Chacun a sa marotte et tous leur ridicule. L'un, à la suite d'un cartel, Qui veut du sang, pour un mot, pour un geste, S'en va mourir d'ennui sur les bords du Texel: L'autre, promeneur solitaire, Et voyageur apothicaire, Va chercher sur les rocs, sur la cime des monts, Et, fier de son butin lentement recueilli, Cet autre, préférant les arts à la nature, Va porter jusqu'aux cieux le nom de Bramanté. En maçon très chrétien il a couru la terre, Vu tous les patrons goths, grecs, gaulois, ou romains, Les temples celtes ou germains. Il part, revole en France, en Angleterre, Enfin ses longs discours, ses récits, ses dessins, L'autre à bien festiner met sa philosophie; Les pleurs du Christ (1) au cru de Chambertin, Dont un volcan féconda le terrain; Les vins pourris dans les fosses d'Espagne (2), (1) Lacryma-Christi : excellent vin qui se récolte sur le revers du Vésuve. (2) Le Rancio, du latin rancidus, parcequ'il mûrit dans des fosses creusées pour le recevoir. Nos grenadiers français buvoient, le sabre en main, Dans les foudres (1) de l'Allemagne. Tantôt son savoir bien nourri S'en va, d'auberges en auberges, Chercher dans quels climats, sous quel ciel favori, Les pois nouveaux et les asperges, Pour complaire à sa volonté, Il demande en courant le Chio, le Massique, Paya de si justes tributs. Il veut savoir quel vin moderne Remplace le Cécube, et tient lieu du Falerne. Il goûte, il juge tout, passe de halte en halte Nourris des débris du jardin, Aux gibiers du midi, dont la chair renommée (') Grands vaisseaux qui contiennent plusieurs muids de vin. De Lucque et d'Aix va comparer les huiles, Rapporte enfin chez lui des indigestions De tous pays, de toutes nations. Tantôt, peu satisfait de nos serres françaises, Prend là ses repas et ses aises. La saison finit-elle, il appelle à grand bruit D'autres, de l'avenir, du présent peu frappés, Du passé seul sont occupés; Dans les vallons, sur les monts escarpés Se pâment sur un mur bâti par Cicéron, Ou sur un coin du jardin de Néron; D'écus grecs ou romains, ou d'antiques médailles, Ils s'en vont ramassant des restes curieux; Ils appliquent la loupe, ils fatiguent leurs yeux Sur le vert-de-gris précieux De ces augustes antiquailles; Cherchent les casernes royales, Ou des Tibère, des Caïus, Les cavernes prétoriales; Comblent de leurs débris des chars et des vaisseaux ; Où logent cent consuls, et souvent pas un homme! Où, comme les vivants, chez d'Hozier, chez Baujon, Les morts inscrits sur leurs regître Présentent en entrant leurs dates et leurs titres. Des cartons sous le bras, dans les mains des crayons, Des ruines, des paysages; De voir ainsi déshonorés Ses bois, ses ruisseaux, et ses prés, A qui le crayon des artistes N'a pu laisser ce ciel pur et vermeil, |