flamme étrange; tourments par lui-même inventés. Mais peut-être la route paroît difficile et roide pour escalader à tire d'aile un ennemi plus élevé? Ceux qui se l'imaginent peuvent se souvenir (si le breuvage assoupissant de ce lac d'oubli ne les engourdit pas encore) que de notre propre mouvement nous nous élevons à notre siége natif; la descente et la chute nous sont contraires. Dernièrement, lorsque le fier Ennemi pendoit sur notre arrière-garde rompue, nous insultant, et qu'il nous poursuivoit à travers le gouffre, qui n'a senti avec quelle contrainte et quel vol laborieux nous nous coulions bas ainsi? L'ascension est donc aisée. « On craint l'événement : faudra-t-il encore provoquer notre Plus Fort à chercher quel pire moyen sa colère peut trouver à notre destruction, s'il est en Enfer une crainte d'être détruit davantage? Que peut-il y avoir de pis que d'habiter ici, chassés de la félicité, condamnés dans ce gouffre abhorré à un total malheur; dans ce gouffre où les ardeurs d'un feu inextinguible doivent nous éprouver sans espérance de finir, nous les vassaux de sa colère, quand le fouet inexorable et l'heure de la torture nous appellent au châtiment? Plus détruits que nous ne le sommes, nous serions entièrement anéantis ; il nous faudroit expirer. Que craignons-nous donc? Pourquoi balancerions-nous à allumer son plus grand courroux, qui, monté à la plus grande fureur, nous consumeroit et annihileroit à la fois notre substance? beaucoup plus heureux que d'être misérables et éternels! Ou si notre substance est réellement divine et ne peut cesser d'être, nous sommes dans la pire condition de ce côté-ci du néant, et nous avons la preuve que notre pouvoir suffit pour troubler son Ciel et pour alarmer par des incursions perpétuelles son trône fatal, quoique inaccessible si ce n'est là victoire, du moins c'est vengeance. »> Il finit en sourcillant; et son regard dénonçoit une vengeance désespérée, une dangereuse guerre pour tout ce qui seroit moins que des dieux. Du côté opposé se leva Bélial, d'une contenance plus gracieuse et plus humaine. Les cieux n'ont pas perdu une plus belle créature : il sembloit créé pour la dignité et les grands exploits; mais en lui tout étoit faux et vide, bien que sa langue distillât la manne, qu'il pût faire passer la plus mauvaise raison pour la meilleure, embrouiller et déconcerter les plus mûrs conseils. Car ses pensées étoient basses; ingénieux aux vices, mais craintif et lent aux actions plus nobles: toutefois il plaisoit à l'oreille, et avec un accent persuasif il commença ainsi : I should be much for open war, O Peers, Of all his aim, after some dire revenge. First, what revenge? the towers of heaven are fill'd "Thus repulsed, our final hope Is flat despair: we must exasperate In the wide womb of uncreated night, Devoid of sense and motion? and who knows, "Wherefore cease we then? Say they who counsel war; we are decreed, Reserved, and destined to eternal woe; Whatever doing, what can we suffer more? What can we suffer worse? "Is this then worst, Thus sitting, thus consulting, thus in arms? What! when we fled amain, pursued and struck « Je serois beaucoup pour la guerre ouverte, ô pairs, comme ne restant point en arrière en fait de haine, si ce qui a été allégué comme principale raison pour nous déterminer à une guerre immédiate n'étoit pas plus propre à m'en dissuader et ne me sembloit être de sinistre augure pour tout le succès : celui qui excelle le plus dans les faits d'armes, plein de méfiance dans ce qu'il conseille et dans la chose en quoi il excelle, fonde son courage sur le désespoir et sur un entier anéantissement, comme le but auquel il vise, après quelque cruelle revanche. <«< Premièrement, quelle revanche? Les tours du Ciel sont remplies de gardes armés, qui rendent tout accès impossible. Souvent leurs légions campent au bord de l'abîme, ou d'une aile obscure fouillent au loin et au large les royaumes de la nuit, sans crainte de surprise. Quand nous nous ouvririons un chemin par la force, quand tout l'Enfer sur nos pas se lèveroit, dans la plus noire insurrection, pour confondre la plus pure lumière du Ciel, notre grand Ennemi tout incorruptible demeureroit encore sur son trône non souillé, et la substance éthérée incapable de tache sauroit bientôt expulser son mal et purger le Ciel du feu inférieur victorieux. « Ainsi repoussés, notre finale espérance est un plat désespoir : il nous faut exciter le Tout-Puissant vainqueur à épuiser toute sa rage et à en finir avec nous; nous devons mettre notre soin à n'être