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soumission, qu'elle ne profite qu'aux ennemis du sacerdoce, et que l'expérience qu'on en a faite jusqu'ici n'en a que trop démontré les inconvénients.

«< De leur côté, les partisans du statu quo rappellent (ce qui a été dit plus haut) que les curés ne sont pas d'institution divine; que l'inamovibilité n'est qu'un simple fait de discipline ecclésiastique, dont rien n'interdit la modification ou le changement; que la situation actuelle des desservants en France est réglée par des dispositions législatives que le souverain pontife lui-même a déclaré provisoirement obligatoires en conscience, ainsi que cela résulte d'une lettre écrite à l'évêque de Liége 1.

<«< Examinant ensuite la question au point de vue théorique, ils distinguent entre l'inamovibilité canonique et l'inamovibilité civile; et ils se demandent si ces deux inamovibilités peuvent être séparées ? Oui sans doute, selon le système radical de ceux qui veulent la séparation complète de l'Église et de l'État ; mais dans la situation présente, avec le maintien du budget des cultes dans les dépenses de l'État, avec une législation formelle qui stipule qu'aucune portion du territoire français ne peut être érigée en cures ou en succursales sans l'autorisation du Gouvernement, peut-on admettre la possibilité d'une telle séparation? Quels n'en seraient pas, du reste, les inconvénients, soit pour l'administration civile, soit pour l'administration religieuse !

« Voilà quelles sont à peu près les raisons produites de part et d'autre dans l'intérêt des deux systèmes. C'est donc ainsi que se présente la question :

« Faut-il étendre le bénéfice de l'inamovibilité à tous les desservants et curés des paroisses ou cuccursales?

<< Faut-il rétablir les officialités ccclésiastiques, et dans quelles conditions?

« Votre comité, Messieurs, a été unanime pour recon

. Voyez ci-avant la lettre en question. Par une lettre de M. le cardinal Lambruschini à M. l'évêque de Viviers, cette décision provisoire est déclarée applicable à la France.

naître qu'en l'état présent des choses et des esprits, la situation du clergé du second ordre, en ce qui touche les questions qui viennent d'être posées, appelle un sérieux examen et peut-être certaines réformes.

<< Voici comment s'exprime à ce sujet Mgr l'évêque de Digne, aujourd'hui archevêque de Paris, dans son Traité sur les Institutions diocésaines:

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« On a laissé, sans les relever de leurs ruines, les an<< ciennes institutions dans lesquelles le clergé du second << ordre puisait des garanties. Alors, voici ce qui est arrivé : « le presbytérianisme que les Organiques voulaient étouffer, « s'est reproduit par voie de réaction; l'autorité épiscopale, « méconnue et outragée par l'esprit de révolte, s'est trouvée « affaiblie à la suite même des moyens qu'on avait employés << pour la fortifier; cette situation, qui chaque jour peut em«pirer, cache à nos yeux, pour l'Église de France, les plus

graves périls. Elle doit fixer sérieusement l'attention du << gouvernement et surtout des évêques; pour nous, nous ne << cesserons de le répéter, le principal remède qui nous pa<< raîtrait devoir lui être opposé serait une organisation ecclé<< siastique plus conforme à la fois à l'esprit des canons et « à l'esprit d'une liberté bien entendue. >>

« Aux yeux de ce savant prélat, comme aux nôtres, le double intérêt du gouvernement temporel et de l'autorité spirituelle, se trouve engagé dans cette question, et c'est par un accord entre ces deux pouvoirs que les difficultés de son application doivent être résolues.

« Vainement dirait-on qu'il ne s'agit ici que de rétablir en ce point l'ancienne discipline de l'Église, ou plutôt de rapporter le décret organique qui avait incompétemment modifié cette discipline. Dès que l'Église a accepté cette modification, et y a conformé ses actes depuis près d'un demisiècle, il y a autre chose qu'un simple article de loi à rapporter.

« D'ailleurs, le souverain pontife a eu l'occasion de s'en expliquer, ainsi que nous l'avons déjà vu, et il l'a fait d'une

manière formelle qui lie positivement l'Église jusqu'à nou

velle décision.

« C'est donc vers cette décision nouvelle qu'il faut faire converger nos efforts dans l'intérêt de la cause que nous voulons tous servir, celle de la dignité et de la plus grande somme de bien-être du clergé, spécialement du clergé du second ordre.

