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tion dans le mariage; mais les personnes mariées souffrent dans leur chair des tribulations, tandis que celles qui vivent dans le célibat peuvent plus commodément s'occuper du soin des choses du Seigneur. Il est donc plus facile d'honorer Dieu hors du mariage que dans le mariage, et saint Paul n'a pas voulu dire autre chose. Mais il y a dans le mariage des grâces d'état qui rendent facile ce qui de soi eût été plus difficile.

« Il paraît presque impossible aux hommes du monde de garder le célibat. Je le crois aisément, parce qu'ils jugent des autres par eux-mêmes, et de ceux qui évitent les séductions de la chair par ceux qui ne cherchent qu'à la satisfaire. Mais il y a des âmes d'élite qui sont nées avec le goût de la virginité, comme d'autres avec le goût du mariage. La reli– gion a dû répondre à ces deux goûts, tout aussi légitimes l'un que l'autre. Au lieu de contraindre la nature, elle respecte ses penchants et elle ouvre des asiles à la virginité, comme elle bénit l'union de ceux qui obéissent à d'autres inclinations. Il y a des personnes qui sont amoureuses de la pureté comme d'autres le sont des jouissances sensuelles. Je conviens que ce goût sublime ne se développe que dans le catholicisme, et j'y trouve un indice de plus de sa divinité. Car y a-t-il rien de plus divin que la vierge volontaire qui s'éprend pour la continence de la même passion que les autres pour les plaisirs de la vie, et qui est aussi jalouse de conserver la virginité que les autres sont impatientes d'en faire le sacrifice? C'est une élévation d'âme et de sentiment vraiment sublime, et une admirable compréhension de la beauté incréée qui reste éternellement vierge, parce qu'elle n'a de relation qu'avec elle-même.

<< Mais la religion est si éloignée de ne pas rendre au mariage le respect qu'il mérite, qu'elle l'a élevé à la dignité de sacrement, et elle l'a sanctifié à ce point que les époux, en perdant la virginité, peuvent néanmoins en conserver l'hon

neur.

« Telle est la doctrine de l'Église sur le mariage et sur le

célibat. Les préjugés philosophiques n'ont pas manqué de la défigurer, comme ils l'ont fait de tous les autres points de la doctrine chrétienne, sans aucun respect pour la vérité ni pour le divin auteur du Christianisme.

« Nous devons toutefois ajouter que la vie religieuse n'est qu'une vie d'exception, et que peu de personnes y sont appelées. On peut donc se rassurer, les ordres religieux ne porteront pas un notable préjudice à l'accroissement de la population, et ils contribueront au contraire à mettre en équilibre la production et la consommation. »

La question du célibat des prêtres a été portée au comité par deux pétitions. L'une de ces pétitions demandait spécialement que, dans le cas où la faculté de contracter mariage ne serait pas accordée aux prêtres exerçant les fonctions du sacerdoce, elle fût du moins admise pour celui qui veut quitter cet état, sans lui imposer l'obligation d'en faire la demande aux tribunaux.

M. Grelier Dufougeroux, au nom de la sous-commission des pétitions, a fait sur cette importante question un Rapport plein d'intérêt et de sages aperçus, que nous sommes heureux de pouvoir mettre sous les yeux de nos lecteurs.

« Nous n'avons point, a dit M. Dufougeroux, à nous préoccuper de l'époque précise de l'établissement du célibat ecclésiastique : à chaque page de l'histoire de la primitive Église, à côté du martyr qui donne son sang pour la foi, nous trouvons le saint qui se voue au célibat; et à cette époque de vertus austères et de sacrifices, ce qui paraissait une marque de la perfection chrétienne, dut promptement devenir une obligation pour le prêtre. On a souvent discuté sur ce sujet ; nous pourrions invoquer des textes positifs qui montrent que l'Église, dès son origine, établit le célibat comme règle, et les textes contraires prouveraient tout au plus une tolérance ou une exception; au reste, cette polémique serait ici mal placée et sans utilité. La question n'est pas de savoir si, dès les premiers jours du christianisme, cette règle fut absolue; l'important est de bien constater que les conciles lui ont donné force de loi canonique,

et qu'elle a été maintenue à travers les siècles jusqu'à nos jours. Je ne fatiguerai pas votre attention en vous citant tous les conciles qui établirent l'obligation du célibat pour le clergé; et si des abus se produisirent surtout au dixième siècle dans ces temps de désordre et de confusion pour toute l'Europe, où la société du moyen âge, à son premier pas, semblait vouloir rétrograder vers la barbarie, l'Église éleva toujours la voix pour rappeler à l'observation de l'ancienne discipline, et Grégoire VII ramena de sa main puissante le clergé de l'Allemagne et de la Lombardie au devoir qu'il avait oublié. Le concile de Latran, en 1123, déclara que le sacrement de l'ordre est un empêchement dirimant au mariage; et enfin, le concile de Trente, au seizième siècle, écrivit l'obligation absolue du célibat ecclésiastique dans le dernier code, où l'Église va chercher encore aujourd'hui ses règles et sa loi. Personne assurément ne contestera qu'avant 1789 les canons qui prescrivent le célibat ecclésiastique étaient admis en France et reconnus par l'autorité civile.

