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de quelques petits grouppes, fe perd dans les grouppes fuivans, & quelques arbres font dispersés çà & là, affez éloignés les uns des autres. Les intervalles font autant de percés, qui deviennent plus larges en s'enfonçant, & different en étendue, en figure & en direction. Mais tous ces grouppes, toutes ces lignes, & tous ces intervalles, font réunis en différens maffifs, dont chacun eft en même tems dépendant & ifolé, varié & uniforme. Tour le bocage est un féjour charmant, où l'on peut s'arrêter long-tems avec plaifir, ou fe promener avec un amusement continuel.

Le bocage d'Esher (1) eft l'ouvrage de l'excellente main qui a planté Claremont: mais la néceffité de lier les jeunes plans à de grands arbres qui s'y trouvoient déja, lui a beaucoup ôté de sa variété. Les grouppes font petits & peu nombreux, parce que le terrein n'a que fort peu d'étendue ; & comme il ne s'y eft pas trouvé de lieux propres à former des percés bien fuivis, les efpaces vuides qui font dans le bocage, s'étendent de tous côtés indifféremment. Les grandes différences de diftance entre les arbres, en font donc les principales variétés, mais le bocage ferpente le long des bords d'une large riviere, fur les côtés & au pied d'une

(1) Esher touche Claremont.

élévation rapide, dont la partie fupérieure eft couverte de bois; d'un côté il touche le bois, d'un autre il s'en éloigne, & ailleurs il croife un enfoncement très-hardi qui pénetre fort avant dans un bosquet. Les arbres s'étendent quelquefois juf que fur la plaine, qui eft au pied de la colline, quelquefois ils laiffent un efpace ouvert du côté de la riviere, & quelquefois ils couronnent le fommet d'une large colline,&forment un amphithéatre, ou font fufpendus fur une pente douce. Ces variétés, dans la fituation, compenfent de refte le défaut de variété dans la difpofition des arbres, & cet heureux concours de circonstances

Qui forme pour Pelham (1) ce paifible bocage
De Kent, de la nature ingénieux ouvrage.

rend cette petite folitude plus agréable que celle de Claremont; mais quoiqu'on ait très-bien fait de conferver les arbres déja venus, & de ne pas facrifier des beautés préfentes à de plus grandes beau

(1) Vers d'un épitre de Pope à M. Kent, habile dans l'architecture & la peinture, & fur-tout fameux par les changemens qu'il a faits dans l'art des jardins. Esher, maifon de campagne du premier miniftre Pelham fut fon coup d'effai. Les jardins d'Esher fe trouvent dans le théatre de la grande Bretagne, in folio. Ils étoient dans le goût de le Nôtre, ainfi que tous les autres jardins d'Angleterre.

tés dont on n'auroit joui que tard, cette précaution a donné des entraves à l'art; & le bocage de Claremont, confidéré comme une plantation en général, eft pour la délicateffe du goût, & la fertilité de l'invention, fupérieur à celui d'Esher.

Tous les deux font des premiers effais de l'art moderne de créer des jardins : & peut-être eft-ce par le defir immodéré d'en voir l'effet, que les arbres y ont été plantés trop près les uns des autres. Quoique ces arbres foient loin encore d'être parvenus à leur grandeur naturelle, ils commencent à fe dépouiller, & les bocages ont beaucoup perdu de leur beauté. On résistera donc déformais, guidé par l'expérience, à la tentation de planter pour jouir promptement. Cependant fi l'on n'avoit pas la patience d'attendre, il eft poffible de jouir du préfent fans fe priver de l'avenir, en donnant au bocage une difpofition telle qu'elle ne puiffe manquer de produire un bel effet, lorfque les arbres feront grands,& en mêlant dans les intervalles des arbres de paffage qui feront un joli point de vue pendant qu'ils feront petits, & qu'on arrachera enfuite avant qu'ils puiffent nuire aux autres.

La variété dans la difpofition, produit celle des jours & des ombres d'un bocage; variété qui peut être augmentée par le choix des arbres. Quelques

uns font impénétrables aux rayons du foleil les plus perçans; d'autres laiffent paffer de loin en loin, un rayon au travers de la masse énorme de leur feuillage; d'autres enfin qui n'ont que pen de branches & de feuilles, ne marquent la terre que de légeres ombres. Chaque degré de lumiere & d'ombre, depuis l'éclat le plus vif jusqu'a l'obfcurité, peut être ingénieufement ménagé, tant par le nombre, que par la contexture des arbres. Les feules différences de grandeurs ont leurs effets relatifs. L'efpace eft petit & refferré fous les arbres, dont les branches defcendent fort bas & s'étendent au loin; il est vafte & libre fous ceux qui forment un berceau élevé : & les fréquens paffages des uns aux autres font très - agréables..

Ce ne font pas là toutes les variétés dont l'intérieur d'un bocage eft fufceptible; par exemple, les arbres dont les branches touchent prefque à terre, & propres à former des bofquets, ne fauroient fubfifter dans des plantations ouvertes: mais quoique cette exclufion faffe difparoître quelques différencés, caractéristiques, d'autres variétés moins. confidérables prennent leur place : la liberté d'errer dans tous les détours du bocage, met tour à tour chaque arbre fous les yeux, & permet d'observer outes les différences de feuillage; celui qui offre

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le plus de légèreté & d'élégance eft le plus agréable : il ne faut pourtant pas en faire un point capital, parce que quelques ornemens de moins ne font néceffairement un défaut.

pas

X X. I I.

Des formes des massifs.

ON N a déja obfervé que les maffifs(1) ne different que par l'étendue, d'un bois s'ils font fermés, & d'un bocage s'ils font ouverts. Ce font de petits bois & de betits bocages (2) dirigés par les mêmes principes que les plus grands, d'après les dimenfions qu'on leur a fixées. Mais outre les propriétés qui leur font communes avec les bois ou les bocages, ils en ont de particulieres qui méritent d'être examinées.

Les maffifs font ifolés ou dépendans. Lorsqu'ils font ifolés, on n'examine leur beauté que comme objets particuliers; lorfqu'ils font dépendans, les beautés de leurs parties doivent être facrifiées à l'effet du tout, qui eft ce qui mérite le plus de confidération.

(1) Clumps ou bouquets de bois.

(2) C'eft une définition qu'il eft important de ne pas perdre de vue. Voyez la note du chap. XVI, pag. 48..

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