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d'Enfield. Ce temple eft de forme ovale, & entouré d'une colonnade. Du côté du ftyle &des dimenfions, il figureroit dignement dans le plus vaste paysages cependant l'air antique & la ruftique architecture de fes colonnes doriques fans bafes, la fculpture modeste qui orne les deffus de porte, où l'on ne voit qu'une boulette, un chalumeau, & une bourfe de pasteur; enfin l'extrême fimplicité qui regne dans l'ensemble & les détails du temple, eft fi parfaitement analogue au bois qui le dérobe à la vue, que tout homme capable de fentir les charmes d'une fcene fi champêtre, & fi digne de l'ancienne Arcadie, regretteroit que le bâtiment qui l'anime & y jette tant d'intérêt, fût deftiné à l'ornement d'une autre perfpective.

Mais d'un autre côté, le champ le plus fpacieux, ni la plus vaste peloufe couverte de troupeaux, ne dédaigneront point de recevoir pour ornement une cabane, une grange hollandoife ou une pile de foin; & ces objets, quoique petits & communs, ne font pas auffi inutiles à un paysage, qu'on se

roit d'abord tenté de le croire.

pagne de M. Sharpe,près de Bernet,au nord de Midlesex, à dix milles de Londres. Ce bois d'Enfield eft grand comme

Je pourrois apporter ici un nombre infini d'exemples, qui prouveroient l'impoffibilité de reftreindre chaque efpece de bâtimens à une fituation particuliere, d'après quelques principes généraux. Les manieres dont ils peuvent être appliqués aux scenes de la nature, font prefque auffi variées leurs conftructions.

que

XLIII.

Des ruines. Defcription de l'Abbaye de Tintern. AJOUTONS à ces grandes variétés celles que produifent les ruines, qui forment une classe particuliere elles font belles comme objets, trèsexpreffives comme caracteres, & particuliérement destinées à former avec leurs ornemens acceffoires, des grouppes exrêmement élégans. Elles s'accommodent aisément à l'irrégularité du terrein, & leur défordre en emprunte même des beautés. Elles s'uniffent parfaitement avec les arbres & les bofquets (1), & leur interruption est encore un (avantage; car elles ne doivent avoir rien de par

(1) Ou petits bois ouverts fans taillis. Il ne faut pas oublier la fignification de tous ces mots devenus techniques dans cet ouvrage.

fait, & qu'on puiffe faifir tout d'un coup. Leur effet propre eft d'exercer l'imagination, en la portant fort au-delà de ce qu'on voit. Il faut qu'elles foient fouvent féparées en morceaux détachés ; & fi leur rapport eft bien confervé, il n'eft pas même néceffaire qu'elles aient l'apparence de la contiguïté mais des ruines éparses font un vilain effet, lorfque leurs différentes parties font de la même grandeur. Il faut qu'il y ait un fragment beaucoup plus confidérable que les autres,

pour

mun,

les ramener à lui comme à un centre com& imprimer dans l'ame le caractere de grandeur: les petits fragmensne femblent marquer alors les débris d'un vafte édifice, & non ceux de que plufieurs bâtimens.

Toutes les ruines piquent notre curiofité fur l'état ancien de l'édifice, & fixent notre attention fur l'ufage auquel il étoit deftiné. Indépendamment des caracteres qu'expriment leur ftyle & leur pofition, elles font naître des idées que les bâtimens mêmes, s'ils fubfiftoient, ne produiroient jamais. Quantité d'anciens édifices fervent aujourd'hui à d'autres ufages que ceux pour lesquels ils avoient été conftruits (1): une abbaye ou un châ

(1) Il n'y a guere de pays qui en offre plus d'exemples

teau qui fubfiftent encore, ne font plus qu'une fimple habitation: il n'y a que l'histoire & des ruines qui confervent la mémoire des anciens tems, & du goût de chaque fiecle dont on voit encore des traces. Ce fouvenir eft marqué par le regret & la vénération : fentimens qui ne fe bornent pas à ces débris épars fous nos yeux; l'idée d'un féjour antique rappelle les plaifirs fimples dont on y jouiffoit, & ces fiecles heureux où régnoit l'hospitalité. Tout bâtiment qui tombe en ruine, nous présente un contrafte entre fon état préfent & fon état paffé, & nous donne le plaifir d'en faire la comparaison. Il est vrai que de tels effets n'appartiennent proprement qu'à des ruines réelles; mais des ruines artificielles peuvent auffi les produire jufqu'à un certain degré. Les impreffions n'ont pas la même force', mais elles font de la même nature; & quoique la représentation ne rappelle point de faits à la mémoire, elle peut beaucoup exercet l'imagination. Pour y réuffir, il faut que le def

que l'Angleterre. Pour ne parler que de Londres, le palais de Saint-James étoit autrefois un monaftere. La belle chapelle de Whitehall s'appelle la falle des banquets; la falle où s'affemble la chambre des communes, étoit une chapelle dédiée à Sainte Catherine.

fein de l'ancien bâtiment fuppofé, foit évident, fon utilité fenfible, & fa figure aisée à tracer : on ne doit point hasarder de fragmens qui ne puiffent fe rapporter à un tout, & n'aient entr'eux une connexion évidente. Il faut qu'ils n'aient rien d'embarraffé dans leur plan, rien dont on n'apperçoive aifément l'application. Des conjectures fur la forme premiere, feroient naître des doutes fur l'exiftence de l'ancienne. L'efprit ne doit point héfiter, il faut que l'exactitude & la vérité de la reffemblance ne lui permettent pas l'examen de la réalité.

Dans les ruines de l'abbaye de Tintern (1), on diftingue parfaitement l'ancienne construction de l'églife. C'eft fur-tout cette fingularité qui les rend fi célebres comme objet de curiofité & de réflexions. Les murs font prefque entiers; la voûte feule eft abattue; mais la plupart des colonnes qui féparoient les bas-côtés, fubfiftent encore,ainsi que les bafes de celles qui ont été renversées; au milieu de la nef, quatre magnifiques arcades qui foutenoient autrefois le clocher, s'élevent fort au

(1) Cette abbaye ruinée, fe trouve entre Monmouth & Chepstowe, près la petite riviere de Wye, qut fe jette

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