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Il eft peu de villages qu'on ne puiffe embellir aifément. Le plus petit changement dans une maifon, produit quelquefois une grande différence dans la perspective. Quelques légeres plantations peuvent ajouter beaucoup d'éclat à des objets dont l'afpect eft agréable, cacher ceux qui bleffent la vue, & diverfifier ceux qui pechent par trop de reffemblance. Les moyens les plus fimples, tels qu'une petite paliffade avancée ou un banc, fuffifent quelquefois pour corriger les difformités d'un terrein, d'un bois, d'un bâtiment. Dans le fujet dont il est question, & dans quelques autres du même genre, la beauté & la variété dépendent beaucoup plus de l'attention que de la dépenfe.

LXII.

Des bâtimens confidérés comme objets dans une

carriere.

MAIS file paffage au travers d'un village ne peut être agréable, fi les bâtimens font d'une forme & d'une fituation femblable, & rangés fur des lignes droites; s'il ne s'y trouve point d'efpaces fuffifans pour contraster les maifons avec leurs auvents &

autres acceffoires, pour y introduire des arbres & des bofquets, interpofer des champs & des prairies, mêler des fermes avec des cabanes, & placer une multitude d'objets différens dans différentes pofitions: cependant les environs de ce village. fourniront toujours l'efpace néceffaire pour un bois, avec lequel il pourra former un beau grouppe, Cet enfemble bordé d'une carriere & fur-tout vu dans l'éloignement, fera très-agréable. Des fermes féparées dans des champs, peuvent devenir des objets très-intéreffans, fi l'on plante quelques arbres tout autour, ou fi l'on fait tirer parti de ceux qui s'y trouvent naturellement. Lorfqu'on crée une ferme nouvelle, on eft le maître de lui donner toute la beauté dont elle eft fufceptible, foit dans la forme du bâtiment, foit dans la difpofition des environs. Elle peut même emprunter quelquefois un caractere qui ne lui eft pas naturel, tel que celui d'un vieux château (1) ou d'une abbaye cette forme étrangere lui donnera un air d'importance, qu'elle n'eût point eu par ellemême. De riches points de vue font si essentiels à une carriere, que par le feul motif de fe les pro

(1) Comme celle de Stowe, qui eft à plus d'un mille des jardins,

curer, on eft quelquefois obligé d'élever des bâtimens, dont l'effet conftant fera toujours de jetter de la beauté & de la majefté dans une perfpective; mais il ne faut jamais avoir recours à ces petites. fupercherics, fi fouvent mifes en ufage. Elles font trop connues pour avoir du fuccès, & n'ont aucun mérite lorfqu'elles manquent leur effet. Car, quoiqu'une apparence trompeufe donne quelquefois de l'énergie à un caractere, ou faffe naître de nouvelles idées, elle peut ne contribuer en rien par elle-même à l'embelliffement de la fcene. Le fommet d'une tour, la pointe d'un clocher, & les autres objets qui fervent à ces frivoles effais, font fi peu importans, comme points de perfpective, qu'il eft prefque indifférent d'être frappé de leur image ou de leur réalité (1).

(1) J'avoue que je ne puis concilier cette réflexion, ni avec les regles de la logique, ni avec le fyftème de l'auteur. Il eft impoffible que des objets,quels qu'ils foient, rendent le caractere plus énergique, & faffent naître des images, fans que la fcene n'en devienne plus intéreffante. L'au teur a déja mis plus d'une fois les tours & les clochers au nombre des objets les plus pittorefques. Pourquoi le feroient-ils moins dans les perspectives d'une route deftinée à l'amufement, que dans les autres ? L'auteur n'en dit pas les raifons, & je crois qu'il feroit difficile d'en donner

LXIII.

D'un jardin traité dans le goût d'une carriere. Defcription de Persfield.

LES mêmes moyens dont on fe fert pour embellir les points de vue d'une carriere, peuvent s'appliquer à ceux d'un jardin. Ces fortes d'embelliffemens, il eft vrai, ne font pas effentiels à fon caractere, mais ils contribuent à le rendre beaucoup plus agréable; & lorfqu'ils fe trouvent en abondance, ce n'eft que le degré d'étendue du terrein orné, par lequel ils font dominés, qui déterminera fi c'eft d'une carriere ou d'un jardin que dépend la perspective. Si c'est d'un jardin, elle poffede encore jufqu'à un certain degré les propriétés dominantes de celle qui convient à une carriere; & les deux caracteres feront extrêmement analogues, mais ils different dans quelques particularités. Un mouvement continu est la premiere idée qui fe présente dans une çarriere: ainfi c'eft aux embelliffemens de la route qu'on doit principalement s'attacher, au lieu que dans un jardin, ce font les différentes fcenes qui méritent le plus d'attention, & leurs communications font beaucoup moins importantes. Il faut, en général, que leurs directions fe plient, & que leurs beautés

foient quelquefois facrifiées à la fituation & au caractere des fcenes où elles conduifent: une route propre à faire valoir la perspective qui l'avoisine, eft toujours préférable à celle qui n'est agréable que comme promenade; & tous les ornemens qui pourroient d'ailleurs lui convenir, font déplacés, s'ils anticipent fur les ouvertures de la scene, avec lefquelles ils doivent fouvent contraster; c'est-àdire, qu'ils feront enfoncés & obfcurs, fi les ouvertures font éclairées ou riantes, & fimples fi elles font richement décorées. Quelquefois une perspective frappera tout à coup le fpectateur dans l'inftant qu'il y fongeoit le moins: & cet effet ne doit pas être ménagé pour exciter la furprise,dont on n'eft frappé qu'une fois, mais parce que des impreffions foudaines font plus fortes, & que la rapidité du paffage rend le contrafte plus énergique (1).

Les différentes fcenes que traverfe une carriere, font uniquement destinées à l'amufement paffager du voyageur qui ne s'y arrête point; au lieu que dans un jardin ce font des objets capitaux, auxquels toutes les routes de communication font fubordonnées ainfi tous les efforts de l'art doivent tendre à donner à chaque fcene affez d'importance,

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(1) Cette diftinction paroîtra peut-être un peu fubtile: des contraftes rapides & des impreffions foudaines ont

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