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Le plus haut rang pour lui n'est qu'un plus haut écueil;
Son désespoir l'y suit, conseiller téméraire,

Qui rallume l'audace au feu de la colère.
C'était trop peu pour lui du trône des enfers;
Mal instruit par sa chute, il brave les revers;
Et flattant de ses vœux l'orgueilleuse impuissance,
Il déploie en ces mots sa superbe espérance:

«Rois, princes, potentats, divinités du ciel,
Car puisque cet élan d'un esprit immortel,
Tout accablé qu'il est d'un joug illégitime,
Ne peut rester captif dans l'éternel abîme,
Croirai-je que le ciel soit à jamais perdu?
Non, vers l'heureux séjour dont il est descendu,
Sa chute lui redonne un espoir plus rapide :
Qui tomba sans frayeur, se relève intrépide.
Pour moi, mon rang suprême et votre libre choix
Sur le trône où je siège établissent mes droits;

Et peut-être à ces droits, dont mon orgueil s'honore,
Ce
que j'ai fait
pour vous peut ajouter encore:
Enfin, dans ce haut rang, j'ai pour moi nos revers.

Il est peu d'aspirans au sceptre des enfers;

C'est au séjour du ciel que doit régner l'envie :
Là, d'un dépit jaloux la faveur est suivie;

Mais de mon sceptre affreux qui voudrait se charger?
Plus le pouvoir est grand, plus grand est le danger.
D'où les biens sont bannis, l'ambition s'exile;
Le séjour du malheur de la paix est l'asile.
Qui voudrait, mécontent de sa part de douleurs,
En croissant de pouvoir, accroître ses malheurs;
Et, jaloux des dangers que le sort m'abandonne,
Disputer à mon front ma brûlante couronne?
Non, non,
laissons au ciel la folle ambition :

Of present pain, that with ambitious mind
Will covet more. With this advantage then
To union, and firm faith, and firm accord,
More than can be in Heaven, we now return
To claim our just inheritance of old,

Surer to prosper than prosperity

Could have assur'd us; and, by what best way,
Whether of open war, or covert guile,

We now debate: who can advise, may speak.

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He ceas'd; and next him Moloch, scepter'd king, Stood up the strongest and the fiercest spirit That fought in Heaven, now fiercer by despair: His trust was with the' Eternal to be deem'd Equal in strength; and rather than be less Car'd not to be at all; with that care lost

Went all his fear of God, or Hell, or worse,

:

He reck'd not, and these words thereafter spake. «My sentence is for open war: of wiles,

More unexpert, I boast not: them let those
Contrive who need, or when they need, not now.
For, while they sit contriving, shall the rest,
Millions that stand in arms, ad longing wait
The signal to ascend, sit lingering here,
Heaven's fugitives, and for their dwelling-place
Accept this dark opprobrious den of shame,
The prison of his tyranny who reigns

By our delay? No, let us rather choose,
Arm'd with Hell-flames and fury, all at once,

O'er Heaven's high towers to force resistless way,

L'excès de nos malheurs scella notre union.

Mettant donc à profit un si triste avantage,
Osons reconquérir notre antique héritage;

Plus heureux, nous serions bien moins sûrs du bonheur.
Ecoutons l'intérêt, interrogeons l'honneur:

Pour réparer nos maux, pour venger notre perte,
Choisissons de la ruse ou de la guerre ouverte.
J'attends votre conseil. »>

Il achève; et soudain,

Le premier en pouvoir après son souverain,
De tous ceux qui formaient cette ligue coupable
Le plus fort, le plus fier, et le plus indomptable,
Moloch, qui se disait égal à l'Eternel,

Qui voulait ou périr ou régner dans le ciel,
Et dont le désespoir, aigri par ses disgraces,
Oublia Dieu, le ciel, l'enfer, et ses menaces,
L'affreux Moloch se lève, et s'exprime en ces mots:
«Vengeance! guerre ouverte à l'auteur de nos maux !
Je déteste la feinte, et connais peu la ruse;

Dans un pressant danger le lâche seul en use.

Quoi! tandis que le temps se perd en vains complots,
Faut-il que tout un peuple, indigné du repos,
Attendant le signal, dévore ici l'outrage,

Trop heureux d'obtenir un tranquille esclavage,
Et, captif résigné dans un coin des enfers,
De boire en paix la honte et de traîner ses fers;
Tandis que, triomphant de notre ignominie,
Par nos honteux délais règne la tyrannie!
Loin cette lâcheté! Partons, volons, brisons
Cette voûte infernale et ces noires prisons;

Turning our tortures into horrid arms

Against the torturer; when to meet the noise
Of his almighty engine he shall hear
Infernal thunder; and, for lightning, see
Black fire and horror shot with equal rage
Among his angels; and his throne itself
Mix'd with Tartarean sulphur, and strange fire,
His own invented torments.

But perhaps

The way seems difficult, and steep to scale
With upright wings against a higher foe.
Let such bethink them, if the sleepy drench
Of that forgetful lake benumb not still,
That in our proper motion we ascend
Up to our native seat : descent and fall
To us is adverse. Who but felt of late,
When the fierce foe hung on our broken rear
Insulting, and pursued us through the deep,
With what compulsion and laborious flight
We sunk thus low? The' ascent is easy then;
The' event is fear'd; should we again provoke
Our stronger, some worse way his wrath may find
To our destruction; if there be in Hell

Fear to be worse destroy'd. What can be worse
Than to dwell here, driven out from bliss, condemn'd
In this abhorred deep to utter woe;
Where pain of unextinguishable fire
Must exercise us, without hope of end,

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Armons-nous de ces fers, forgés pour nos souffrances;
Instrumens des douleurs, qu'ils le soient des vengeances.
Ces torrens sulfureux qu'alluma son courroux,
Contre leur propre auteur qu'ils marchent devant nous;
Renvoyons-lui les traits qu'il lança sur nos têtes:
Aux tempêtes du ciel opposons nos tempêtes.
Qu'il tonne : les éclairs répondront aux éclairs,
Nos foudres heurteront ses foudres dans les airs,
Ebranleront son trône, et, dans sa cour suprême,
Parmi ses chérubins l'iront chercher lui-même...
Mais, du fond des enfers, quel vol audacieux
Atteindra jusqu'à lui? De la hauteur des cieux
Son bras peut nous combattre avec trop d'avantage.
Vain effroi ! Savons-nous si le fatal breuvage
Des ondes de l'Oubli n'a pas de notre corps
Assoupi la vigueur, engourdi les ressorts?
L'ange aspire à monter, et résiste à descendre;
De ce noble besoin il ne peut se défendre :
Nous l'éprouvâmes tous, alors que nos débris
Tombaient précipités des célestes lambris,
Sous le poids accablant d'une main foudroyante.
C'est lui qui suspendait notre chute effrayante,
Luttait contre la foudre, et par un noble essor,
Vers notre ciel natal nous emportait encor.
On craint l'événement: il peut, ce Dieu terrible,
Accroître les horreurs de ce séjour horrible;
Sur nous son bras puissant pourra s'appesantir,
Achever sa vengeance, et nous anéantir!
Eh! quelle prise encore a sur nous la misère?
Que peut donc à l'enfer ajouter sa colère?
Arrachés au bonheur, déshérités du jour,
Exilés à jamais dans cet affreux séjour,

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