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roisses. On appelait ainsi toute aggrégation de fidèles placée sous la direction d'un pasteur, désigné sous le nom de curé.

« Le pouvoir de ces pasteurs, surtout dans les onzième, douzième et treizième siècles, était très-grand. Selon les expressions du droit canonique, ils tenaient la place de l'évêque dans tout ce qui regardait le soin des âmes. Ils étaient inamovibles.

«Par le laps du temps, les pouvoirs des pasteurs s'amoindrirent au profit des évêques; mais leur inamovibilité resta entière. C'était le droit commun qui avait reçu la consécration des conciles.

« Un concile de Nîmes, tenu au onzième siècle, sous la présidence d'Urbain II, la définissait ainsi :

« Sacerdotes, quando regendis præficiuntur ecclesiis de manu episcopi, curam animarum suscipiant, ubi in totâ vitâ suâ desserviant, nisi canonico degradentur judicio. (Canon 8.)

« Même prescription dans les conciles de Châlons, de Séville et de Trente.

« Cette règle générale ne souffrait d'exception que dans quelques paroisses possédées par certaines abbayes ou congrégations religieuses, et dans lesquelles les supérieurs avaient droit de nomination et de révocation.

« Plusieurs tentatives furent faites pour faire cesser cette exemption.

<< Louis XIV, dans sa déclaration du 29 janvier 1686, ordonna, à cet effet, «que les cures unies à des chapitres ou autres « communautés ecclésiastiques, seraient desservies par des « curés en titre, sans que l'on pût y mettre à l'avenir des prê« tres amovibles, sous quelque prétexte que ce fût. »

« Cette prescription si sage resta néanmoins, presque partout, sans exécution, tant les abus sont difficiles à arracher des mains qui en profitent.

« L'épiscopat français ne cessa lui-même de réclamer contre cette amovibilité; il en fit plusieurs fois l'objet de vives doléances, notamment en 1760.

« L'inamovibilité était donc la règle générale en France;

elle l'était aussi et l'est encore dans tous les autres pays de la chrétienté.

« Pour prévenir les abus de l'inamovibilité, des tribunaux ecclésiastiques, sous le nom d'officialités, étaient chargés de juger toutes les infractions à la discipline.

« Les juges en étaient nommés par les évêques et révocables par eux.

« Tel était l'état de choses lorsque éclata la révolution de 89: institutions civiles, institutions religieuses, elle emporta tout.

« Ainsi que nous l'avons dit, l'essai de réorganisation de 1790 ne porta que des fruits amers, parce qu'elle ne respectait pas les attributions du pouvoir spirituel.

« Dix ans plus tard, une nouvelle tentative fut faite, mais, cette fois, avec le concours du Saint-Siége. Des négociations des deux pouvoirs sortit le Concordat de 1801.

« Cette convention attribue au chef de l'État la nomination aux évêchés.

« Quant aux cures, elle ne porte d'autres stipulations que celle-ci :

« Les évêques nommeront aux cures;

« Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes « agréées par le gouvernement. »

« Réduite à ces stipulations, cette convention sauvegardait à la fois les prérogatives du pouvoir spirituel et les intérêts de l'État.

« D'un côté, elle reconnaissait, conformément aux lois canoniques, le droit des évêques de nommer aux cures. « L'éa vêque étant chargé par le Saint-Esprit de gouverner l'Église « et de lui donner des ministres capables de travailler, sous «ses ordres, au salut des âmes, est de droit commun le col«lateur ordinaire de tous les bénéfices de son diocèse. (Lois « ecclésiastiques de France, 2o part.; des Bénéfices, chap. 5.) »

« D'un autre côté, elle consacrait le droit qu'a tout gouvernement, dans un intérêt de conservation, d'ordre et de tranquillité publique, de n'admettre, en qualité de pasteurs, que

des personnes qui paraîtraient lui offrir sous tous les rapports des garanties.

«En ne stipulant rien relativement aux rapports des droits et des devoirs entre les évêques et les pasteurs, elle les laissait évidemment sous le régime du droit commun ancien; c'était le retour au régime des lois canoniques, à l'inamovibilité des pasteurs, et de tous sans exception, car le Concordat n'en reconnaît que d'une espèce, les curés.

« Telles durent être les vues du souverain pontife, car elles lui étaient commandées par les lois de l'Église. Ce qui doit éloigner tout doute à cet égard, c'est la persévérance avec laquelle il ne cessa de réclamer contre les articles dits organiques, élaborés et publiés sans son concours.

« Si telle fut aussi l'intention manifestée lors des négociations par le gouvernement, il n'y persista pas longtemps. C'est ce qui apparaît par les dispositions de ces organiques. Voici ceux de ces articles qui concernent plus spécialement notre sujet : « Art. 31. Les vicaires et desservants exerceront leur « ministère sous la surveillance et la direction des curés. Ils « seront approuvés par l'évêque et révocables par lui.

