sceptiques, avaient éclaté de nouveau, enflammées par le catholicisme bigot du prince et par les craintes justifiées de la nation. Le poëte, qui, dans la Religion d'un laïque, était encore anglican tiède et demi-douteur, entraîné peu à peu par ses inclinations absolutistes, s'était converti à la religion catholique, et, dans son poëme de la Biche et la Panthère, il combattit pour sa nouvelle foi. « La nation, dit-il en commençant, est dans une trop grande << fermentation pour que je puisse attendre guerre loyale ou même simplement quartier des lecteurs « du parti contraire'. » Et là-dessus, empruntant les allégories du moyen âge, il représente toutes les sectes hérétiques comme des bêtes de proie acharnées contre une biche blanche d'origine céleste; il n'épargne ni les comparaisons brutales, ni les sarcasmes grossiers, ni les injures ouvertes. La discussion est toute serrée et théologique. Ses auditeurs ne sont pas de beaux esprits occupés à voir comment on peut orner une matière sèche, théologiens par occasion et pour un moment, avec défiance et ré (( A beardless chief, a rebel, e'er a man: Groan'd, sigh'd, and pray'd, while godliness was gain, (The Medal.) 1. The nation is in too high a ferment for me to expect either fair war, or even so much as fair quarter, from a reader of the opposite party. serve, comme Boileau dans son amour de Dieu. Ce sont des opprimés, à peine soulagés depuis un instant d'une persécution séculaire, attachés à leur foi par leurs souffrances, respirant à demi parmi les menaces visibles et les haines grondantes de leurs ennemis contenus. Il faut que leur poëte soit dialecticien comme un docteur d'école; il a besoin de toute la rigueur de la logique; il s'y accroche en nouveau converti, tout imbu des preuves qui l'ont arraché à la foi nationale, qui le soutiennent contre la défaveur publique, fécond en distinctions, marquant du doigt le défaut des arguments, divisant les réponses, ramenant l'adversaire à la question, épineux et déplaisant pour un lecteur moderne, mais d'autant plus loué et aimé de son temps. Il y a dans tous ces esprits anglais un fonds de sérieux et de véhémence; la haine s'y soulève, toute tragique, avec un éclat sombre comme la houle d'une mer du Nord. Au milieu de ses combats publics, Dryden s'abattit sur un ennemi privé, Shadwell, et l'accabla d'un immortel mépris'. Le grand style épique et la rime solennelle vinrent assener le sarcasme, et le malheureux rimeur, par un triomphe dérisoire, fut traîné sur le char poétique où la Muse assied les héros et les dieux. Dryden peignit l'Irlandais Flecknoë, antique roi de la sottise, délibérant pour trouver un successeur digne de lui, et choisissant Shadwell, héritier de son bavardage, propa 1. Mac-Fleknoč. gateur de la niaiserie, glorieux vainqueur du sens commun. De toutes parts, à travers les rues jonchées de les nations s'assemblent pour paperasses, contempler le jeune héros, debout auprès du trône paternel, le front ceint de brouillards mornes, laissant errer sur son visage le fade sourire de l'imbécillité contente'. Son père le bénit : « Règne, mon fils, depuis l'Irlande jusqu'aux Barbades loin<«<taines. Avance tous les jours plus loin dans la « sottise et l'impudence; d'autres t'enseigneront le « succès; apprends de moi le travail infécond, les << accouchements avortés. Ta muse tragique fait << sourire, ta muse comique fait dormir. De quelque (( fiel que tu charges ta plume, tes satires inoffen«<sives ne peuvent jamais mordre. Quitte le théâtre, 1. The hoary prince in majesty appear'd, High on a throne of his own labours rear'd. In his sinister hand, instead of ball, He placed a mighty mug of potent ale. 2. Iles où l'on transportait les condamnés. 3. « Heav'n bless my son, from Ireland let him reign, To far Barbadoes on the western main; Of his dominion may no end be known, And greater than his father's be his throne; Beyond Love's Kingdom let him stretch his pen! » <«<et choisis pour régner quelque paisible province << dans le pays des acrostiches '. » Ainsi se déploie l'insultante mascarade, non point étudiée et polie comme le Lutrin de Boileau, mais pompeuse et crue, poussée en avant par un souffle brutal et poétique, comme on voit un grand navire entrer dans les bourbes de la Tamise, toutes voiles ou vertes et froissant l'eau. 1. advance He paus'd; and all the people cried, Amen. Yet not one thought accuse thy toil of wit. « Like mine, thy gentle numbers feebly creep; In thy felonious heart, though venom lies, It does but touch thy Irish pen, and dies. Thy genius calls thee not to purchase fame In keen Iambics, but mild Anagram. Leave writing plays, and choose for thy command VIII C'est dans ces trois poëmes que le grand art d'écrire, signe et source de la littérature classique, apparut pour la première fois. Un nouvel esprit naissait et renouvelait l'art avec le reste; désormais et pour un siècle, les idées s'engendrent et s'ordonnent par une loi différente de celle qui jusqu'alors les a formées. Sous Spenser et Shakspeare, les mots vivants comme des cris ou comme une musique faisaient voir l'inspiration intérieure qui les lançait. Une sorte de vision possédait l'artiste; les paysages et les événements se déroulaient dans son esprit comme dans la nature; il concentrait dans un éclair tous les détails et toutes les forces qui composent un être, et cette image agissait et se développait en lui comme l'objet hors de lui; il imitait ses personnages, il entendait leurs paroles; il trouvait plus aisé de les répéter toutes palpitantes que de raconter ou d'expliquer leurs sentiments; il ne jugeait pas, il voyait ; il était involontairement acteur et mime; le drame était son œuvre naturelle, parce que les personnages y parlent et que l'auteur n'y parle pas. Voici que cette conception complexe et imitatíve se décolore et se décompose; l'homme n'aperçoit plus les choses d'un jet, mais par détails; il tourne autour d'elles pas à pas, portant sa lampe tour à tour sur toutes leurs parties. La flamme qui . |