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Leurs bras voluptueux et leurs tiges fleuries?

C'est là que les yeux pleins de tendres rêveries,
Eve à son jeune époux abandonna sa main,
Et rougit comme l'aube aux portes du matin.
Tout les félicitait dans toute la nature;

Le ciel par son éclat, l'onde par son murmure.
La terre en tressaillant ressentit leurs plaisirs ;
Zéphyre aux antres verts redisait leurs soupirs;
Les arbres frémissaient, et la rose inclinée
Versait tous ses parfums sur le lit d'hyménée.
O bonheur ineffable! ô fortunés époux!

Heureux dans ses jardins, heureux qui, comme vous,
Vivrait loin des tourmens où l'orgueil est en proie,
Riche de fruits, de fleurs, d'innocence et de joie!

Ah! si la paix des champs, si leurs heureux loisirs N'étaient pas le plus pur, le plus doux des plaisirs, D'où viendrait sur nos cœurs leur secrète puissance? Tout regrette ou chérit leur paisible innocence..

Le

sage à son jardin destine se vieux ans;

Un grand fuit son palais pour sa maison des champs; Le poëte recherche un bosquet solitaire;

A son triste bureau le marchand sédentaire,

Lassé de ses calculs, lassé de son comptoir,'
D'avance se promet un champêtre manoir,
Rêve ses boulingrins, ses arbres, son bocage,
Et d'un verger futur se peint déjà l'image;

Que dis-je ? au doux repos invitant de grands cœurs,
Un jardin quelquefois fut le prix des vainqueurs.
Là, le terrible Mars, sans glaive, sans tonnerre,
Las de l'ensanglanter, fertilise la terre;

Au lieu de ses soldats, il compte ses troupeaux;
Au chêne du bocage il suspend ses drapeaux :
Sur ses foudres éteints je vois s'asseoir Pomone;
Palès ceint en riant les lauriers de Bellone,
Et l'airain, désormais fatal aux daims légers,
A rendu les échos aux chansons des bergers.

Tel est Bleinheim, Bleinheim la gloire de ses maîtres 16, Plein des pompes de Mars et des pompes champêtres; En vain ce nom fameux atteste nos revers, Monument d'un grand homme, il a droit à mes vers. Si des arts créateurs j'y cherche les prodiges, Partout l'oeil est charmé de leurs brillans prestiges, Et l'on doute, à l'aspect de ces nobles travaux, Qui doit frapper le plus, du peuple ou du héros.

Si j'y viens des vieux temps retrouver la mémoire,

Je
songe,
ô Rosamonde ! à ta touchante histoire 17;
De Rose, mieux que toi, qui mérita le nom?

En vain de la beauté le ciel t'avait fait don;
Tendre et fragile fleur, flétrie en ton jeune âge,
Tu ne vécus qu'un jour, ce fut un jour d'orage.
Dans ce nouveau dédale, où te cacha Merlin,
Ta rivale en fureur pénètre, un fil en main ;
Et, livrant Rosamonde à sa rage inhumaine,
Ce qui servit l'amour fait triompher la haine.

Ah! malheureux objet et de haine et d'amour,
Tu n'es plus; mais ton ombre habite ce séjour :
Chacun vient t'y chercher de tous les coins du monde,
Chacun grossit de pleurs le puits de Rosamonde;
Ton nom remplit encor ce bosquet enchanté;
Et, pour comble de gloire, Addisson t'a chanté.

Mais ces tendres amours et ce récit antique, Qu'ont-ils de comparable au vou patriotique Qui, gravé sur l'airain par un don glorieux, Acquitta de Malbrough les faits victorieux ?

Je ne décrirai point ce palais qui présente La solide beauté de sa masse imposante,

Et promet de porter aux siècles à venir
D'un bienfait immortel l'immortel souvenir;

Ni ces riches tapis, où combattent entre elles
La palme de Bleinheim et la palme d'Arbelles;
Ni du triomphateur le bronze colossal,
Du prodige de Rhode audacieux rival;

pu s

Ni ce pont, monument de tendresse et de gloire,
Que l'hyménée en deuil offrit à la victoire;
Ce pont digne de Rome, et tel que dans son sein
Aura it
s'épancher l'urne immense du Rhin.
Ah! dans cette héroïque et riante retraite,
O champs! d'autres beautés frappent votre poëte.
Assez long-temps de l'art les fastueux apprêts,
Et le bronze immobile, et les marbres muets,
De tant d'autres vainqueurs furent le prix vulgaire ;
Il faut d'autres honneurs à ce foudre de guerre.
Par un don plus nouveau, mais non moins solennel,
Grand comme ses desseins, et comme eux éternel,
La nature elle-même, avec magnificence,

Consacre le bienfait et la reconnaissance:
Dans un jardin superbe, à fêter un héros
Elle-même elle invite et la terre et les flots:

Les Jardins.

6

Pour chanter ses exploits les bois ont leurs Orphées;
Leur ombrage est son dais; leurs festons, ses trophées.
Le ciel à son triomphe enchaîne les saisons;

De leurs fruits tous les ans son char reçoit les dous;
Tous les ans de leurs fleurs les brillantes prémices
Reviennent de son front parer les cicatrices:
L'été conte à l'été, le printemps au printemps,
Sa journée immortelle et ses faits éclatans :
La veillée en redit l'histoire triomphante :
Le hameau les apprend, la bergère les chante;
Point de terme au bienfait, un peuple généreux
Paîra le sang du père à ses derniers neveux ;
Et, sur eux étendant sa longue bienfaisance,
Comme le ciel punit, Albion récompense.

Ah! pour comble d'honneur, puisse un Spencer nouveau
Par un chant de famille honorer son tombeau!
Malbrough! Spencer! l'honneur du moderne Élysée!
Malbrough en est l'Achille; et Spencer, le Musée :'
Mais, dans la douce paix des bois élysiens,

Malbrough, heureux Bleinheim, regrette encorlestiens;
Tant ce prix glorieux fut cher à sa grande ame!
Vous donc, fiers de leurs noms, vous que leur gloire enflamme,

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