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« Toutefois, Mgr Sibour s'exprime ainsi :

« Pour nous, nous le déclarons ici, quel que soit notre << droit canonique et légal de régler, comme nous l'enten« dons, conformément aux canons de l'Église, l'exercice de << la juridiction contentieuse qui nous appartient et que l'État << nous reconnaît, nous n'en serons pas moins empressé, s'il « s'agissait d'organiser un jour, d'une manière uniforme, les « officialités en France, de faire à l'organisation que nous « avons adoptée toutes les modifications nécessaires pour la « mettre en harmonie avec celles que nos vénérables col« lègues dans l'épiscopat pourraient adopter, et à laquelle le « gouvernement serait disposé à donner avec son approba«tion la force d'un règlement d'administration publique. >>

« D'après ce passage de l'ouvrage de Mgr Sibour, il serait peut-être permis d'espérer que l'épiscopat pourrait arriver à s'entendre avec le gouvernement pour donner une consécration légale aux officialités. Mais sur cette question, comme sur celle des desservants, il y a le même motif de préférence pour entamer la négociation avec la cour de Rome. Aux considérations déjà énoncées à cet égard, ajoutons qu'une convention avec les évêques actuels pourrait ne point paraître obligatoire à leurs successeurs, tandis qu'un traité ou concordat avec le Saint-Siége obligera pour l'avenir comme pour le présent.

<< Maintenant il nous reste à examiner sur quelles bases devrait être faite la nouvelle organisation. A cette question se rattachent des vœux exprimés dans de nombreuses pétitions adressées à l'Assemblée nationale. Toutes prennent pour point de départ l'élection plus ou moins directe pour toutes les nominations, depuis les évêques jusqu'aux chanoines, curés, desservants et aux officialités.

<< Parmi les nombreux projets présentés, peu sont d'accord sur l'exécution; mais il y a unanimité sur la nécessité d'introduire un mode d'élection plus ou moins directe pour toutes les nominations. C'est là, en effet, une nécessité des temps, un progrès demandé par la nature de l'institution, par les

tendances de l'esprit humain. Et pourquoi ne ferait-on pas pénétrer l'élection dans tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, lorsque ce mode fonctionne depuis un temps immémorial à son sommet, pour la nomination du souverain pontife? Pourquoi surtout n'y introduirait-on pas, pour une part quelconque, l'élément laïque, qui a un si grand intérêt à avoir de bons pasteurs? Les élus ne puiseraient-ils pas un surcroît de force et de considération dans le concours de cet élément, concours renfermé néanmoins dans de justes limites?

« Pour nous, nous n'hésitons pas à le déclarer, dans notre pensée, l'élection est aujourd'hui la source vive à laquelle doivent se retremper toutes les institutions qui voudront obtenir force et respect aux yeux des peuples, et accomplir la mission qui leur a été confiée par la Providence.

« Quant aux évêques, l'Assemblée nationale peut, dès à présent, décréter le mode d'élection d'après lequel ils seront nommés.

«En effet, par le Concordat, le droit de nommer les évêques a été concédé au chef de l'État. Or, rien ne s'oppose à ce que le pouvoir législatif détermine les limites, les catégories dans lesquelles le gouvernement sera obligé de choisir. Le Concordat n'éprouvera, par cette mesure, aucune atteinte ni dans son esprit ni dans sa lettre il n'y aura donc aucune réclamation possible de la part du Saint-Siége.

« Il n'y a pas à songer à l'élection directe par une assemblée quelconque, car, alors, ce ne serait plus le chef de l'État qui nommerait; on sortirait donc du Concordat. Mais cet inconvé nient ne se rencontre pas dans l'élection d'un certain nombre de candidats parmi lesquels le gouvernement ferait son choix.

<< Pour l'élection de ces candidats, l'assemblée de tous les fidèles me paraît avoir peu d'aptitude; le peuple a quelquefois des entraînements, des erreurs, et, en pareille matière, de mauvais choix seraient déplorables.

« Mais on pourrait, sans inconvénient, confier cette élection à une assemblée composée de tous les ecclésiastiques et de

tous les maires ou adjoints catholiques du diocèse. En changeant le mode de nomination des fabriques, et en l'attribuant à l'élection, on pourrait substituer des délégués des fabriques aux maires ou adjoints.

« On ferait ainsi concourir à la nomination le peuple, le sacerdoce et le pouvoir exécutif. L'élu recevrait du concours de tous ces éléments une force et une considération qui ne pourraient que profiter à la religion.

« Le même mode pourrait être adopté avec quelques modifications à toutes les nominations ecclésiastiques.

« Nous proposons donc avec confiance notre projet de décret.»>

La proposition de M. Cenac a été discutée dans la séance du 13 février 1849. Le comité a décidé qu'elle ne pouvait se détacher du travail d'ensemble que le comité se propose de faire sur les diverses questions soulevées par M. Cenac, et qu'il y avait lieu, en conséquence, de proposer l'ajournement sur la proposition. Il a chargé M. Isambert de faire un rapport dans ce sens. Voici ce remarquable rapport, qui a été lu au comité et adopté par lui dans la séance du 22 février 1849.

