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Le goût des lettres, dans le midi de la Gaule, est attesté par les fables mêmes qui nous en sont restées, et qui forment la seule histoire de ces temps reculés. Mercure, contemporain de Joseph, règne dans les Gaules; Apollon, surnommé Belenus, mot latin formé d'un ancien mot celtique, qui signifie blond, Apollon y avait des temples, dont, au quatrième siècle, se voyaient encore les débris. Minerve était aussi honorée dans les Gaules. Les Gaulois prétendaient à une théologie plus ancienne, plus raisonnable, plus sublime, que celle du paganisme, et antérieure à la philosophie grecque.

De toutes ces sciences, il ne nous reste pas de monumens. Le nom de bardes, mot celtique, chantre ou chanteur, est seul parvenu jusqu'à nous, comme un souvenir de cette haute antiquité de savoir et de poésie. Les bardes étaient les poètes et les musiciens des Gaulois, et les

surtout de son vin, se précipitèrent sur l'Italie, conduits par leur chef Bellovèse, défirent et chassèrent les habitans du pays, s'y établirent, y construisirent un grand nombre de villes, lui donnèrent, du nom qu'ils portaient à cette époque, le nom de Gaule. (MACHIAV., Disc. sur Tite-Live, t. 5, chap. 4.)

'Deum maxime Mercurium colunt. Post hunc Apollinem, et Martem, et Jovem, et Minervam. (De Bello Gallic., lib. 6, cap. 17.)

précurseurs des troubadours. Les bardes gaulois avaient un caractère différent de celui des bardes germains; ils formaient un ordre régulier, une classe privilégiée; ils se confondaient avec les druides, ou plutôt ils étaient les druides eux-mêmes. Les bardes germains, au contraire, avaient une destinée plus libre et plus aventureuse; ils ne relevaient que d'eux-mêmes et de leur inspiration'. Dans les Gaules, les bardes se rattachaient à la classe des prêtres; en Germanie, à la classe des guerriers. Ils soutenaient contre les prêtres cette lutte que l'esprit libre et guerrier de la Grèce soutint le premier contre l'esprit religieux et despotique de l'Asie; lutte dont Homère, dans l'Iliade, et dans Iphigénie, Euripide, nous ont laissé une vive image.

A côté des bardes étaient les vates ou fatistes, autres poètes moins célèbres. Confondus à tort avec les druides et les bardes, ils en étaient distincts. Leurs fonctions étaient de prendre les auspices, de tirer les augures; ils offraient aussi des sacrifices et s'occupaient de physique. Ils étaient les représentans de l'influence étrangère dans les Gaules, dont les druides étaient le vrai corps savant.

TACIT., De Morib. Germ.

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Les druides vantaient leur antiquité. Elle serait, dit-on, contemporaine de celle des PROPHÈTES OU DEVINS d'Égypte, des CHALDÉENS de Babylone et d'Assyrie, des Semancées de la Bactriane, des Mages de la Perse, des Gymnosophistes des Indes. Leur autorité était absolue. Seuls en possession de la science, ils formaient le premier ordre de l'État; la noblesse formait le second 1: hiérarchie qui leur survécut dans le pouvoir des évêques gaulois, et dont les traces étaient manifestes dans l'ancienne constitution politique de la France. On y retrouve le clergé avec le privilége et l'influence de la science religieuse; avec ses assemblées particulières; avec l'exemption du service militaire et des impôts; avec le droit de justice criminelle et civile 2. Aussi un pieux écrivain3 a dit que les évêques gaulois étaient des druides chrétiens, et les conciles, dans les premiers siècles de la monarchie, de véritables conseils nationaux, où ils jouaient le premier rôle. Les nobles ont aussi la main sur le peuple. Seuls en pos

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2

CES., De Bell. Gall., lib. 6, cap. 13.

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Religiones interpretantur. - Certo anni tempore considunt in loco consecrato. Militia vacationem omniumque rerum habent immunitatem.

tuunt.

3 DE MAISTRE, le Pape, pag. 24.

Præmia poenasque consti

session de porter les armes, ils sont, du reste, soumis au pouvoir et à la superstition 1. Ces deux puissances, la noblesse et les druides, ont fait, pendant le moyen âge, les luttes de la féodalité. La monarchie et le peuple ne sont nés qu'au quinzième siècle; la féodalité, attaquée alors, n'a péri qu'en 89, par le triomphe du tiers-état; jusque-là il n'y avait toujours, comme au temps de César, que deux ordres 2.

Les priviléges des druides étaient immenses: prêtres, théologiens, jurisconsultes, médecins, rhéteurs, orateurs, mathématiciens, géomètres, astrologues, ils tenaient en leurs mains tous les moyens de puissance. Cette confusion de titres a peut-être préparé, ou du moins rendu facile, celle que nous trouvons au moyen âge dans les diverses fonctions du clergé. Mélange de cruauté et de raison, les druides enseignaient l'immortalité de l'âme, et immolaient des hommes 3. Ils régnaient par la

· On comprend Clovis fendant de sa hache la tête du soldat qui veut s'emparer d'un vase sacré, par ces mots de César: « Neque sæpe accidit, ut, neglecta quisquam religione, aut capta apud se occultare, aut petita tollere auderet; gravissimumque ei rei supplicium cum cruciatu constitutum est. » (CES., lib. 6, cap. 17.)

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Qui aliquo sunt numero atque honore, genera sunt duo, 3 In primis hoc volunt persuadere, non interire animas...

superstition et par la science, les deux grandes dominations; ils disposaient du présent et de l'avenir. Pour maintenir leur empire par la difficulté et le mystère, les druides n'enseignaient que de vive voix '; ils interdisaient la connaissance des choses sacrées. Nulle partie de l'histoire et de la philosophie n'était confiée à l'écriture. Les traditions populaires se conservaient dans des chants ou ballades : de là cette obscurité profonde qui couvre les antiquités littéraires et politiques de la Gaule, détruites, du reste, par la conquête romaine. Un mélange de liberté et d'esclavage, de civilisation et de barbarie, de lumières et de superstitions grossières, de courage et de basses terreurs, fut, dans le peuple, le résultat du pouvoir des druides. La nation gauloise ne pouvait plus être considérée comme barbare, et elle n'était pas encore civilisée.

Les druides régnaient ainsi dans les Gaules, lorsque la littérature et la philosophie grecque y pénétrèrent. Amie du grand jour autant que les druides l'étaient du mystère, cette colonie de philosophes, qui sortit de l'Ionie, déposa

aut pro victimis homines immolant. ( Cæs., lib. 6, cap. 14, 16.)

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Neque fas esse existimant ea litteris mandare, quod neque in vulgum disciplinam efferri velint.

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