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arrêts des tribunaux doivent dissiper les derniers doutes, s'il pouvait en rester encore.

<< Sous l'Empire, deux arrêts des cours de Bordeaux et de Turin décidèrent que les lois et décrets sur le mariage des prêtres étaient abrogés par les dispositions de la loi du 18 germinal an X, qui avait érigé le Concordat en loi de l'État.

<< Pendant la Restauration, en 1818 et 1828, la Cour royale de Paris se prononça dans le même sens.

<< Enfin, après la révolution de juillet, en 1831, au milieu de la réaction qui se manifestait alors contre les idées religieuses, un arrêt du tribunal de la Seine vint, il est vrai, contredire ce qui avait été admis jusque-là par les décisions de la justice et l'opinion du pays. Mais, le 14 janvier 1832, la Cour royale de Paris annula le jugement, et le sieur Dumonteil s'étant pourvu en cassation, fut condamné de nouveau par elle le 24 février 1833.

« Ces deux arrêts, rendus après une savante discussion et de brillantes plaidoiries, mirent fin à la lutte, et il resta démontré que le Concordat avait replacé les ecclésiastiques sous la règle et la discipline des anciens canons, et que l'engagement dans les ordres sacrés était un empêchement au mariage. Depuis cette époque on a osé, il est vrai, produire devant le tribunal de Bellac une action nouvelle qui a été admise par lui en 1845. Mais la Cour d'appel de Limoges réforma cet arrêt en 1846. Et maintenant, en présence des nombreux arrêts que nous avons cités, et devant l'autorité de la Cour de cassation, le doute ne peut plus exister. Les pétitionnaires eux-mêmes n'insistent que faiblement sur des moyens reconnus sans valeur, et, sortant du terrain où ils n'ont rien à espérer de la législation actuelle, ils vous demandent de rendre un décret qui permette aux prêtres de se marier sans avoir besoin de recourir aux tribunaux.

<< Toutes les fois qu'une grande commotion politique remue profondément la société, à côté des nobles et généreuses idées se trouvent des passions mauvaises qui croient que le moment est venu de se produire. Les pétitionnaires se sont

trompés d'époque; ils n'ont pas compris que la révolution de 1848 ne s'est pas accomplie sous l'empire de l'esprit antireligieux qui dominait la génération qui nous a précédé. Ils ont oublié que la France ne veut plus de ces persécutions sournoises qui attaquent et cherchent à tuer le catholicisme sous prétexte de le protéger. Au nom de qui, et dans quel intérêt viennent-ils vous parler ?...........

« Le clergé aime et respecte la chaîne que ses faux amis voudraient briser... Les populations verraient avec douleur une mesure dont le premier résultat serait de produire l'inquiétude et le trouble dans les familles, et qui, si elle avait de la durée, finirait par porter le coup le plus funeste au culte de la majorité des Français. On conçoit, en effet, que les membres de la grande famille chrétienne qui se sont séparés du catholicisme, aient pu accepter le mariage de leurs ministres, parce qu'ils renonçaient en même temps à la confession auriculaire.

« Mais, en ne s'attachant qu'au point de vue de l'intérêt social, partout où les populations professent le catholicisme, il y a nécessité que la loi civile, d'accord avec la discipline ecclésiastique, interdise le mariage des prêtres. Quelle mère ne tremblerait pas, si celui qui a reçu les secrets de la conscience de sa fille pouvait, en sortant du saint tribunal, la conduire devant l'officier de l'État civil et devenir son époux! et vainement on voudrait empêcher de pareils abus en mettant le prêtre dans l'obligation de ne se marier qu'après avoir renoncé au ministère. Le temps et les obstacles ne pourraient rien contre une influence qui s'appuierait sur la loi, et le danger serait d'autant plus grand, que celle qui céderait ne croirait pas avoir à rougir pour sa vertu.

« Permettez-moi de vous citer à cet égard une phrase remarquable de la lettre de M. Portalis au préfet de Rouen.

« Un prêtre catholique aurait trop de moyens de séduire, s'il pouvait se promettre d'arriver au terme de sa séduction par un mariage légitime. Sous prétexte de diriger les consciences, il chercherait à gagner, à corrompre les cœurs et à

tourner à son profit particulier l'influence que son ministère ne lui donne que pour le bien de la religion.

<«< En donnant force de loi à la discipline ecclésiastique pour l'obligation du célibat, l'État ne blesse pas la liberté des cultes. Un prêtre catholique peut devenir protestant, juif ou mahométan. L'Église en gémira, le gouvernement n'aura pas à s'en préoccuper. Mais le prêtre, en renonçant au mariage, a fait devant Dieu et devant les hommes un serment. solennel qui touche aux intérêts de la société. Il a contracté un triple engagement envers l'Église, envers l'État et le peuple catholique. Il a agi dans la plénitude de sa volonté, à un âge où les passions sont dans toute leur force, et où il pouvait calculer l'étendue du sacrifice. S'il veut ensuite se marier, il porte atteinte tout à la fois au lien religieux et au lien social.

« L'homme ne vit en société que par le sacrifice d'une partie des libertés naturelles; et pour ne parler que du mariage, tous les jours l'État lui impose des restrictions dans l'intérêt de la communauté.