Rapport fait au nom du Comité des Cultes, sur la proposition de M. Cenac relative à l'élection aux fonctions ecclésiastiques, par M. Isambert, représentant du peuple.

CITOYENS REPRÉSENTANTS,

« Notre honorable collègue M. Cenac a déposé sur le bureau de l'Assemblée une proposition relative au régime ecclésiastique, et dont le développement a été imprimé le 18 octobre 1848.

« Cette proposition a été renvoyée au comité des cultes. « C'était un devoir pour le comité d'entendre l'auteur de la proposition, qui s'est absenté par congé.

<< Avant son retour, et le 27 novembre, cinq représentants 1

' MM. Isambert, Gavaret, Mispoulet, Pascal Duprat et E. Quinet. Voyez le chap. XV.

ont fait aussi le dépôt d'une proposition, qui nous a été renvoyée, au sujet de l'inamovibilité des desservants et de l'institution de tribunaux disciplinaires ecclésiastiques.

« Ce sujet rentrait dans la proposition de M. Cenac, et formait la principale partie de ses développements.

« L'examen en a été fait au comité des cultes, pendant un assez grand nombre de séances, et aucun des arguments de M. Cenac n'a été négligé.

« Le comité a confié à un autre qu'à nous le soin de faire à l'Assemblée le rapport de cette question spéciale, et comme il en a adopté le principe, M. Cenac a droit de revendiquer la principale part dans le mérite de l'initiative : nous ne devons pas nous en occuper ici.

« Il reste à examiner la partie de la proposition de notre honorable collègue qui se rapporte :

« 1° A l'institution des archevêques et des évêques ;

« 2o A l'ouverture de négociations avec le Saint-Siége, à l'effet de déterminer les conditions à remplir pour être promu aux autres fonctions ecclésiastiques, et pour introduire l'élection dans la collation de toutes ces fonctions.

« Après avoir entendu l'honorable M. Cenac, nous nous sommes demandé s'il y avait, pour saisir l'Assemblée de l'examen d'un système qui s'attaque à tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, la même urgence que pour asurer le sort des desservants, et pour rétablir les officialités.

« Personne n'ignore que déjà d'honorables prélats ont pris l'initiative de ce rétablissement, qui paraît être dans le vœu général; il ne s'agit plus guère que de régler la composition de ces tribunaux disciplinaires, et de les généraliser par l'autorité du souverain pontife'.

« Les nouveaux droits politiques conférés aux membres du sacerdoce, comme aux autres citoyens, exigent qu'ils les remplissent avec indépendance; et quoique l'épiscopat ait,

Il ne s'agit pas de rétablir l'ancienne juridiction ecclésiastique sur les laïcs.

dans la double épreuve qui s'est faite sur le sol entier de la République, respecté ce principe, il importe sans doute qu'aucune défiance n'existe à ce sujet ; il importe que la dignité du sacerdoce soit rehaussée par la restitution de droits dont le clergé du second ordre a joui pendant des siècles, sous la double autorité des lois canoniques et du droit public de la France.

<< D'ailleurs cette inamovibilité ne leur est point contestée par le concordat en vigueur, lequel a rétabli le clergé dans ses attributions antérieures à 1789.

« Cependant, comme il s'agissait encore d'innover sur un état de choses qui subsiste depuis près d'un demi-siècle, et que le Saint-Siége a confirmé par quelques décisions spéciales, sinon par un statut général, le comité n'a pas cru devoir proposer à l'Assemblée d'abroger l'art. 31 des organiques qui a dérogé à l'ancien droit, avant que le souverain pontife ait été consulté.

« La partie des propositions de M. Cenac qui fait l'objet du présent rapport a une portée bien plus étendue, qui, comme nous le disions, s'attaque à la hiérarchie tout entière.

<< Son auteur nous paraît avoir lui-même des doutes sur les points qu'il entend soumettre à l'Assemblée.

<< Car, à part du moins ce qui regarde la nomination aux archevêchés et aux évêchés, sur laquelle il propose une disposition absolue, il demande pour les autres fonctions ecclésiastiques qu'il y ait une négociation préalable quant à l'élection, soit pour nommer directement, soit pour désigner des candidats à l'autorité chargée de nommer à ces fonctions. « L'art. 4 de cette proposition, qui semble faire double emploi avec le no 4 de l'art. 3, est ainsi conçu :

« Le pouvoir exécutif s'entendra aussi avec le Saint-Siége « pour déterminer les fonctions pour lesquelles l'Assemblée, «< chargée d'élire les titulaires ou les candidats, devra être « composée du clergé seul, et celles pour lesquelles il sera « utile de faire entrer dans cette Assemblée l'élément laïque, « soit par les maires ou adjoints catholiques du diocèse, de

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