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avec elles. Le gouvernement a cru devoir respecter l'éternité de ce peuple, qui est parvenu jusqu'à nous à travers les révolutions et les débris des siècles, et qui, pour tout ce qui concerne son sacerdoce et son culte, regarde comme un de ses plus grands priviléges de n'avoir d'autres règlements que ceux sous lesquels il a toujours vécu, parce qu'il regarde comme un de ses plus grands priviléges de n'avoir que Dieu même pour législateur.

Motifs du projet de loi proposé.

Après avoir développé les principes qui ont été la base des opérations du gouvernement, je dois m'expliquer sur la forme qui a été donnée à ces opérations.

Dans chaque religion, il existe un sacerdoce ou un ministère chargé de l'enseignement du dogme, de l'exercice du culte, et du maintien de la discipline. Les choses religieuses ont une trop grande influence sur l'ordre public, pour que l'État demeure indifférent sur leur administration.

D'autre part, la religion en soi, qui a son asile dans la conscience, n'est pas du domaine direct de la loi : c'est une affaire de croyance, et non de volonté. Quand une religion est admise, on admet, par raison de conséquence, les principes et les règles d'après lesquels elle se gouverne.

Que doit donc faire le magistrat politique en matière religieuse? connaître et fixer les conditions et les règles sous lesquelles l'État peut autoriser, sans danger pour lui, l'exercice public d'un culte.

C'est ce qu'a fait le gouvernement français relativement au culte catholique. Il a traité avec le pape, non comme souverain étranger, mais comme chef de l'Église universelle, dont les catholiques de France font partie. Il a fixé avec ce chef le régime sous lequel les catholiques continueront à professer leur culte en France. Tel est l'objet de la convention passée entre le gouvernement et Pie VII, et des articles organiques de cette convention.

Les protestants français n'ont point de chef, mais ils ont des ministres et des pasteurs : ils ont une discipline qui n'est pas la même dans les diverses confessions. On a demandé les instructions convenables; et d'après ces instructions, les articles organiques des diverses confessions protestantes ont été réglés.

Toutes ces opérations ne pouvaient être matière à projet de loi; car, s'il appartient aux lois d'admettre ou de rejeter les divers cultes, les divers cultes ont par eux-mêmes une existence qu'ils ne peuvent tenir des lois, et dont l'origine n'est pas réputée prendre sa source dans des volontés humaines.

En second lieu, la loi est définie par la constitution, un acte de la volonté générale. Or, ce caractère ne saurait convenir à des institutions qui sont nécessairement particulières à ceux qui les adoptent par conviction et par conscience. La liberté des cultes est le bienfait de la loi; mais la nature, l'enseignement et la discipline de chaque culte sont des faits qui ne s'établissent pas par la loi, et qui ont leur sanctuaire dans le retranchement impénétrable de la liberté du cœur.

La convention avec le pape, et les articles organiques de cette convention, participent à la nature des traités diplomatiques, c'est-à-dire à la nature d'un véritable contrat. Ce que nous disons de la convention avec le pape s'applique aux articles organiques des cultes protestants. On ne peut voir en tout cela l'expression de la volonté souveraine et nationale; on n'y voit au contraire que l'expression et la déclaration particulière de ce que croient et de ce que pratiquent ceux qui appartiennent aux différents cultes.

Telles sont les considérations majeures qui ont déterminé la forme dans laquelle le gouvernement vous présente, citoyens législateurs, les divers actes relatifs à l'exercice des différents cultes, dont la liberté est solennellement garantie par nos lois; et ces mêmes considérations déterminent l'espèce de sanction que ces actes comportent.

C'est à vous, citoyens législateurs, qu'il appartient de con

sacrer l'important résultat qui va devenir l'objet d'un de vos décrets les plus solennels.

Les institutions religieuses sont du petit nombre de celles qui ont l'influence la plus sensible et la plus continue sur l'existence morale d'un peuple. Ce serait trahir la confiance nationale que de négliger ces institutions. Toute la France réclame à grands cris l'exécution sérieuse des lois concernant la liberté des cultes.

Par les articles organiques des cultes on apaise tous les troubles, on termine toutes les incertitudes, on console le malheur, on comprime la malveillance, on rallie tous les cœurs, on subjugue les consciences même, en réconciliant, pour ainsi dire, la révolution avec le ciel.

La patrie n'est point un être abstrait. Dans un État aussi étendu que la France, dans un État où il existe tant de peuples divers sous des climats différents, la patrie ne serait pas plus sensible pour chaque individu que ne peut l'être le monde, si on ne nous attachait à elle par des objets capables de la rendre présente à notre esprit, à notre imagination, à nos sens, à nos affections. La patrie n'est quelque chose de réel qu'autant qu'elle se compose de toutes les institutions qui peuvent nous la rendre chère. Il faut que les citoyens l'aiment; mais pour cela, il faut qu'ils puissent croire en être aimés. Si la patrie protége la propriété, le citoyen lui sera attaché comme à sa propriété même.

