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Aux quatrième et cinquième siècles, la langue grecque était encore entendue à Arles'. Les caractères grecs dont se servaient les Gaulois, caractères que, selon quelques auteurs, ils auraient apportés avec eux d'Asie en Europe, mais qu'ils recurent des Phocéens, se sont conservés au-delà du sixième siècle.

Comme la langue celtique, la langue grecque fut étouffée par le latin, qui, introduit dans les Gaules par la conquête de César, devint en quelque sorte la langue naturelle du pays. Dès le temps de Tacite, les noms de famille adoptés par les personnages importans, à l'imitation des Romains, ont une tournure latine, même dans l'armée indépendante de

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du peuple (HOMÈRE, Iliade, lib. 2, v. 198); paxpà pian, grande amie (THEOCRITE); xalapas avλov, flûte de canne ( Ibid. ); εορτην ποιεῖν faire une fête ; ορθώσαι υμνον (PIND., Olymp., 1. 3, v. 5), dresser un contrat, un plan; μυρίαν χαριν, mille grâces (EURIP., Alc., v. 554); επ' ἄμφω καθεύδειν, dormir sur les deux oreilles ; οφρα ιδης Μενέλαον (Hoм., Iliad., liv. 4, v. 205), voir un malade, en parlant d'un médecin; aquatos eiç ayatoio (Id., Odyss., 1. 4, v. 611), vous êtes d'un bon sang; oixias péyaλng av (PLAT., In Men.), il était d'une grande maison; JaTTov ʼn Badny (XENOPH., Hist. Græc., v. 4, 53), plus vite que le pas; v autoïç εidevaι (DEMOSTH., De falsá lege, 20), c'était à eux de savoir; πoi coû roda xuxhet (EURIP., Oreste, v. 631), où tournez-vous vos pas? (DE MAISTRE, t. I, p. 177.).

Benedict., t. I, p. 56.

Civilis. Perdue dans l'empire du peuple-roi, indifférente aux intérêts politiques, la Gaule chercha dans la littérature et la philosophie une distraction, et la gloire qui lui manquait. Bientôt la jeunesse gauloise parla familièrement la langue de Cicéron et de Virgile. On voit des académies et des prix d'éloquence en divers endroits des Gaules. Sous Tibère, Autun comptait quarante mille étudians, au rapport de Suétone et d'Ausone. Les Gaules furent heureuses sous Constance Chlore, sous Constantin, sous Constantin II et Constant. Quelques lois de ces deux derniers princes, dans le Code théodosien, portent la date de Trèves, Boulogne et Autun. Elles ont surtout pour but d'encourager les lettres. Julien aimait les Gaules. Après en avoir repoussé les barbares, il releva les murailles des villes qui avaient été détruites pendant la guerre. Il orna surtout et embellit Paris, jusque-là ville faible et presque sans nom. Il éleva sur la rive méridionale du fleuve quelques édifices publics, dont les ruines n'ont pas entièrement péri 2. Les écrivains gaulois furent les dernières illustrations de la

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Le palais des Thermes fut le séjour de quelques rois mérovingiens. Ses débris ont formé le college de la Sorbonne, le monastère des Mathurins, la rue Saint-Jacques. Ses étages

littérature latine. La poésie trouva dans Ausone un heureux imitateur de l'élégance classique. Son poème sur la Moselle, quelques-unes de ses idylles sont bien supérieures à la poésie de son temps. Sous Constance Chlore, les écoles d'éloquence à Autun, dirigées par l'orateur Eumène, brillèrent du plus vif éclat. Au quatrième siècle, un dessin géographique du monde entier ornait les murs de l'école d'Autun. Vingt autres villes gauloises avaient des écoles aussi florissantes. Gratien, fils aîné de Valentinien, élevé par le poète Ausone, pendant un règne de neuf ans ne s'éloigna guère des Gaules, où il publia quelques lois utiles', surtout pour encourager la culture des lettres. Sous Honorius même, plusieurs villes s'étaient élevées à une grande population et une grande richesse. Trèves, Aix-la-Chapelle, Strasbourg avaient servi tour à tour de résidence impériale; l'on y avait construit, à l'imitation de Rome, des palais magnifiques, des

pompeux et ses jardins balancés dans les airs, ont été célébrés par le poète Fortunat. (Lib. 6, cam. 8.)