<<< Les honorables auteurs de la proposition l'ont compris, et ils se sont associés à la pensée du comité en résumant leur projet et le formulant de la manière suivante :

« L'article 31 de la loi organique du Concordat est rap« porté en ce qui concerne la révocabilité des desservants.

<< Il sera ouvert immédiatement, par le gouvernement, des « négociations avec le souverain pontife, pour régler les con«ditions d'après lesquelles seront rétablies l'inamovibilité des « desservants et les officialités ecclésiastiques. >>

« C'est de cette proposition, ainsi modifiée par ses auteurs, que je suis chargé, Messieurs, au nom de votre comité des cultes, de vous proposer la prise en considération.

<< Dans une question qui intéresse si essentiellement le bienêtre et la dignité du clergé, c'est bien le moins qu'on donne la parole à l'Église, qu'on la consulte et qu'on reconnaisse formellement que rien ne peut être tenté, en fait de changement de discipline, que par elle-même ou de son consentement.

« Oh! certes, il eût été désirable que l'Église de France, réunie en concile national, résolût, en définitive, toutes ces questions de détail qui, depuis trente ans, donnent matière à une controverse trop souvent envenimée. Rien n'eût été plus beau que de voir, sous la seule protection des principes de liberté qui nous régissent désormais, une de ces réunions imposantes qui affermissent la foi et rassurent les consciences, proclamer là-dessus ses décisions souveraines. Tout en regrettant que les événements politiques et l'état d'ébranlement dans lequel se trouve la société française ne l'aient pas encore permis, le comité des cultes se borne à demander que le gou

vernement, sur l'invitation de l'Assemblée nationale, ouvre avec le souverain pontife des négociations touchant cette double question de l'inamovibilité et des officialités ecclésiastiques à rétablir en France; que ces négociations soient immédiates et promptement conduites. Ainsi l'on obtiendrait bientôt une solution que tout le monde désire; ce serait là un moyen pacifique et naturel de prouver à l'auguste pontife, si durement éprouvé, que l'antique esprit catholique de France survit à toutes les révolutions, et qu'elle n'a rien perdu de son respect et de son dévouement pour le Saint-Siége.

« Telles sont, Messieurs, les conclusions que votre comité des cultes a l'honneur de vous proposer.»

Ce rapport a été lu au comité et par lui adopté, dans la séance du 26 mars 1849.

Ont surtout pris part à cette discussion: MM. Arnaud de l'Ariége, de Charencey, Cenac, Chapot, Daniélo, de l'Épinay, Fayet, évêque d'Orléans, Fournier, Frechon, Gavaret, Graveran, évêque de Quimper, Isambert, Mispoulet, Moutou, Parisis, évêque de Langres, Pradié, Vaudoré, Vignerte, Vivien.

CHAPITRE XVI.

De l'Esprit des Législations antérieures sur les rapports de l'Église avec l'État, comparé à l'Esprit de l'Assemblée nationale de 1848, sur le même sujet.

Lorsque la révolution de Février à éclaté, emportant une dynastie qui semblait avoir poussé de profondes racines dans le pays, les hommes religieux craignirent un moment que la religion ne fût enveloppée dans le même naufrage. Mais les esprits les plus timides furent bientôt rassurés. La religion, loin de s'être identifiée avec la royauté qui venait de périr, s'était tenue, pendant dix-huit ans, dans une sage réserve, dans une noble et courageuse indépendance. C'est ce qui fit sa puissance. La révolution se fit contre le trône, mais elle respecta l'autel. Tout le monde se souvient de la vénération profonde que le peuple manifesta devant les signes du christianisme, et de l'adhésion franche et sincère avec laquelle le prêtre répondit à ces marques de respect, lorsque sur tous les points de la France il se prêta avec tant de bonne grâce aux demandes qui lui furent adressées de bénir les arbres de la liberté.

Les évêques non plus, comme nous l'avons démontré dans notre Introduction, ne restèrent pas indifférents à ce grand mouvement où chacun, sans exclusion aucune, depuis le cardinal jusqu'à l'humble séminariste, et depuis le grand seigneur d'autrefois jusqu'au dernier du prolétaire, eut la liberté de manifester son opinion, et de peser d'un poids égal dans l'urne d'où devaient sortir les nouvelles destinées de la France.

Quand le peuple eut parlé, quand toutes les influen

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