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nous viennent de la terre, et que la raison est un présent du ciel. Si tu ne peux lutter contre l'infortune, souviens-toi que Lysandre est ton père, et que Lasthénie est ta soeur! >>

La jeune fille écoutait ces paroles avec émotion; et lorsque Lycomède fut sur le point de partir, elle lui répéta ces mots :

<< Lasthénie est ta soeur! >>

<< Aristée était l'homme de Sestos le plus estimé pour sa droiture et ses talents. Il avait agrandi le commerce de ses concitoyens. Ses vaisseaux couvraient les mers de l'Europe, et tous les peuples de cette partie du monde étaient devenus tributaires de son industrie et de son activité. Il reçut Lycomède avec les égards dus au malheur, lui communiqua ses lumières, lui confia de grands intérêts; et, satisfait de sa fidélité, de ses travaux, de ses vertus, il l'adopta pour son fils.

Un sentiment plus vif que celui de la reconnaissance entraînait souvent Lycomède

vers le toit hospitalier de son premier ami, Il puisait de nouvelles forces dans les sages entretiens de Lysandre et dans les doux regards de Lasthénie.

Aristée tomba malade, et le fils d'Archélaüs lui rendit les soins les plus affectueux. On le voyait sans cesse auprès de la couche douloureuse du bon vieillard; il lui présentait lui-même des breuvages salutaires, et ses yeux ne s'abandonnèrent au sommeil que lorsqu'il fut certain de la guérison de son bienfaiteur.

Quelque temps après, Aristée fit appeler Lycomède, et lui parla en ces termes :

<< Mon fils, je succombe sous le fardeau de la vieillesse. Je désire me livrer au repos. Je te remets tous mes trésors et le soin de mes dernières années. Tu m'as souvent parlé d'Athènes, de ses pompes solennelles, de ses chefs-d'œuvre, de ses nobles monuments, et de l'aménité de son peuple. C'est dans cette ville que je veux finir mes jours.

>> -O mon père! s'écria Lycomède, je suis prêt à te suivre; mais il en coûte à mon cœur d'abandonner Lysandre et Lasthénie. »

Le vieillard garde le silence, et le jeune Athénien se retire incertain de sa destinée.

Le lendemain Aristée fait atteler son char, et se rend à la demeure de Lysandre.

« Je viens te demander une grâce, dit-il à son vieil ami. Lycomède aime ta fille: il faut les unir sous d'heureux auspices. Le spectacle de leur félicité réjouira nos derniers. jours. Nous réunirons nos pénates protecteurs, et des mains chéries fermeront nos yeux.

>>-Je consens à ta proposition, répondit Lysandre, mais je dois consulter ma fille. »

Lathénie était présente à ce discours. Cette vierge timide, parée de son innocence et de ses gràces, baisse les yeux en se penchant sur le sein de son père; et les deux vieillards, com

prenant ce silence de la pudeur, sourirent en se regardant.

Qui pourrait peindre la joie de Lycomède lorsqu'il reçut ces heureuses nouvelles? 11 vole, il arrive, et se précipite dans les bras d'Aristée. Celui-ci le conduit vers la fille de Lysandre.

<< Soyez unis, leur dit-il, et que le ciel bénisse votre hyménée. »>

Le jeune homme saisit en tremblant la main de Lasthénie, et dérobe à ses lèvres virginales le premier et le plus doux baiser de l'amour vertueux.

Le soir même la maison est entourée de guirlandes, et couverte de lumières; un prêtre de Jupiter annonce que le maître des dieux approuve cet hymen, et Lysandre, allumant le flambeau nuptial, conduit les jeunes époux à l'appartement qui leur est destiné. Il embrasse ses enfants, et se retire heureux de leur bonheur.

Théophraste allait continuer son récit lorsqu'il fut interrompu par Ménédème.

MÉNÉDÈME.

Je vous ai écouté avec attention, et je commence à voir quel est le but de votre récit. Vous voulez me prouver que l'homme n'est heureux que lorsqu'il soumet ses désirs à la raison, et qu'il jouit de sa propre estime et de l'estime publique.

THEOPHRASTE.

Vous avez saisi ma pensée, et je n'ai plus rien à vous dire. Suivez l'exemple de Lycomède. Il s'établit dans Athènes avec ses deux protecteurs. Soutenu par leurs conseils, il se distingua dans la carrière des armes et dans les fonctions civiles dont il fut chargé. Il était bienfaisant, il trouva des amis fidèles; son esprit était éclairé, et le goût des arts embellit ses loisirs. Croyez-vous que les plaisirs qu'il goûtait en cultivant les affections domestiques, en présidant au bonheur de Lasthenie et à l'éducation de ses enfants chéris, fussent moins vifs que les coupables voluptés

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