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faitement. Dans les vieux bois, il y a plufieurs endroits qui peuvent être éclaircis ou renforcés, & c'est là que les différences caractéristiques doivent déterminer ce qu'il faut planter ou arracher; elles indiqueront fouvent du moins ce qui doit être ôté comme défaut, & deux ou trois arbres de moins produiront quelquefois cet effet. Le nom bre des belles formes, & des masses agréables qui peuvent décorer une furface, eft fi grand, que lorfqu'un lieu ne peut en recevoir une, il s'en préfente fur le champ une autre. Et comme rien de délicat & de fini n'eft ici néceffaire, & qu'on n'y defire point une minutieu fe exactitude, de petits obftacles ne fauroient nuire à de grands effets.

Il ne faut pas cependant que les contraftes des maffes & des grouppes foient trop forts, lorfque la grandeur est le caractere d'un bois ; car l'unité eft effentielle à la grandeur. Ainfi lorfque deux grouppes directement oppofés, font placés l'un à côté de l'autre, le bois ceffe d'être un feul objet ; ce n'est plus qu'un assemblage confus de plufieurs plantations féparées ; au lieu que fi les graduations font bien obfervées, des formes & des couleurs totalement différentes peuvent fe réunir fur la même surface, & occuper chacune un espace confidérable. Un arbre feul, ou un petit nombre d'ar

bres réunis au milieu d'un bois d'une grande étendue, eft un défaut choquant, foit pour la grandeur, foit pour la couleur. Les grouppes & les maffes doivent être confidérables pour produire quelque variété fenfible.

Cependant des arbres feuls au milieu d'un bois, quoique rarement utiles pour diverfifier une furface, méritent comme individus une attention particuliere, & font importans pour la grandeur du tout. La furface d'un bofquet compofé d'arbriffeaux, quelque étendue qu'elle foit, n'imprime pas les mêmes idées de magnificence qu'un bois fufpendu; quoiqu'à la premiere vue, la différence ne foit pas toujours bien fenfible. Ce dernier exige qu'on réuniffe diverfes circonftances pour fe faire une idée de l'élevation où ce vafte feuillage a été porté, de la groffeur des troncs, & de l'étendue des branches: ce font toutes ces différentes idées de grandeur réunies qui donnent de la majefté à cet objet de perfpective, lequel fans le fecours del'imagination, repréfenteroit également la furface d'un bois, & celle d'un bofquet: un petit nombre de grands arbres que l'œil apperçoive aifément point élevés au-deffus des autres, mais diftingués par une légere féparation, éclaircit fur le champ le doute: ce font des objets nobles par eux-mêmes,

qui conviennent à leur pofition, & fervent à faire juger des autres. D'après le même principe, les arbres qui n'ont que peu de branches & de feuilles, ceux dont les branches tendent en haut, & ceux dont les têtes s'élevent en cônes élancés, ont plus de légereté que de majefté, & font déplacés dans un bois dont la grandeur eft la qualité dominante. Les arbres au contraire, dont les branches tendent directement en bas, ont un volume parfaitement analogue à leur fituation, quoiqu'ils y perdent en même tems leur beauté particuliere.

Ces ornemens font des graces naturelles qui s'allient très-bien avec la grandeur. Ce font des ombres qui jouent fur une belle surface, y' jettent de la variété, & animent cette uniformité, qui lorfqu'elle domine, réduit tout le mérite d'un des plus magnifiques objets de la nature, à celui d'un pur efpace. Ainfi remplir cet efpace de beaux objets; charmer l'œil après qu'il a été frappé; fixer l'attention où l'on a voulu qu'elle fe portât; changer la furprise en admiration : ce font des projets dignes des plus grands maîtres, & dont l'exécution devient la fource de mille embelliffemens caractérisés par la richeffe & la magnificence.

XVIII.

De la furface d'un bois pittorefque, & d'un lois clair. LORSQUE dans une fituation pittorefque, un terrein coupé fort inégalement eft couvert d'un bois,

il

peut du terrein fur la furface de ce bois. La rudeffe, & non la grandeur eft ici le caractere dominant. Que les objets dont vous ferez choix, foient directement contraires à ceux qui produifent l'unité; prodiguez les forts contraftes, & même les oppofitions; le but doit être ici de défunir plutôt que de joindre: qu'un creux profond foit coloré des arpar bres d'un verd foncé; que fur une hauteur efcarpée se préfente un amphithéatre d'arbres extrêmement élevés; qu'une faillie tranchante foit bien marquée par une fuite d'objets de figure conique. Les fapins font ici d'un grand ufage par leur forme, leur couleur & leur fingularité.

être avantageux de marquer les inégalités

Un grand bois fort clair, fitué fur un penchant élevé, & vu d'enbas, eft rarement agréable. Ces arbres trop éloignés les uns des autres font rapprochés par la perfpective. Ils perdent la beauté d'un bois clair, & font défectueux comme bois épais.

La maniere la plus naturelle d'y remédier eft d'en planter un plus grand nombre. Mais un bois clair vu de deffus une éminence eft fouvent un point de perfpective qui a beaucoup de piquant & d'élégance. Il est plein d'objets, & chaque arbre féparé brille de fa propre beauté. Pour augmenter cette vigueur qui eft le mérite particulier d'un bois. clair, les arbres devroient être fortement diftingués par leurs couleurs & leurs formes; & ceux qui par leur légereté ont été profcrits d'un bois épais, jouent ici le plus beau rôle. Les différences de grandeur font encore une autre fource de variété : chaque arbre doit être confidéré comme un objet diftinct, excepté lorfqu'il n'y en a qu'un petit nombre de grouppés enfemble. Dans ce cas les différences doivent être nulles : mais alors les grouppes eux-mêmes confidérés comme arbres ifolés n'en feront que plus fortement contraftés. Un taillis formera leur laifon fans nuire à leur variété.

X I X.

De la ligne extérieure d'un bois.

QUOIQUE lafurfaced'un bois,lorsqu'il est dominé, mérite toutes les attentions que je viens d'indiquer;

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