«Le marin et le soldat ont l'obligation du célibat pendant le temps de leur service, qui dure plusieurs années; et lorsque nos lois ne permettent pas de contracter une union nouvelle, tant que la mort n'a pas amené la dissolution de la première, admettraient-elles les cyniques prétentions du parjure qui demande l'autorisation de violer les serments du sacerdoce, pour contracter, par le mariage, une nouvelle obligation qu'il ne tiendrait sans doute pas davantage? Le peuple qui a cru aux serments du ministre de son culte et lui a livré les secrets de sa conscience, a le droit de se plaindre, et l'État doit empêcher la violation d'un engagement sacré qui intéresse la moralité publique et la sécurité des familles.

« Si le prêtre catholique commande presque toujours le respect autour de lui, par un caractère sérieux et honorable, c'est qu'au moment d'entrer dans les ordres, il s'est trouvé en présence de cette obligation absolue et irrévocable de garder le célibat. Lorsqu'il a fallu faire ce grand sacrifice,

l'homme faible a reculé; l'homme fort a persisté parce qu'il s'est senti assez d'énergie pour tenir sa promesse. Mais si on laissait un moyen légal de se soustraire à la sévérité de la règle ecclésiastique, la carrière serait ouverte aux caractères incertains, aux esprits faibles et mobiles, le sacerdoce serait livré à toutes les inconstances, et perdrait toute sa dignité. Laissons donc le prêtre à sa véritable famille: aux malheureux qu'il console, aux pauvres qu'il soutient, aux fidèles qui suivent ses conseils, et qui sont ses enfants. Laissons-lui la vie solitaire, calme et retirée du presbytère, c'est la seule qui convienne au saint ministère qui lui est confié.

« Qu'on y songe bien, jamais l'Église ne renoncera à la sévère obligation du célibat pour ses ministres, et si la loi civile venait détruire les sages précautions de l'ancienne discipline ecclésiastique, la société aurait à en souffrir bien plus encore que la religion.

« L'immense majorité du clergé de France, comme à d'autres époques, n'y trouverait qu'une occasion de montrer sa fermeté et sa vertu; mais il suffirait de quelques esprits dépravés, de quelques passions honteuses pour amener de déplorables scandales, et le désordre produit par de tels mariages serait bientôt, dans les circonstances où nous nous trouvons, un auxiliaire pour les ennemis de la famille, une arme dangereuse tournée contre le lien social.

« Nos premières assemblées commirent une faute dont tout le monde connaît les conséquences funestes; le Concordat la répara en replaçant les ecclésiastiques sous l'ancienne discipline de l'Église. Et maintenant vous n'irez pas renverser par une loi la sauvegarde que la législation actuelle offre à la moralité publique, à l'opinion de la majorité et aux idées religieuses. Vous ne jetterez pas au milieu de la société, déjà si ébranlée, un nouvel élément de trouble et de désordre. Nous croyons entrer dans les sentiments de l'Assemblée, en repoussant les vœux des pétitionnaires, et en vous proposant l'ordre du jour 1. »

Pour compléter les observations présentées par M. Dufougeroux, nous

La discussion s'engage sur ce Rapport :

M.......... dit que la jurisprudence n'est pas fixée, attendu qu'il n'y a jamais eu de la part de la Cour de cassation que des arrêts de la Chambre des requêtes; des mariages ont été contractés, et personne n'a songé à en demander la dissolution par rapport à l'état des enfants. La question de principe ne peut pas être considérée comme résolue ni par la loi ni par la jurisprudence. Reconnaître qu'un individu peut se faire protestant et lui contester le droit de se marier, c'est tomber dans une contradiction choquante; à ce point de vue la question ne s'est pas produite.

J'aurais voulu, ajoute l'orateur, que la question fût seulcment envisagée sous le rapport social, à cet égard la solution eût paru mieux justifiée. Je pense qu'une loi qui interdirait le mariage aux prêtres pendant un temps donné, après leur renonciation à la prêtrise, serait facilement adoptée, et serait même désirable.

Je voudrais donc qu'on signalât la nécessité d'une pareille loi en présence de la Constitution nouvelle, qui déclare si formellement que chacun professe librement sa religion. Il n'y aurait aucun moyen de refuser à un prêtre le mariage civil qu'il demanderait à un maire.

M....... combat ces raisonnements et fait observer que les canons obligent le prêtre, non-seulement tant qu'il exerce ses fonctions, mais encore toute sa vie, quels que soient ses caprices et son changement de volonté; le caractère du prêtre est indélébile, rien ne peut l'effacer, et les obligations qu'il impose suivent partout et toujours celui qui en est revêtu.

M...... demande que les conclusions du Rapport soient formulées dans le sens du renvoi au ministre de la justice. A son avis il y a une lacune dans la législation, il faut que cette lacune soit comblée; et c'est pour cela qu'il demande le renvoi au ministre de la justice, afin que le gouvernement

renvoyons à la note de l'art. 1er du Concordat, page 96, où sont rapportées les décisions de la jurisprudence sur le mariage des prêtres.

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