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de Rouen. Cette mélodie élégante a pris d'autres paroles en entrant à l'église, qui la conservera longtemps : elle y est devenue le cantique, Sainte cité, demeure permanente. Écrit pour une voix récitante au premier couplet, et quatre voix récitantes au second, soutenues par un orchestre vocal à six parties, ce cantique produit un effet admirable; c'est ainsi que je l'ai donné dans le Mois de Marie, publié sous mon nom.

Le délicieux nocturne de Blangini, 'pour soprane et contralte ou ténor, Amor che nasce, est maintenant l'Ave Maria le plus affectueux qu'on puisse imaginer.

Toujours, toujours, il est toujours le même, paroles et musique, est une chanson de Beaumarchais. L'air et le refrain sont restés.

LA MONACO. La principauté de Monaco, depuis quelque temps est traitée par les journalistes avec bien peu de révérence. Des plaisanteries sont mêmes dirigées contre une chanson vraiment patriotique ayant nom la Monaco, chanson française, improvisée après une victoire, et que Bonaparte remit en lumière à l'époque de ses glorieuses campagnes d'Italie. Le répertoire de nos orchestres militaires se composait alors d'une infinité d'airs significatifs, d'airs parlants, bien que les clarinettes n'en fissent entendre que les notes. Les paroles absentes se présentaient à la pensée des auditeurs. Le Chant du Départ, la Monaco, telles étaient les cavatines. d'entrée et de sortie des aubades que nos musiciens lançaient à l'ennemi; les bombes, les obus, les boulets, la mitraille, en étaient l'accompagnement ordinaire, obligé.

En 1804, l'empereur Napoléon avait supprimé les mélodies républicaines; la Monaco partagea le sort de la Marseillaise. Aux batailles d'Austerlitz, de Friedland, de Wagram, Napoléon avait imposé silence à la Marseillaise, mais il sifflait malicieusement la Monaco? lorsqu'il voyait les ennemis prêts à se débander, à chercher leur salut dans la fuite ou dans les étangs. Cela vaut-il la Monaco?» disait-il à la belle Grassini, à Crescentini, lorsqu'ils venaient d'exécuter admirablement les plus beaux airs, les duos les plus brillants de Pergolese

ou de Paisiello. Quand les premiers rayons du soleil échauffent sa statue, avec un peu de foi, de complaisance, vous entendrez encore le Napoléon de bronze siffler la Monaco sur le fût élevé de sa colonne.

Je dois faire connaître l'origine de la chanson et l'importance énorme du petit pays dont on se moque à la journée; il est possible que les railleurs ignorent l'une et l'autre.

Les princes de Monaco vivaient sous la protection de Charles-Quint, mais ils étaient libres. Honoré II étant mineur, les Espagnols avaient fait assassiner son père en 1605, ses tuteurs firent avec l'Espagne un traité, par lequel ils consentirent à recevoir garnison à Monaco pendant la minorité du prince seulement. Quand il fut majeur, les Espagnols ne voulurent point retirer leurs soldats comme ils l'avaient promis. Honoré fut blessé de cette perfidie, et chercha le moyen de recouvrer sa liberté. Corbon, Provençal qui paraissait d'un esprit médiocre, était sage, prudent, dissimulé, capable d'une entreprise hardie et vigoureuse. Honoré lui confia sa peine, et l'envoya secrètement à Paris auprès du cardinal de Richelieu; son éminence l'écouta d'autant plus volontiers que les Français avaient déjà formé le projet de se rendre maîtres de Monaco; s'ils ne l'exécutaient pas, c'est à cause des difficultés que présentait le siége de cette place, à peu près imprenable par sa position escarpée.

Après la négociation de Corbon, Richelieu fit préparer à Marseille, soldats, vaisseaux, munitions et tout ce qu'il fallait pour s'emparer de Monaco dès que le prince Honoré le jugerait convenable. Cela ne put se faire sans que les chefs des états voisins n'en eusent quelque vent, et le gouverneur de Milan, qui l'apprit d'un parent du duc de Savoie, ennemi de la France, en écrivit au commandant espagnol à Monaco, afin qu'il surveillât la conduite d'Honoré. Le commandant soupçonnait si peu l'entreprise, qu'il répondit au gouverneur de Milan de la fidélité de ce prince, ajoutant que le bruit de sa rébellion n'avait d'autre cause que la méchanceté de ses ennemis, etc. Cette réponse, interceptée et remise au prince,

lui prouva que l'on avait découvert son dessein et l'obligea de presser l'entreprise, en redoublant de prudence et d'artifices.

Il contremanda les vaisseaux prêts à s'éloigner de Marseille, et parut ensuite en public avec un visage chagrin, affectant de vouloir délivrer Roquebrune et Menton des factieux, des bandits qui troublaient la tranquillité du pays. Il fit arréter ces prétendus coupables, et comme leur nombre ne suffisait pas à l'exécution de son projet, il acheva de remplir les prisons avec des innocents. Cette mesure de rigueur était à peine prise, que les Espagnols firent naître un incident qui hata leur perte. Ils demandèrent au prince trois mois de paie, qu'ils prétendaient leur être dus. Honoré fit semblant d'approuver la réclamation; mais, prétextant l'impossibilité d'acquitter cette dette, il leur proposa d'aller à Roquebrune, village riche, qui n'avait point encore payé ses contributions; qu'ils y seraient les maîtres; y vivraient à discrétion, leur protestant qu'il était si touché de la misère des soldats, qu'il aimait mieux leur abandonner ses propres sujets, que de voir de braves militaires souffrir plus longtemps.

