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sur le sol gaulois les germes d'une science véritable, un goût plus pur, des mœurs plus douces, et la liberté. Les lois et les coutumes de la Grèce régnèrent dans le midi de la Gaule. Marseille, plus heureuse que Carthage, alliait le génie du commerce au génie des lettres. Rivale d'Athènes, comme elle, elle vit les Romains venir chercher les enseignemens de ses maîtres et les beautés de son climat. Unie à Rome par des alliances honorables 3, Marseille devint la Grèce des Romains, et leur province pour les armes; d'où le nom de Provence. Son influence se répandit au loin. Ses colonies bâtirent Agde, Nice, Antibes, Arles, Narbonne, Vienne, Toulouse, Nîmes, Bordeaux.

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La Gaule cisalpine, qui alors comprenait la Ligurie, l'Istrie, les provinces voisines en deçà et au - delà du Pô, ne resta pas en arrière de ce grand mouvement. Ainsi Milan Côme, Bresse, Vérone, Bergame, Trente et Vicence, se ressentirent des influences du Midi et de la Grèce; influences qui aussi, sans doute, se retrouvèrent dans le réveil de l'Italie moderne. Toutes les Gaules s'éclairèrent à

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STRAB., liv. 4, pag. 181.

TAC., Agric.

Semper in externis populo communia vestro

Massiliam bellis testatur fata tulisse. (LUCAIN, liv. 3.)

cette brillante et pure lumière du génie grec.

Cependant, en face de ces écoles pleines de la sagesse des Grecs, s'élevèrent des écoles plus nationales. Autun, siége principal des druides, capitale des Éduens, rivalisait avec Marseille. Mais bientôt les druides et leurs sciences disparurent et périrent dans la conquête romaine. Toutefois, les druides ne cédèrent pas sans combat. Retirés dans leurs forêts, ils Ꭹ maintinrent leur caractère et leur indépendance. Auguste interdit à tout Romain la pratique de la religion druidique; Claude abolit leur culte, qui se réfugia, avec la langue des Celtes, dans les dernières classes du peuple. Les dolmin, le prodigieux monument de Carnac, et de grands ouvrages souterrains', sont les seuls monumens qui nous restent de la puissance des druides; quelques noms conservés à des villes ou à des lieux en ont aussi retenu le souvenir 2.

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Trois influences donc et trois idiomes dans la Gaule : les idiomes et les influences celtiques, grecques, romaines.

La langue celtique et son origine sont restées enveloppées de ténèbres. Rattachée tour à tour à l'hébreu, au phénicien, à l'idiome des Scythes; considérée par quelques philologues

'Journal des Antiquaires, tom. 5.

2 MONT-DRU.

comme une émanation et un débris de la langue. primitive, elle a trompé toutes les recherches de la critique. Commune à tous les peuples de l'Occident, elle se retrouve au fond de l'Espagne, de la Germanie, de la Grande-Bretagne. Portée au-delà des Alpes et des deux Pannonies, dans la Grèce et la Macédoine, les Galates la parlaient avec le grec . Sa nature est inconnue, comme son origine; mais elle se trahit plus particulièrement dans le bas-breton 3. Sous son toit enfumé, le paysan bas-breton en a con

I BELIN DE BALU,

licæ.

2

3

LATOUR-D'AUVERGNE; Origines Gal

HIERON., In præf. epist. 1 ad Galatas.

'Le breton, débris du celtique, se subdivisait en nombreux dialectes on les comptait par diocèses, et on pourrait les compter par bourgs, villages et hameaux, selon ce proverbe breton :

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Cent pays, cent modes, cent paroisses, cent églises.

Ces trois dialectes bas-bretons sont ceux de Tréguier, de Quimper et de Vannes.

Le breton est rude et aspiré.

La terminaison en rix, qui signifie puissant, terminaison commune aux différentes provinces des anciennes Gaules, doit être considérée comme un débris et une preuve d'une langue primitive commune, la langue celtique. (LEPELletier, Dict. de la langue bretonne.-MIORCET DE KERDAMET, Hist. de la langue des Gaulois. - PICOT, Hist. des Gaulois. Mém. des Inscr., tom. 37, page 391.)

servé de nombreux vestiges. Dans une partie de la Grande-Bretagne, le peuple parle encore cette langue, qui, depuis deux mille ans, n'a peut-être pas subi d'altération essentielle. Un autre dialecte celtique s'est maintenu dans le pays de Galles, malgré les lois et le gouvernement anglais, malgré les continuelles relations d'un pays avec l'autre.

On se demande comment cette langue celtique put, dans les Gaules, disparaître si complètement sous la conquête, et ailleurs se conserver. C'est qu'ailleurs elle ne rencontra que des idiomes grossiers comme elle, ou qui même s'en rapprochaient. Dans les Gaules, elle fut étouffée par un idiome savant et vigoureux, auquel plus tard céda la langue des vainqueurs germains eux-mêmes, comme leur rudesse et leur fougue aux lois et à la civilisation romaines. Dans les Gaules, la langue celtique s'effaça donc, et se dut effacer sous le latin. Cependant, au deuxième siècle, d'après le témoignage d'Irénée, évêque de Lyon, et d'après un passage du Digeste ', on parlait celtique dans les Gaules, ou du moins dans quelques parties, ainsi que le punique en Afrique';

■ BONAMY, Mem. de l'Acad. des Inscript., t. 24, p. 589. M. RAYNOUARD, Orig. et form. de la langue rom., p. 4. –Div. AUG., in Confess., lib. 1, cap. 14. Id., sermo 168.

suivant même un passage de Sulpice-Sévère', passage, du reste, diversement interprété, le celtique vivait encore au cinquième siècle.

La langue grecque, introduite dans les Gaules avec les Phocéens, était plus particulièrement la langue vulgaire de la Gaule narbonnaise. Les Marseillais employaient le grec même dans leurs actes publics; les druides eux-mêmes s'en servirent; les Helvé– tiens en firent en quelque sorte une langue officielle '. Au deuxième siècle, portée de nouveau avec le christianisme dans les Gaules, elle y est la langue de la primitive Église. Dans l'église d'Arles, sous saint Césaire, les laïques comme les clercs chantaient des psaumes, des hymnes et des antiennes en grec et en latin 3.

La langue grecque, nous l'avons vu, sortit du Midi; elle passa dans la Gaule celtique audelà du Rhône; elle était surtout connue à Lyon et dans d'autres endroits de la Gaule, dans l'Aquitaine, dans la Picardie, dont le patois en offre des traces nombreuses 4.

I

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In vero celtice, vel, si mavis, gallice loquere.

In castris Helvetiorum tabulæ repertæ sunt litteris græcis confectæ. (CAS., De Bell. Gall., lib. 1, cap. 29.)

3 Benedict., t. I.

4 HENRI ESTIENNE, Traité de la conformité du langage fran çais avec le grec. De là peut-être ces locutions grecques si nombreuses dans la langue française: Snμov avdpa, homme

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