« L'Assemblée constituante, au milieu de ses admirables travaux, se laissa malheureusement entraîner à l'esprit irréligieux du dix-huitième siècle, et, après avoir décrété la constitution civile du clergé, elle autorisa formellement le mariage des prêtres. Ce furent là deux grandes fautes qui eurent de tristes résultats. Les assemblées qui suivirent furent encore plus loin à cet égard, et un décret de 1793 assura une prime pour favoriser les mariages, et prononça des peines contre ceux qui y porteraient obstacle.

<< Mais bientôt le Concordat annula tous ces décrets, qui, systématiquement, avaient porté le désordre dans le sein de l'Église, et le premier consul, en relevant les autels, comprit qu'il fallait replacer les ministres du culte sous l'ancienne discipline ecclésiastique : joug bienfaisant réclamé par le clergé, garantie offerte à la société, seul moyen de concilier au prêtre catholique le respect et la confiance des populations.

« Le texte des articles organiques est formel; il dit à l'ar

ticle 26: Les évêques ne pourront ordonner aucun ecclésiastique, s'il n'a atteint l'âge de vingt-cinq ans, et s'il ne réunit les qualités requises par les canons reçus en France.

« Et à l'article 6, dans l'énumération des cas d'abus qui peuvent amener le recours au conseil d'État, il comprend l'infraction des règles consacrés par les canons reçus en France.

« Le sens de ces articles ne saurait être douteux... Les anciens canons réglant l'état ecclésiastique, se trouvent par là rétablis dans toute leur force. Le Concordat dit positivement : que le clergé ne pourra pas enfreindre les règles consacrées par les canons reçus en France. Et il faut bien remarquer que les anciens canons, qui n'ont pas été rétablis, restent sans valeur et sans autorité devant la loi, et qu'on ne peut invoquer que ceux qui règlent l'état ecclésiastique, parce que seuls ils ont été relevés de l'abrogation générale prononcée par la Constituante.

« Le Code civil, promulgué un an après le Concordat, garde le silence sur l'aptitude ou l'incapacité des prêtres catholiques à contracter mariage, et en effet il devait se taire en présence d'une loi organique qui peu de temps auparavant avait fixé les obligations du clergé. Pour détruire l'effet du Concordat, ce n'est pas le silence du Code civil qu'il faudrait invoquer, mais une disposition précise. D'un côté, les art. 6 et 26 du Concordat rétablissent positivement l'obligation pour les prêtres de suivre l'ancienne discipline; de l'autre, le Code se tait, et n'avait réellement rien à expliquer. Il n'y a là pour nous aucun sujet de doute ou d'hésitation.

« Voudrait-on présenter comme une objection quelques phrases prononcées par M. Portalis, en portant au Corps législatif le titre du mariage? La valeur et le sens absolu que l'on chercherait dans ses paroles, se trouvent complétement détruits par d'autres paroles, par d'autres phrases écrites avec plus d'autorité, et dans un sens tout différent. On peut lire, pour s'en convaincre, ses trois lettres à l'archevêque de Bordeaux, à l'évêque de Bayeux et au préfet de Rouen. Il ne

faut pas oublier aussi ce qu'il disait en exposant les motifs du Concordat devant le Corps législatif.

« Quelques personnes se plaindront peut-être de ce qu'on « n'a pas conservé le mariage des prêtres. Mais lorsqu'on admet <«< une religion, il faut bien la régir avec ses principes. On eût «< choqué toutes les idées en annonçant l'intention de s'éloigner « à cet égard de ce qui se pratique chez les autres nations ca«tholiques. Personne n'est forcé de se consacrer au sacer« doce. Ceux qui s'y destinent n'ont qu'à mesurer leurs forces « sur l'étendue des sacrifices qu'on exige d'eux. Il faut que les « ministres ne puissent secouer arbitrairement le joug de la « discipline, au grand préjudice des particuliers. » « Ainsi s'exprimait le ministre des cultes.

« Cherchons maintenant dans les paroles de l'auteur même du Concordat l'explication de l'esprit qui a dicté les articles où les ecclésiastiques sont replacés sous l'empire de la discipline établic par les canons.

« Le 20 décembre 1813, Napoléon, présidant le conseil d'État, disait :

« Quand j'autorise l'ordination d'un clerc, je reconnais né« cessairement en lui le caractère sacerdotal. Je l'avoue pour « prêtre. Quiconque s'engage dans les ordres sacrés contracte « l'obligation de garder le célibat, et cette obligation est ap« prouvée par le prince. »

Et à la même époque, pour donner encore plus de force à la pensée qu'il avait eue dans le Concordat, il demanda au conseil d'État une sanction pénale et une loi pour déclarer bigames les prêtres qui se marieraient, en se fondant sur ce que le sacerdoce est une sorte de mariage. Cette proposition fut accueillie par le conseil d'État, et les événements seuls empêchèrent de la convertir en loi.

« En présence du texte précis des articles organiques, le simple bon sens aurait dû suffire pour bien comprendre celte question; mais, pour la décider, on a provoqué plus d'une fois le talent des avocats les plus habiles, et les décisions de la magistrature..... Plusieurs jugements ont été rendus, et les

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