On sera forcé de convenir que, par la nature des choses, les institutions religieuses sont celles qui unissent, qui rapprochent davantage les hommes, celles qui nous sont le plus habituellement présentes dans toutes les situations de la vie, celles qui parlent le plus au cœur, celles qui nous consolent le plus efficacement de toutes les inégalités de la fortune, et qui seules peuvent nous rendre supportables les dangers et les injustices inséparables de l'état de société; enfin, celles qui, en offrant des douceurs aux malheureux et en laissant une issue au repentir du criminel, méritent le mieux d'être regardées comme les compagnes secourables de notre faiblesse.

Quel intérêt n'a donc pas la patrie à protéger la religion, puisque c'est surtout par la religion que tant d'hommes destinés à porter le poids du jour et de la chaleur peuvent s'attacher à la patrie!

Citoyens législateurs, tous les vrais amis de la liberté vous béniront de vous être élevés aux grandes maximes que l'expérience des siècles à consacrées, et qui ont constamment assuré le bonheur des nations et la véritable force des empires.

(18 Germinal 1802, 8 avril.)

Au nom du peuple Français, Bonaparte, premier consul, proclame loi de la république le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 18 germinal an X, conformément à la proposition faite par le gouvernement du 15 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.

DÉCRET.

La convention passée à Paris, le 26 messidor an IX, entré le pape et le gouvernement français, et dont les ratifications ont été échangées à Paris le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801), ensemble les articles organiques de ladite convention, dont la teneur suit, seront promulgués et exécutés comme des lois de la république.

CONVENTION

Entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII, échangée le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801) '.

Le premier consul de la république française, et Sa Sainteté le souverain pontife Pie VII, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs :

Ce traité est généralement connu sous le nom de Concordat de l'an X ou de 1802. Ce n'est pas ici le lieu de retracer l'histoire des diverses conventions conclues entre la France et la cour de Rome, relativement à l'organisation du culte. Dans cette note, nous devons nous borner à en rappeler les principales. En 1438, Charles VII, dans une assemblée des évêques et des grands du royaume, tenue à Bourges, avait adopté, avec quelques modifications, les

Le premier consul, les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'État, Cretet, conseiller d'État, et Bernier, docteur en

décrets du concile de Bâle, et en avait formé la pragmatique sanction. La pragmatique sanction, abolie par Louis XI, en 1467, fut rétablie par lui trois ans plus tard, et confirmée, en 1499, par Louis XII. Mais, en 1517, elle fut abolie de nouveau et remplacée par la convention ou concordat passé entre François Ier et Léon X. Ce concordat célèbre fut observé jusqu'à la loi du 12-24 juillet 1790, qui le rendit sans objet, en supprimant tous les bénéfices, à l'exception des évêchês et des cures, et en conférant aux assemblées électorales le choix des évêques et des curés.

En l'an X, ou 1802, fut conclu le concordat nouveau dont nous donnons ici le texte.

Le 25 janvier 1813, le prétendu concordat de Fontainebleau fut arraché au pape Pie VII, détenu dans le château de cette ville; mais deux jours après avoir souscrit ce traité, Sa Sainteté protesta, et déclara qu'elle se regardait comme déliée de tous ses engagements envers le gouvernement français. Ce concordat, quoique publié comme loi de l'État, le 13 février 1813, ne reçut donc aucune exécution sérieuse.

Après la Restauration, des négociations furent reprises avec le Saint-Siége, et elles amenèrent un autre concordat, qui fut signé le 11 juin 1817. Plusieurs des dispositions de cette convention avaient besoin de la sanction législative; un projet de loi fut, en conséquence, proposé aux Chambres; mais par suite de circonstances qu'il serait trop long d'expliquer ici, ce projet ne fut pas voté. Une nouvelle négociation s'ouvrit entre le pape et le roi, et un arrangement provisoire fut conclu en 1819. Il avait été stipulé que le nombre des archevêchés et évêchés serait augmenté; la loi de finances du 4 juillet 1821, les ordonnances des 19 octobre 1821 et 31 octobre 1822 furent l'exécution partielle de cet engagement.

Depuis, les choses étaient restées dans le même état jusqu'en 1833, malgré de vives attaques livrées, dans la Chambre des Députés, à l'occasion de la discussion des budgets, au concordat de 1817 et à la loi du 4 juillet 1821. Mais la loi du 26 juin 1833, portant fixation du budget des dépenses pour l'exercice de 1834, avait introduit une modification fort importante, quoique provisoire. L'art. 5 de cette loi portait : « A l'avenir, il ne sera pas affecté de fonds à la dotation des siéges épiscopaux et métropolitains, non compris dans le concordat de 1801, qui viendraient à vaquer, jusqu'à la conclusion définitive des négociations entamées à cet égard entre le gouvernement français et la cour de Rome. »--- Toutefois, le ministre des finances a dit à la Chambre des Pairs, en présentant cet article adopté malgré les efforts du gouvernement, qu'il espérait que la disposition conditionnelle qu'il renfermait ne recevrait pas d'application, soit que la Chambre des Députés revînt sur sa décision, soit que les négociations entamées arrivassent à leur conclusion avant la vacance d'aucun des nouveaux siéges. En 1834, la Chambre des Députés, sans rapporter directement l'art. 5 de la loi de 1833, l'a abrogé implicitement en allouant les fonds pour des siéges vacants non compris dans le concordat de 1802. Enfin cette année, il résulte de la discussion qui a eu lieu

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