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CHAPITRE VIII.

Des Facultés de Théologie.

Pour présenter la question religieuse sous toutes ses faces, et donner à notre travail tout l'intérêt qui s'attache naturellement à une œuvre complète, nous avons obtenu du savant auteur de la Théodicée chrétienne, de notre ami, M. Maret, l'autorisation de publier dans notre livre quelques extrails d'un excellent travail qu'il a fait sur les Facultés de théologie.

Nécessité des Facultés de théologie.

« La nécessité des Facultés de théologie, dit M. Maret, n'a pas besoin d'être longuement démontrée. Les avantages qu'elles offriraient ne peuvent être sérieusement contestés. A côté des séminaires où les élèves du sanctuaire reçoivent les éléments de la science sacrée et sont formés aux mœurs sacerdotales, il est utile qu'il existe des établissements d'enseignement supérieur, où l'élite de la jeunesse cléricale, à la sortie du séminaire, puisse trouver les moyens de perfectionner et d'étendre ses connaissances. Les grades avec leurs épreuves ont toujours été un des plus puissants moyens d'émulation; l'expérience et la pratique universelle de l'Église depuis huit siècles le démontrent. Quand les grades ont été en honneur, les études ont fleuri; lorsqu'au contraire ils sont tombés en désuétude, les études se sont abaissées, elles ont perdu de leur force et de leur éclat. Mais ce n'est pas seulement par l'attrait des grades que les Facultés sont utiles; la nature de leur enseignement comporte les vastes développements de la science, et, sous ce rapport, elles peuvent rendre les services

les plus signalés. Chaque siècle a son génie, ses erreurs, ses besoins. Aux professeurs des Facultés il appartient spécialement de défendre la foi attaquée, de présenter la doctrine catholique selon l'état des esprits et les besoins des temps, et d'imprimer ainsi à la jeunesse sacerdotale la plus heureusc impulsion. La liberté des méthodes, la convenance et l'élégance de l'exposition exerceront aussi une heureuse influence sur le goût et le talent des jeunes auditeurs. La jeunesse cléricale, se trouvant en rapport et en contact avec l'autre portion de la jeunesse qui fréquente les écoles, il y aura entre elles un échange utile à l'une et à l'autre. Sans rien perdre de sa foi ni de sa pureté, le jeune lévite apprendra à mieux apprécier ses contemporains, et ceux-ci ne verront plus dans le prêtre un homme étranger à leurs idées et à leurs sentiments. Cette fatale séparation du laïque et du prêtre, si funeste à l'un et à l'autre, et qui est l'une des plaies de notre société, trouverait un correctif dans l'existence même des Facultés de théologie.

Si donc on veut un clergé instruit et savant, un clergé capable de défendre le dépôt des vérités saintes qui lui sont confiées, et de faire goûter au siècle la doctrine de l'Évangile; un clergé intelligent des temps et des besoins de notre société; un clergé enfin sympathisant avec les générations présentes, il faut établir des Facultés de théologie. Elles seules peuvent, d'une manière efficace, atteindre le but que nous venons d'indiquer. Si le plus grand intérêt de l'Église est de posséder un clergé à la hauteur de sa sainte mission, l'État n'est pas moins intéressé que l'Église à la véritable dignité du clergé, et surtout à son harmonie avec la société actuelle. A cette condition seulement le clergé peut être le gardien des mœurs et des lois, et seconder efficacement l'action d'un gouvernement intelligent et juste.

«En outre de leur action directe sur le clergé, les Facultés, par la publicité des cours, offriraient à la jeunesse des écoles, et en général aux laïques, un enseignement capable de perfectionner la première instruction religieuse, de déve

lopper des connaissances très-précieuses et très-utiles au magistrat, à l'homme d'État, à l'homme politique; des connaissances dont l'absence se fait trop sentir aujourd'hui. Enfin, si, dans un régime de liberté, on ne peut empêcher le scandale de certains enseignements, les saines doctrines du moins auraient des organes, et la jeunesse trouverait le remède à côté du mal.

« Quand on compare les Facultés de théologie, telles qu'elles pourraient être, à ce qu'elles sont en réalité, l'âme est profondément attristée. Elles remplissent avec plus ou moins de succès cette partie de leur mission de défendre et d'exposer pour la jeunesse laïque la doctrine chrétienne; mais leur action sur le clergé est absolument nulle. Elles ne sont rien pour le clergé, il faut bien le dire; elles ne pèsent en rien dans les destinées de l'Église. Depuis bientôt un demi-siècle qu'elles existent, elles languissent dans un triste sentiment d'inutilité et d'impuissance. Que dis-je ? elles sont l'objet de la défaveur marquée de plusieurs dépositaires de l'autorité épiscopale; elles sont regardées en général par tous les membres du clergé avec un esprit de méfiance inquiète.