Ravis de cette licence agréable, soixante Espagnols sortirent à l'instant de Monaco pour aller s'établir à Roquebrune. Un nombre plus grand de soldats venaient de se diriger sur Nice, afin de mettre cette ville à l'abri d'un coup de main. La garnison de Monaco fut donc assez affaiblie pour que l'entreprise d'Honoré pût être exécutée avec succès.

Tous les officiers espagnols, que le prince avait invités à souper dans son palais furent exacts au rendez-vous. Les soldats étaient de la partie; leurs tables, couvertes de mets succulents, offraient aussi des bouteilles en nombre plus que suffisant; les vins les plus exquis et les plus capiteux étaient libéralement versés par les gens de la maison. Le souper se prolongea fort avant dans la nuit, et ne finit qu'au momeut où le plus grand nombre des soldats furent plongés dans une ivresse complète. Armés jusqu'aux dents, les prisonniers sortirent alors de leur sombre retraite, attenante au palais,

et vinrent fondre sur la garnison. Les officiers se battirent en désespérés ; le prince et son fils furent plusieurs fois en danger de perdre la vie. Enfin, après deux heures d'un combat opiniâtre, tous les corps de garde étant enfoncés, les soldats et la plupart des officiers massacrés, Honoré se rendit maître de la place. Il y fit entrer deux cents habitants armés, qui jusqu'à ce moment s'étaient tenus blottis, couchés au pied du rempart. Corbon arriva d'Antibes avec les vaisseaux envoyés de Marseille, assura la liberté du pays, et chanta le refrain qu'il avait improvisé sur le pont de son navire : A la Monaco

L'on chasse et l'on déchasse,

A la Monaco

L'on chasse comme il faut.

La nouvelle de cette révolution eut un grand retentissement en Europe; et comme les princes d'Italie redoutaient le voisinage des Français, le cardinal de Savoie s'interposa. Il of frit au prince Honoré les partis les plus avantageux, des dignités, des sommes d'argent; Honoré l'en remercia. Otant de son cou l'ordre de la Toison d'Or, il le remit à l'officier espagnol du grade le plus élevé, pour le porter au gouverneur de Milan - Je rends au roi d'Espagne ce que je te nais de lui, qu'il veuille bien me permettre de garder ce qui m'appartient, dit-il dans la lettre qu'il écrivit à ce gouverneur. Peu de temps après, le prince de Monaco vint saluer le roi Louis XIII au camp de Perpignan; il y fut reçu de la manière la plus flatteuse et la plus amicale.

:

Les conditions du traité, signé le 8 juillet 1641, furent que la France garderait la place pour le prince et ses successeurs, lesquels seraient gouverneurs perpétuels de la garnison, fixée à cinq cents hommes. Que le roi Louis XIII donnerait au prince une terre érigée en duché-pairie (1); que soixante

(1) Le duché de Valentinois (Drôme), dont le revenu s'élevant à 800,000 francs, fut éteint dans sa totalité lors de l'abolition des droits féodaux, en 1790.

quinze mille livres de pension lui seraient assignées sur d'autres domaines, que son fils en aurait neuf mille pendant sa vie, avec une compagnie d'hommes d'armes, et que le roi tiendrait dans le port de Monaco deux galères à la disposition du prince, pour maintenir ses droits sur la mer et ses autres priviléges qui seraient inviolables, et qui lui seraient conservés, toujours avec la souveraineté de la place. Outre ces conditions, Louis fit compter à ce prince vingt-cinq mille écus au camp de Perpignan, et lui donna le cordon de son ordre. Il fallait bien dédommager Honoré II des immenses propriétés qu'il avait en Espagne, et dont un arrêt de confiscation venait de le priver.

En exécution de ce traité, cinq cents Français entrèrent à Monaco avec toutes les munitions nécessaires pour défendre la place. Quelques jours après, une galère d'Espagne, dont le chef ignorait le changement du prince, étant entrée dans le port, fut prise et gardée par les Français. Le cardinal Trivulce vint offrir au nom du roi d'Espagne huit cent mille écus (2,400,000 livres) au prince Honoré, s'il voulait chasser la garnison française et revenir sous la protection espagnole. La république de Gênes avait offert de payer cette rançon, elle redoutait notre voisinage, suivant le proverbe grec : — Sois l'ami du coq et non pas son voisin. »

Le prix offert démontre l'importance de l'objet. La France a protégé le pays de Monaco pendant plus d'un siècle et demi; ce pays réclame aujourd'hui notre protection; il veut nous épouser sans dot; serait-il impossible d'accepter une proposition si galante et si gracieuse?

CHANSON DU MIRLITON. Savez-vous ce que c'est qu'un mirliton, mesdames? car c'est vous que cela touche spécialement, uniquement. Pourriez-vous bien me dire ce que signifie ce mot mirliton, si souvent employé par les chansonniers et les habitués de la foire de Saint-Cloud, aujourd'hui qu'il n'est plus question des foires Saint-Laurent et Saint-Germain? Qu'est-ce qu'un mirliton? Vous ne répondez pas, et me regardez avec une surprise inquiète, comme si vous re

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