Saint-Benoît est bâti sur l'emplacement d'un temple de Bacchus; et, au quatorzième siècle encore, le peuple adorait saint Bacch et fêtait saint Benoît, le jour même où, sous la domination romaine, on célébrait le dieu du vin à l'ombre des treilles de Lutèce.

' Lex XI.

bains, des cirques et des théâtres. Trèves, chef-lieu de la préfecture des Gaules, se trouvait en quelque sorte la capitale d'un grand empire; Arles, résidence du vicaire propre des Gaules, participait à cette magnificence.

L'invasion des Francs surprit les Gaulois dans cette prospérité, et dans les loisirs de la littérature. La rudesse germanique vint s'attaquer et bientôt céder aux charmes de cette civilisation qu'elle effraya d'abord. Le dialecte des Germains frappait désagréablement les oreilles des jeunes Gaulois, et ils disaient que le son de la lyre bourguignonne faisait fuir les muses épouvantées. Cependant toutes les villes, à l'exception de Marseille, continuèrent à entretenir des écoles célèbres. Sous la domination des Bourguignons, Lyon et Vienne conservèrent les leurs; Bordeaux et Arles fleurirent sous les Visigoths; Clermont, Agen, Périgueux, continuèrent aussi à cultiver les lettres et les sciences. Les fils de Théodoric s'instruisirent aux écoles de la Gaule, s'y adonnèrent à l'étude des lois, et s'y formèrent à l'harmonie d'un plus noble langage.

Cette prospérité des études dans la Gaule. au milieu des invasions successives qui la troublèrent, s'explique par le caractère des con-quérans, et aussi par leurs anciennes relations

avec l'empire romain. Les Francs, quand ils parurent dans les Gaules, n'étaient plus barbares. Mêlés depuis long-temps aux dignités, à la vie, à la politique romaines, ils y avaient adouci leur primitive âpreté. D'ailleurs, les Francs se séparaient naturellement des autres barbares par des mœurs moins rudes. Les Francs, suivant Procope, se distinguaient par leur politesse et leur urbanité. Agathias leur donne le même éloge. La conquête fut donc tempérée et par le caractère même des vainqueurs, et par la manière dont elle se fit.

Les Francs s'étaient mis en possession de l'empire long-temps avant de déclarer leur avénement. Appelés par les empereurs au commandement des armées, au partage des dignités, ils avaient saisi toutes les avenues du pouvoir : ils ne prirent pas l'empire, ils en héritèrent. La première race ne fut qu'un changement de dynastie, et, sous un nom nouveau, la continuation de la vie et de l'administration

· Εἰσὶ γὰρ οἱ Φράγγοι, οὐ νομάδες, ὥσπερ ἀμέλει ἔνιοι τῶν βαρβάρων, ἀλλὰ καὶ πολιτείᾳ ὡς τὰ πολλὰ χρῶνται Ρωμαϊκή ἔχουσι δὲ καὶ ἄρχοντας ἐν ταῖς πόλεσι καὶ ἱερεῖς, καὶ τὰς ἑορτὰς ὁμοίως ἡμῖν ἐπιτελοῦσι, καὶ ὡς ἐν βαρβάρω γένει, ἔμοιγε δοκοῦσι σφόδρα εἶναι κοσμιοί τε καὶ ἀστειότατοι καὶ οὐδέν τι ἔχειν τὸ διαλλάττον ἢ μόνον τὸ βαρβαρικὸν τῆς στολῆς καὶ τὸ τῆς φωνῆς idov. (Agathiæ de Francis lib. I, cap. 2.)

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