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« Art. 63. Les prêtres desservant les succursales sont << nommés par l'évêque. »>

« C'est de ces articles qu'on a fait dériver un droit tout nou veau, et en tous points opposé au droit canonique, l'amovibilité des dix-neuf vingtièmes des pasteurs ayant charge d'âmes.

«En admettant que ce fût là le but et le résultat poursuivis par le gouvernement, on ne peut s'expliquer la pensée qui le dirigeait, qu'en lui supposant l'espoir, bien déçu depuis, qu'il tiendrait toujours en ses mains cette classe si nombreuse de pasteurs, au moyen d'évêques nommés et dominés par lui.

« Il est toutefois à remarquer que les vicaires et desservants de l'article 31 ne doivent qu'être approuvés par l'évêque, tandis que ceux dont il est question en l'article 63 sont nommés par lui.

« Des publicistes en ont inféré que, dans l'intention du législateur, ces deux espèces de desservants n'appartenaient pas à la même catégorie.

« Dans leur opinion, les desservants de l'article 31 n'étaient, dans l'esprit du législateur, que des vicaires attachés à des églises non encore érigées en dessertes, mais dépendantes des cures de canton, et desservies provisoirement par des prêtres appelés par les curés, sous la surveillance desquels ils exerçaient. Ils étaient soumis à une simple approbation de l'évêque, comme aussi révocables par lui.

« Selon ces mêmes publicistes, les desservants de l'article 63 étaient ceux placés dans des églises érigées en dessertes. Ils auraient constitué des curés du second ordre, qui devaient non-seulement être approuvés par l'évêque, mais nommés par lui, comme les curés de canton.

<< Ils ont induit de là qu'ils auraient dû jouir des mêmes prérogatives que les curés de canton, et que la qualification de révocables ne pouvait leur être attribuée dans le sens de l'article 31.

<< Enfin, ils ont soutenu que, lors même que cette distinction ne pourrait être admise, les articles organiques, pas plus que les lois canoniques, ne donnaient aux évêques une faculté illimitée de révocation, sous bon plaisir; que cette révocation ne pouvait, en aucun cas, être prononcée que par un jugement de l'évêque, jugement accompagné de toutes les formalités qui, au spirituel comme au civil, constituent un acte de cette nature.

« Quoi qu'il en soit, cette opinion n'a été admise dans la pratique ni par les évêques, ni par le pouvoir temporel. Les pre miers, s'appuyant sur la lettre des lois organiques, ont constamment déplacé, révoqué sans jugement, sans exprimer les motifs, tous les desservanls de leurs diocèses. D'un autre côté, le conseil d'État, saisi des appels comme d'abus des décisions des évêques, a consacré, par la jurisprudence, la faculté pour l'épiscopat de révoquer les desservants, sans avoir à en déduire les motifs.

«Tel est aujourd'hui l'état des choses contre lequel s'élèvent de tout côté des réclamations. Ces réclamations, nous devons le dire, ne partent pas, comme on l'a insinué, de prêtres isolés ou ayant subi des censures ecclésiastiques; elles ont pour organes, dans le sacerdoce, des ecclésiastiques qui en sont l'honneur et dont quelques-uns sont placés au premier rang de la hiérarchie; hors du sacerdoce, des hommes profondément religieux.

« Ces plaintes, on doit le reconnaître, reposent sur des griefs réels; ces griefs ont leur origine dans la position précaire faite au bas clergé par les organiques.

« Il y a intérêt pour la religion, pour les desservants, pour l'épiscopat et surtout pour le gouvernement, à modifier cet état de choses, et à l'harmoniser avec nos institutions nouvelles.

« En droit, l'amovibilité des desservants ou pasteurs du second ordre est contraire aux lois canoniques; tous les conciles la condamnent. En fait, elle nuit à la religion.

«Nous avons déjà cité l'opinion de M. Sibour. Il serait facile de multiplier ces citations. Nous nous contenterons d'une seule. Voici comment s'exprime, dans une brochure publiée en 1840, un des ecclésiastiques les plus savants et les plus respectables du diocèse de Paris, M. l'abbé Pascal :

« Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la position. « personnelle des curés amovibles ou desservants. Que sont« ils vis-à-vis des paroissiens? Ceux-ci ne peuvent les consi« dérer comme pasteurs permanents, puisqu'ils ne le sont « pas en réalité. Ils ne peuvent donc voir en eux que des << pasteurs transitoires qui ne resteront auprès d'eux qu'au<< tant qu'il semblera bon à l'autorité qui les a envoyés. Le « prêtre, de son côté, ne peut s'attacher que d'une affection « transitoire à ces fidèles, qui ne sont pas, rigoureusement << parlant, des paroissiens. D'une part, on n'osera commencer « un bien dont on n'a pas la certitude morale d'opérer la con« sommation; d'autre part, et pour peu que le zèle du des« servant, zèle très-légitime et très-éclairé, blesse certains

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