« Cet état de choses, amer pour les professeurs, est fâcheux pour l'Église, qui ne tire pas des Facultés de théologie les utilités qu'elle pourrait en prétendre. On est donc naturellement porté à se demander quelle est la cause du mal que nous venons de signaler, quel en est le remède.

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« Et d'abord le décret impérial du 17 mars 1808 créa les Facultés de théologie au même titre que les autres 1. Aux termes de ce décret, le grand-maître institue les professeurs 2, ratifie les réceptions, délivre les diplômes des grades théologiques au nom du roi .

« Ce même décret fixe les bases de l'enseignement en gé

Décret du 17 mars 1808, art. 8.

Art. 52.

3 Art. 58.

4 Art. 59; et Ordonnance du 17 février 1815, art. 31.

néral 1. D'après l'ordonnance du 17 février 1815, le conseil royal fait les règlements des études et de la discipline. Avant de commencer l'année scolaire, les professeurs de théologie doivent soumettre leurs programmes au recteur de l'Académie. Subordonnés ainsi dans leur enseignement à l'autorité universitaire, les professcurs peuvent être transférés, suspendus et révoqués par le grand-maître. Selon le décret du 17 mars 18083, les nominations des professeurs doivent se faire au concours, et le concours a lieu entre trois sujets présentés par l'évêque diocésain. Une ordonnance du 24 août 1838 suspend l'effet de ce décret jusqu'au 1er janvier 1850, et maintenait la nomination ministérielle sur la présentation épiscopale.

« Telle est la seule intervention du pouvoir ecclésiastique dans la constitution des Facultés de théologie. L'institution des professeurs, la désignation des objets de l'enseignement, les règlements d'études et de discipline, la direction, la surveillance, les peines et les récompenses, tout émane du pouvoir civil, et du pouvoir civil seul; on ne voit partout que l'action du pouvoir civil.

« Quand la nature du mal est connue, le remède est facile à découvrir. Essentiellement ecclésiastiques, les Facultés de théologie ont été créées et organisées sans le concours de l'autorité ecclésiastique. De là leur impuissance radicale, leur stérilité nécessaire. Instruit par une expérience d'un demisiècle, que le pouvoir civil apprenne qu'il ne peut pas seul animer et féconder des institutions spirituelles. Qu'il sache qu'il faut recourir à l'autorité établie par Jésus-Christ, et dépositaire de sa puissance et de sa doctrine, si l'on veut donner une vie nouvelle à ces institutions languissantes; si l'on veut les revêtir de la vraie mission qui leur manque. »

Avant d'exposer l'opinion du comité des cultes sur la question des Facultés de théologie, nous sommes heureux de dire

Art. 9.

• Déclaration du Conseil royal du 23 octobre 1838.

3 Art. 7.

au clergé que le comité de l'instruction publique s'est aussi occupé avec intérêt du même objet, et que Mgr l'archevêque de Paris, si zélé pour tout ce qui peut propager les lumières de la science, a institué une commission chargée de préparer un projet sur la réorganisation des Facultés. Nous savons que cette commission a terminé ce projet, qui a été présenté à M. le ministre des cultes. Celui-ci a de son côté nommé une commission à laquelle il a soumis le projet de Mgr l'archevêque. Des modifications y ont été faites, et ces modifications sont maintenant en discussion entre M. le ministre et l'archevêque. Cela dit, revenons à ce qui a été décidé dans le comité des cultes.

La sous-commission du budget, dans une de ses réunions, avait examiné, à l'occasion des bourses accordées aux séminaires, s'il n'y avait pas quelque mesure à proposer pour développer et fortifier les études ecclésiastiques, et s'était trouvée ainsi amenée à examiner la question des Facultés de théologie, qui s'agite en ce moment dans la commission de l'enseignement supérieur, et qui ne peut demeurer étrangère aux méditations du comité des cultes.

M. l'évêque de Quimper, président de la sous-commission, a résumé, dans un excellent rapport, la discussion à laquelle elle s'était livrée :

Il y a, a-t-il dit, convenance, utilité, nécessité même à conserver dans l'Église de France des Facultés de théologie; il y va de l'intérêt et de la gloire de cette Église. Les Facultés actuelles ne répondent pas complétement à leur objet ; elles ne fonctionnent qu'imparfaitement; elles n'ont aucun caractère obligatoire, et d'ailleurs leur institution n'est pas canonique. Trois d'entre elles doivent être spécialement conservées pour le moment celle de Paris, celle de Lyon et celle de Toulouse.

Il serait bon même qu'elles fussent l'objet d'un établissement nouveau qui résulterait d'une convention positive et formelle entre le gouvernement et le souverain pontife. Le gouvernement y interviendrait justement, puisqu'il doit les

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