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pays, et sous toutes les formes de gouvernement, embrasse, dans une unité puissante, science, poésie, philosophie, politique. Rien ne lui est étranger, et il ne doit demeurer étranger à rien. S'il est dans la pensée de Dieu de donner aux formes républicaines un avenir qui pourrait échapper, non-seulement en France, mais encore dans le reste de l'Europe, aux formes monarchiques, eh bien! il ne faut pas que les catholiques, se laissant aller à des démarches inconsidérées, engagent dans des voies rétrogrades une religion que nous préférerions de beaucoup voir marcher à la tête du mouvement des idées, qu'à la suite des partis à mesure qu'ils triomphent. MM. de Chateaubriand et Wisemann ont donné au catholicisme une position éminente dans les lettres et les sciences; que les écrivains, que les publicistes lui fassent une position analogue dans la philosophie et la politique, et l'unité dans les esprits et dans les faits, qui a été détruite au seizième siècle par la réforme, sera de nouveau reconstituée. On connaît assez la sagesse du clergé pour pouvoir affirmer qu'il ne cherchera pas à mettre, par des mesures compromettantes, d'inutiles obstacles à la marche irrésistible des idées vers cette unité annoncée par les plus grands esprits, et qui peut seule rasseoir la société sur des bases solides et durables,

LA

QUESTION RELIGIEUSE

EN 1682, 1790, 1802 ET 1848.

CHAPITRE I.

Des rapports de l'Église avec l'État.

Le comité des cultes, appelé par la nature de ses travaux à donner à la question religieuse une solution conforme aux exigences de la situation, a prouvé, par les décisions qu'il a prises, qu'il comprenait ces exigences, et qu'il n'était pas impossible de mettre d'accord Rome et la République. La plupart de ses travaux n'ont pas été et ne pouvaient être apportés à la tribune nationale, soit parce que celle-ci n'était pas compétente pour en délibérer, soit parce qu'ils ont été interrompus par la dissolution prématurée de la Chambre; mais le ministre des cultes a été appelé au sein du comité pour recevoir en dépôt les résolutions qui y ont été prises, et il a entendu exprimer le vœu que le gouvernement ouvrit avec le Saint-Siége une négociation ayant pour but de préparer un nouveau Concordat sur les bases arrêtées par le comité.

Au surplus, pour que les travaux du comité, qui formeront d'ailleurs dans les archives de la Chambre des documents précieux que la prochaine assemblée pourra consulter avec

fruit, ne soient pas entièrement perdus pour le public, nous allons en donner une analyse aussi exacte que possible.

Le premier soin du comité a été et devait être de définir la nature des nouveaux rapports qui devaient s'établir entre l'Église et l'État, en tenant compte d'une révolution dont le caractère saillant a été un grand esprit de conciliation, joint à un respect profond pour la religion qui est le plus grand et le premier de tous les intérêts populaires.

Trois systèmes se sont produits : le premier ayant pour objet la séparation complète de l'Église avec l'État; le second qui voulait subordonner l'Église à l'État, tout en relâchant cependant les liens de dépendance qui résultent pour l'Église de la loi organique du Concordat. Le troisième, plus juste que celuici, plus pratique et plus conforme aux relations habituelles et traditionnelles de l'Église avec les gouvernements que le premier, avait pour but de consacrer l'indépendance réciproque du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, chacun dans leu sphère, tout en conservant entre ces deux pouvoirs les liens les plus intimes au moyen de concordats librement consentis de part et d'autre.

Le système de la séparation complète, qui peut avoir ses avantages dans des pays autrement constitués que la France, a été repoussé par le comité. Il a pensé qu'il importait autant et plus à l'État qu'à l'Église d'être unis ensemble par des liens qui, sans blesser leur dignité respective, leur permissent de combiner leur action pour résister de concert aux entreprises dirigées contre l'existence même de la société. Il a cru, avec raison, que la religion était le complément obligé des lois, et qu'il était dans la mission du pouvoir de prêter son appui et son concours à ceux qui sont chargés par état de prévenir dans le for intérieur les écarts sur lesquels les lois n'ont aucune prise.

Le second système a eu, dans le comité, des défenseurs habiles et surtout expérimentés. Disons toutefois qu'il n'y a eu dans leurs paroles rien qui ressemblât de près ou de loin aux attaques acerbes et passionnées de l'ancienne opposition contre l'esprit d'envahissement du clergé, pour me servir

d'une expression alors en usage. C'est là un progrès qui a frappé tous les membres du comité, et qui prouve, bien mieux que tous les raisonnements, que la révolution de Février, bien loin d'avoir aggravé la situation de la religion en France, l'a au contraire véritablement améliorée. La république, nous disons une fois pour toutes, la bonne république, - étant le gouvernement de tous, par tous et pour tous, et étant opposée à tout esprit d'exclusion au profit d'une classe ou d'un parti, l'Église y retrouve son influence légitime et naturelle, car la base d'où émanent tous les droits y est tellement vaste et tellement en dehors de l'action de toute intrigue, de toute coterie, que toute influence, aussi bien celle de l'Église que celle des partis les plus extrêmes, peut s'y produire sans danger, et néanmoins dans toute sa liberté et toute sa plénitude. C'est ce qui explique pourquoi les mêmes hommes qui, sous le régime monarchique, surveillaient d'un œil si jaloux ce qu'ils appelaient l'esprit de domination du clergé, se montrent aujourd'hui si accommodants et même si bien disposés pour la religion. La royauté de Juillet, devant et ne pouvant s'appuyer que sur une classe de citoyens intéressés à la défendre parce qu'elle partageait avec eux ses priviléges et ses prérogatives, n'avait pas et ne pouvait pas avoir une base assez large pour n'avoir pas à redouter les influences rivales, et, comme l'Églisc est une puissance considérable, cette royauté s'en est constamment montrée jalouse, et on peut dire qu'il en a été de même de toutes les autres monarchies. Un républicain sensé et intelligent ne saurait conserver contre le clergé, du moment où il se montre à son tour bienveillant, les injustes méfiances de l'ancienne opposition contre la religion. Il doit comprendre et il commence à comprendre en effet que la religion est le premier intérêt du peuple et le fondement le plus solide de la république, car, comme l'a dit, après Montesquieu 1, le pape

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1

« Ce fut, a dit ce grand écrivain, un assez beau spectacle, dans le siècle. « passé, de voir les efforts impuissants des Anglais pour établir parmi eux la

« démocratie. Comme ceux qui avaient pris part aux affaires n'avaient point

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