Page images
PDF
EPUB

Détours mystérieux, magnifiques allées,
Bois charmans, verts coteaux, agréables vallées,
Les aspects étrangers, et tes propres trésors,
Tout enchante au dedans, tout invite au dehors.
Dirai-je les forêts dont tes monts se couronnent,
Ou ce chêne, géant des bois qui l'environnent,
Ou ce beau peuplier de qui l'énorme tronc,
Lorsque de cent hivers il a bravé l'affront,

.

Se festonnant de noeuds d'où sort un vert feuillage,
Semble orné par le temps, et rajeuni par l'âge?

Pour mieux charmer les yeux, au pied de tes coteaux, La Vistule pour toi roule ses vastes eaux;

Pour toi son sein blanchit sous des barques agiles;

Elle baigne tes bois, elle embrasse tes îles.

Quel plaisir, quand le soir jette ses derniers feux,
De voir peints à la fois dans ses flots radieux.
Qu'un beau pourpre colore, et qu'un blanc pur argente,
Le soleil expirant et la lune naissante!

Là, d'un chemin public c'est l'aspect animé';
Du plus loin qu'il te voit, le voyageur charmé
S'arrête, admire, et part emportant ton image;
Le fleuve, le ruisseau, la forêt, le bocage,

Les arcs lointains des ponts, la flèche des clochers,
Me frappent tour à tour; tes grottes, tes rochers,
Sont de vastes palais voûtés par la nature;
D'autres, enfans, de l'art, ont chacun leur parure.
Là, les fleurs, l'oranger, les myrtes toujourts verts,
Jouissent du printemps, et trompent les hivers;:
D'un portique pompeux leur abri se décore,
Et leur parfum trahit la retraite de Flore.
Ailleurs, c'est un musée, asile studieux;
Livres, bronzes, tableaux, là, tout charme les yeux;
Là, même après Mérope, Athalie et Zaire,
Mes faibles vers peut-être obtiennent un sourire.
Rome, Athène, en ces lieux quel art vous imita?
Je reconnais de loin le temple de Vesta.
Voici la roche auguste où tonnait la Sibylle;
Sa main n'y trace plus sur la feuille mobile
Ces arrêts fugitifs, tableaux de l'avenir;

Ici, c'est le passé qui parle au souvenir.

Ses nombreux monumens enrichissent l'histoire, Et ce temple est pour nous le temple de mémoire; J'y trouve le bon roi, l'usurpateur cruel,

Et les traits de Henri près de ceux de Cromwel,

La chaîne de Stuart, ce livre d'Antoinette,

Par qui montait vers Dieu sa prière secrète.
Ah! couple infortuné, sujet de tant de pleurs,
Vos noms seuls prononcés attendrissent les cœurs.
Au sortir de ce temple où revivent les âges,
Un autre va des lieux me montrer les images;
Imagination, pouvoir que j'ai chanté,

Conduis-moi, porte-moi dans ce temple enchanté,
Où des murs byzantins, d'un temple où le Druide
Souillait de sang humain son autel homicide;
D'un palais de l'Écosse, et d'un fort de Paris,
S'assemblent les fragmens, l'un de l'autre surpris.
Rome, Rome elle-même, en ravages féconde,
Mêle ici sa ruine aux ruines du monde :
Un roc du Capitole y venge l'univers;
Mais un temple est formé de ces débris divers;
Il peint le monde entier, il orne le bocage,
Et le temps destructeur méconnaît son ouvrage.
Au fond de ce bosquet, vers ce lieu retiré,
J'avance, et je découvre un débris plus sacré.
Venez ici, vous tous dont l'âme recueillie
Vit des tristes plaisirs de la mélancolie;

Voyez ce mausolée, où le bouleau pliant,
Lugubre imitateur du saule d'Orient,

Avec ses longs rameaux, et sa feuille qui tombe,

Triste, et les bras pendans, vient pleurer sur la tombe.
Et toi, dont le génie orna ce lieu charmant,
Que ce lieu pour toi-même est un doux monument!
Il te vit, fille heureuse, adorer un bon père,
Te vit heureuse épouse, et bienheureuse mère.
Ta fille à ces beautés prête un charme nouveau :
Elle embellit les fleurs, le bosquet, le ruisseau,
Te rend plus chers les bois chéris de tes ancêtres.
Là, vos plus doux plaisirs sont des plaisirs champêtres;
Là, communs sont vos vœux, votre bonheur commun,
Vos parcs sont séparés, et vos cœurs ne sont qu'un.

Et moi, peintre des champs, moi, qui ferai peut-être
Vivre ces beaux jardins que vos mains ont fait naître,
Mon nom du moins, mon nom habite donc ces lieux!
La pierre qui l'honore est donc chère à vos yeux!
Des groupes de bergers et des choeurs de bergères
Viennent donc quelquefois de leurs danses légères
Animer la prairie où gît modestement,

Au bord d'un clair ruisseau, mon humble monument!

Ah! que ne peut ma voix s'y faire un jour entendre!

Mes chants vous rendraient grâce; et, pour une âme tendre,
Quels sons harmonieux, quels accords ravissans,

De la reconnaissance égalent les accens!.
Entendez donc sa voix ; et que son doux langage
Pour moi soit un plaisir, et pour vous un hommage.
Enfin, je viens à toi, florissante Albion,

Au bel art des jardins instruite par Bacon;
De Pope, de Milton, les chants le secondèrent;
A leurs voix, des vieux parcs les terrasses tombèrent,
Le niveau fut brisé, tout fut libre, et tes mains
Ont, comme tes cités, affranchi tes jardins.
Un goût plus pur orna, dessina les bocages;
Eh! qui pourrait compter les parcs, les paysages,
Les sites enchanteurs qu'arrose, dans son cours,
Ce fleuve impérieux qui, dans ses longs détours,
Parmi des prés fleuris, des campagnes fécondes,
Marche vers l'Océan, en souverain des ondes,
Plus riche que l'Hermus, plus vaste que le Rhin,
Et dont l'urne orgueilleuse est l'urne du destin.
Combien j'aime Parkplace, où, content d'un bocage,
L'ambassadeur des rois se plaît à vivre en sage;

« PreviousContinue »