Page images
PDF
EPUB

parts ; son infaillibilité était presque égale à celle de Rome; elle répandait partout ses doctrines, ses constitutions, ses priviléges. Elle suscitait en Allemagne ces universités, aujourd'hui si célèbres, et qui, comme les institutions germaniques, ont conservé au milieu des révolutions modernes, et à côté de toutes les hardiesses de la philosophie et des doutes de la science, les franchises, l'organisation, et un peu la turbulence du moyen âge. Les études elles-mêmes y ont retenu la gravité et un peu aussi la subtilité de la scolastique, et les défauts d'une érudition immense, mais mal digérée. Rien ne ressemble mieux à une thèse du moyen âge que les thèses des universités allemandes.

Cette prospérité de l'université s'affaiblit à la fin du quinzième siècle. Louis XI, qui avait porté le dernier coup à la féodalité, laissa les universités paisibles, sans haine ni faveur, quoiqu'il eût protégé l'introduction de l'imprimerie en France. Le rôle politique des universités cessa avec les querelles des ducs de Bourgogne et des ducs d'Orléans : le fameux discours du docteur Jean Petit fut leur oraison funèbre. Au seizième siècle, les fureurs de la Ligue les rejetèrent un instant au milieu des luttes civiles et des discussions religieuses. Mal

gré quelques erreurs et quelques exceptions, elles restèrent en général fidèles à leur principe, l'indépendance religieuse, et à leur origine, la monarchie. Quand, d'accord avec l'ambition des Guises, l'ambition de Rome voulut détrôner à la fois la dynastie et les libertés gallicanes, unie au parlement, l'université leur resta dévouée et protesta hautement contre cette double usurpation.

Ce fut pour ainsi dire leur dernière interven– tion dans les affaires, leur dernier acte public. Depuis, les universités tombèrent, comme tout le reste, sous l'égalité du despotisme monarchique. Elles portaient d'ailleurs en elles-mêmes un autre germe de mort comme puissance religieuse elles avaient péri.

Rome, avec sa pénétration profonde et son instinct d'avenir, avait tout d'abord saisi la portée de ces essais d'indépendance philosophique qui se manifestèrent au treizième siècle. Active alors et habile, elle les avait combattus avec les seules armes qui puissent vaincre une opposition naissante, l'énergie et la sympathie du pouvoir avec les besoins nouveaux. Les dominicains, les franciscains allèrent prêchant au sein du peuple en langue vulgaire, détruisant ainsi par une parole ardente et une influence toute vive les doutes et les révoltes

morales qu'avaient pu faire naître des hérésies récentes. Au quinzième siècle, même politique. A la réforme, elle opposa les jésuites; Loyola, à Luther; à une doctrine. nouvelle, populaire, ardente, une milice jeune, persévérante, adroite. L'université, qui était une opposition, respectueuse il est vrai, mais enfin une opposition contre Rome, ne dut pas échapper aux jésuites. De là entre ces deux corporations ces disputes fameuses cette guerre longue et opiniâtre, où s'illustrèrent le courage et l'éloquence de la famille des Arnauld, où éclata la verve mordante de Pascal triomphe désastreux, dont la ruine de Port-Royal fut l'expiation.

Une autre cause acheva d'enlever à l'université ce qui lui restait d'autorité religieuse. L'établissement de la Sorbonne, en créant pour la théologie un tribunal spécial, transporta ailleurs l'influence qui avait tant contribué à entourer l'université de respect et de force. Enfin l'université se manqua à elle-même. Elle avait dû sa puissance et sa gloire à la supériorité de ses lumières, Elle avait conduit le moyen âge, parce qu'elle le devançait : en restant stationnaire, elle abdiqua. Elle fut remplacée par la philosophie du dix-huitième siècle, sans autre consolation, dans sa chute,

que cette destruction des jésuites, qui lui avaient porté le premier coup. C'est à elle à ressusciter aujourd'hui par la science cet empire que la science lui créa. Elle peut, dépositaire de doctrines fécondes, bâtir sur les ruines des jésuites, sur les traditions de la philosophie expirante: son avenir, si elle le comprend, est aussi brillant que son passé. C'est là son devoir, ce sera sa gloire aussi. Qu'elle nous rende ces libres et fortes universités du moyen âge, si pleines de hardiesse et de vie; que, comme elles, elle agite, elle fixe les grandes questions qui travaillent la société; que dans les générations naissantes elle prépare l'avenir et le repos du pays; et l'empire lui appartiendra. Empire glorieux, empire légitime, que ses souvenirs lui promettent, mais que seuls ils ne lui donneront pas.

CHAPITRE XII.

Scolastique. Ses différens caractères.

La philosophie scolastique, objet principal de l'établissement des universités, avait précédé de beaucoup leur institution. Dès le onzième siècle et pendant toute la durée du douzième, les questions relatives à la nature et à l'origine des idées furent débattues avec beaucoup de chaleur dans les écoles, et on leur donna deux solutions différentes, qui se rattachaient directement à celles qu'avaient proposées, dans la Grèce, Platon d'une part, et Aristote de l'autre. Mais si les universités ne furent pas l'origine de la scolastique, elles en furent le théâtre le plus brillant.

[ocr errors]

La scolastique est plus vieille que le moyen âge; elle n'est pas autre chose que l'application de la dialectique à la théologie : application qui remonte aux quatrième et cinquième siècles, et se rattache à l'alliance qui s'établit

A scholis. Les écoles étant alors les seuls foyers de la science, la philosophie théologique fut appelée scolastique.

« PreviousContinue »