plus; triste soin! Car qui voudroit perdre, quoique remplies de douleur, cette substance intellectuelle, ces pensées qui errent à travers l'Éternité, pour périr, englouti et perdu dans les larges entrailles de la nuit. incréée, privé de sentiment et de mouvement? Et qui sait, même quand cela seroit bon, si notre Ennemi courroucé peut et veut nous donner cet anéantissement? Comment il le peut est douteux; comment il ne le voudra jamais est sûr. Voudra-t-il, lui si sage, lâcher à la fois son ire, apparemment par impuissance et par distraction, pour accorder à ses ennemis ce qu'ils désirent et pour anéantir dans sa colère ceux que sa colère sauve afin de les punir sans fin? « Qui nous arrête donc? disent ceux qui conseillent la guerre. Nous sommes jugés, réservés, destinés à un éternel malheur. Quoi que nous fassions, que pouvons-nous souffrir de plus? que pouvons-nous souffrir de pis? «Est-ce donc le pire des états que d'être ainsi siégeant, ainsi délibérant, ainsi en armes? Ah! quand nous fuyions, vigoureusement poursuivis et frappés du calamiteux tonnerre du Ciel, et quand nous With heaven's afflicting thunder, and besought My voice dissuades; for what can force or guile Views all things at one view? He from heaven's height Not more almighty to resist our might, Than wise to frustrate all our plots and wiles. "Shall we then live thus vile, the race of heaven, Thus trampled, thus expell'd, to suffer here Chains and these torments? better these than worse, Subdues us, and omnipotent decree, Our strength is equal; nor the law unjust "I laugh, when those, who at the spear are bold And venturous, if that fail them, shrink and fear What yet they know must follow, to endure Exile, or ignominy, or bonds, or pain, The sentence of their Conqueror. "This is now Our doom; which if we can sustain and bear, His anger; and perhaps thus far removed Not mind us not offending, satisfied With what is punish'd: whence these raging fires suppliions l'abîme de nous abriter, cet Enfer nous paroissoit alors un refuge contre ces blessures; ou quand nous demeurions enchaînés sur le lac brûlant, certes, c'étoit un pire état! - Que seroit-ce si l'haleine qui alluma ces pâles feux se réveilloit, leur souffloit une septuple rage et nous rejetoit dans les flammes, ou si là-haut la vengeance intermittente réarmoit sa Droite rougie pour nous tourmenter? Que seroit-ce si tous ses trésors s'ouvroient et si ce firmament de l'Enfer versoit ses cataractes de feu; horreurs suspendues menaçant un jour nos têtes de leur effroyable chute? Tandis que nous projetons ou conseillons une guerre glorieuse, saisis peut-être par une tempête brûlante, nous serons lancés et chacun sur un roc transfixés, jouet et proie des tourbillons déchirants, ou plongés à jamais, enveloppés de chaînes, dans ce bouillant océan. Là nous y converserons avec nos soupirs éternels, sans répit, sans miséricorde, sans relâche pendant des siècles, dont la fin ne peut être espérée : notre condition seroit pire. Ma voix vous dissuadera donc pareillement de la guerre ouverte ou cachée. Car que peut la force ou la ruse contre Dieu, ou qui peut tromper l'esprit de celui dont l'œil voit tout d'un seul regard? De la hauteur des Cieux il s'aperçoit et se rit de nos délibérations vaines, non moins tout-puissant qu'il est à résister à nos forces qu'habile à déjouer nos ruses et nos complots. « Mais vivrons-nous ainsi avilis? La race du Ciel restera-t-elle ainsi foulée aux pieds, ainsi bannie, condamnée à supporter ici ces chaînes et ces tourments?... Cela vaut mieux que quelque chose de pire, selon moi, puisque nous sommes subjugués par l'inévitable sort et le décret tout-puissant, la volonté du Vainqueur. Pour souffrir, comme pour agir, notre force est pareille; la loi qui en a ordonné ainsi n'est pas injuste ceci dès le commencement auroit été compris si nous avions été sages en combattant un si grand ennemi, et quand ce qui pouvoit arriver étoit si douteux. « Je ris quand ceux qui sont hardis et aventureux à la lance se font petits lorsqu'elle vient à leur manquer; ils craignent d'endurer ce qu'ils savent pourtant devoir suivre l'exil, ou l'ignominie, ou les chaînes, ou les châtiments, loi de leur vainqueur. Tel est à présent notre sort; lequel si nous pouvons nous y soumettre et le supporter, notre suprême Ennemi pourra avec le temps adoucir beaucoup sa colère; et peut-être si loin de sa présence, ne l'offensant pas, il ne pensera pas à nous, satisfait de la punition subie. De là ces feux cuisants se ralentiront, si son souffle ne ranime pas |