérieur et dans l'ordre religieux, ils s'exposeraient aux peines spirituelles prononcées par les lois canoniques. Ils continueraient à jouir de leurs droits de famille et de cité; mais ils seraient tenus de s'abstenir de l'exercice du sacerdoce. Conséquemment, sans affaiblir le nerf de la discipline de l'Église, on conserve aux individus toute la liberté et tous les avantages garantis par les lois de l'État. Mais il eût été injuste d'aller plus loin, el d'exiger pour les ecclésiastiques de France, comme tels, une exception qui les eût déconsidérés auprès de tous les peuples catholiques, et auprès des Français même auxquels ils administreraient les secours de la religion.

Il est des choses que l'on dit toujours, parce qu'elles ont été dites une fois. De là le mot, si souvent répété, que le catholicisme est la religion des monarchies, et qu'il ne saurait convenir aux républiques.

Ce mot est fondé sur l'observation faite par l'auteur de l'Esprit des Lois, qu'à l'époque de la grande scission opérée dans l'Église par les nouvelles doctrines de Luther et de Calvin, la religion catholique se maintint dans les monarchies absolues, tandis que la religion protestante se réfugia dans les gouvernements libres.

Mais tout cela ne s'accorde point avec les faits. La religion protestante est professée en Prusse, en Suède et en Danemarck, lorsque l'on voit que la religion catholique est la religion do

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