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Nous plairont tour à tour. Tel que ce frais bouton ",'
Timide avant-coureur de la belle saison,
L'aimable Tivoli d'une forme nouvelle

Fit le premier en France entrevoir le modèle.
Les Grâces en riant dessinèrent Montreuil 8.
Maupertuis, le Désert, Rincy, Limours, Auteuil,
Que dans vos frais sentiers doucement on s'égare!
L'ombre du grand Henri chérit encor Navarre.
Semblable à son auguste et jeune déité 10,
Trianon joint la grâce avec la majestė.
Pour elle il s'embellit, et s'embellit par elle.

Et toi, d'un prince aimable ô l'asile fidèle " ",
Dont le nom trop modeste est indigne de toi,
Lieu charmant! offre-lui tout ce que je lui doi,
Un fortuné loisir, une douce retraite.
Bienfaiteur de mes vers, ainsi que du poëte,
C'est lui qui, dans ce choix d'écrivains enchanteurs,
Dans ce jardin paré de poétiques fleurs,

Daigne accueillir ma muse. Ainsi du sein de l'herbe, La violette croît auprès du lis superbe.

Compagnon inconnu de ces hommes fameux,

Ah! si ma faible voix pouvait chanter comme eux,

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Je peindrais tes jardins, le dieu qui les habite,
Les arts et l'amitié qu'il y mène à sa suite.

Beau lieu, fais son bonheur! et moi, si quelque jour,
Grâce à lui, j'embellis un champêtre séjour,

De mon illustre appui j'y placerai l'image.

De mes premières fleurs je lui promets l'hommage: Pour elle je cultive et j'enlace en festons

Le myrte et le laurier, tous deux chers aux Bourbons; Et si l'ombre, la paix, la liberté m'inspire,

A l'auteur de ces dons je dévourai ma lyre

Riche de ses forêts, de ses prés, de ses eaux,
Le Germain offre encor des modèles nouveaux.
Qui ne connoît Rhinsberg qu'un lac immense arrose,
Où se plaisent les arts, où la valeur repose;
Potsdam, de la victoire héroïque séjour,
Potsdam qui, pacifique et guerrier tour à tour,
Par la paix et la guerre a pesé sur le monde;
Bellevue où, sans bruit, roule aujourd'hui son onde;
Ce fleuve dont l'orgueil aimait à marier

A ses tresses de jonc des festons de laurier;
Gosow, fier de ses plans, Cassel, de ses cascades;
Et du charmant Vorlitz les fraîches promenades?

L'eau, la terre, les monts, les vallons et les bois,
Jamais d'aspects plus beaux n'ont présenté le choix,
Dans les champs des Césars la maîtresse du monde
Offre sous mille aspects sa ruine féconde:
Partout entremêlés d'arbres pyramidaux,

N

Marbres, bronzes, palais, urnes, temples, tombeaux,
Parlent de Rome antique; et la vue abusée
Croit, au lieu d'un jardin, parcourir un musée.
L'Ibère avec orgueil dans leur luxe royal
Vante son Aranjuez, son vieil Escurial,
Toi sur-tout, Idelphonse, et tes fraîches délices.
Là ne sont point ces eaux dont les sources factices,
Se fermant tout à coup, par leur morne repos
Attristent le bocage, et trompent les échos:
Sans cesse résonnant dans ces jardins superbes,
D'intarissables eaux, en colonnes, en gerbes,
S'élancent, fendent l'air de leurs rapides jets,
Et des monts paternels égalent les sommets;
Lieu superbe où Philippe, avec magnificence,
Défiait son aïeul, et retraçait la France.

Le Batave à son tour, par un art courageux,
But changer en jardins son sol marécageux.

Mais dans le choix des fleurs une recherche vaine,

Des bocages couvrant une insipide plaine',
Sont leur seule parure'; et notre œil attristé

Y regrette des monts la sauvage âpreté :
Mais ses riches canaux et leur rive féconde,
De ses moulins dans l'air, de ses barques sur l'onde,
Des troupeaux dans ses prés les mobiles lointains,
Ses fermes, ses hameaux, voilà ses vrais jardins.
Des arbres résineux la robuste verdure,
L'es mousses, les lichens qui bravent la froïdure,
Du Russe, presque seuls, parent le long hiver;
Mais l'art subjugue tout : le feu, vainqueur de l'air,
De Flore dans ces lieux entretient la couronne,
Et Vulcain y présente un hospice à Pomone.
Par ses hardis travaux, tel le plus grand des czars
Sut chez un peuple inculte acclimater les arts.
Heureux si des méchans l'absurde frénésie
Ne vient pas en poison changer leur ambrosie;
Et si de Pierre un jour quelque heureux successeur,
Sans craindre leur danger, sait goûter leur douceur!

Le Chinois offre aux yeux de's beautés pittoresques, Des contrastes frappans, et quelquefois grotesques,

Ses temples, ses palais richement colorés,

Leurs murs de porcelaine, et leurs globes dorés.
Vous dirai-je quel luxe, aux rives ottomanes,
Charme dans leurs jardins les beautés musulmanes?
Là, les arts enchanteurs prodiguent les berceaux,
Le marbre des bassins, le murmure des eaux,
Les kiosks élégans, les fleurs toujours écloses;
L'empire d'Orient est l'empire des roses.

Sous un ciel moins heureux, le Sarmate, à son tour,
Présente aux yeux ravis plus d'un riant séjour,
Tel brille ce superbe et riche paysage

Qui fut de Radzivil l'ingénieux ouvrage:
Là, tout plaît à nos yeux, le coteau, le vallon;
Et la belle Arcadie a mérité son nom.

Et pourrais-je oublier ta pompe enchanteresse,
Toi dans qui l'élégance est jointe à la richesse,
Fortuné Pulhavi, qui seul obtins des dieux 12
Les charmes que le ciel partage à d'autres lieux ?
Quel tableau ravissant présentent tes campagnes!
De quel cadre pompeux l'entourent ces montagnes
Où du grand Casimir, seul, sans garde et sans cour,
Le palais règne encor sur les champs d'alentour!

Les Jardins.

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